Plus
général que lié à l'histoire commune homme /cheval,
ce paragraphe a l'intérêt documentaire d'un rapport d'étape
de la paléoanthropologie de la fin XIX eme siècle.
C'est pourquoi on le trouvera transcrit ici in extenso.
Notons que la
"jeune" paléontologie considère en
toute simplicité la diversité des formes de
crânes des bipèdes fabricants d'outils de silex
comme la marque d'autant de races d'hommes |
Piétrement
texte intégral
Un
grand nombre de crânes humains fossiles,
trouvés dans l'Europe occidentale, sont déjà
venus prouver que, dès l'époque quaternaire,
cette région était occupée, par six
races humaines bien distinctes, dont les
deux plus anciennes étaient très
dolichocéphales ou à crânes très allongés d'avant
en arrière. A ces deux races dolichocéphales
étaient venues se superposer ou se juxtaposer,
pendant la période quaternaire, quatre autres
races humaines à crânes plus ou moins arrondis.
MM. de Quatrefages et Hamy ont consacré les
quatre premières livraisons de leur magnifique
ouvrage Crania ethnica
à l'étude complète de ces six races
humaines. En offrant successivement ces quatre
livraisons à la Société d'anthropologie de
Paris, ils en ont donné des résumés dans
quatre notes auxquelles nous empruntons quelques
renseignements et seulement quelques-uns des
caractères ethniques de ces races. |
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Race de
Canstadt, dite aussi race de Néanderthal, race
australoïde.
« Les
caractères essentiels de la race de
Canstadt sont, surtout chez l'homme, un
aplatissement remarquable de la voûte
crânienne coïncidant avec une
dolichocéphalie très prononcée, la
projection en arrière de la région
postérieure du crâne, le développement
parfois énorme des sinus frontaux et la
direction très oblique du front. »
A cette race appartiennent, entre autres,
les crânes quaternaires de Canstadt,
près de Stuttgard; de Néanderthal,
près d'Elberfeld, dans la Prusse
rhénane; d'Eguisheim, près de Colmar;
de Clichy (trouvé dans les graviers de
fond de la Seine); de Denise, près du
Puy-en-Velay; de l'Olmo, en Toscane; les
mâchoires inférieures quaternaires de
Goyet et de la Naulette en Belgique; de
Clichy (Paris); d'Arcy-sur-Cure (Yonne) ;
ainsi que la tête d'époque
problématique trouvée à Forbes-Quarry
(Gibraltar).
« Ce crâne, cette face (du type de
Canstad), ne sont pas confinés dans les
temps géologiques. On les a retrouvés
dans les dolmens, dans les tombes du
moyen âge, chez des individus vivants.
Depuis que l'attention a été éveillée
sur ce point les faits ont été
recueillis en grand nombre, en Ecosse, en
Irlande, en Angleterre, en Espagne, en
Italie, en France, en Suède, en Danemark,
en Suisse, en Autriche, en Russie.
Des frontières orientales de l'Europe
jusqu'en Australie, nous ne connaissons
aucun exemple de tête humaine pouvant se
rattacher au type de Canstadt; mais,
parmi les races qui peuplent la grande
île mélanaisienne, il en est une dont
les tribus vivent aux environs de Port-Western
et qui rappelle à tous égards, par la
forme de son crâne, les hommes fossiles
dont nous parlons....
« Nous regardons les crânes mentionnés
plus haut comme ayant appartenu à une
race humaine paléontologique
particulière, qui, fondue avec les races
postérieures, accuse son existence
passée par l'empreinte qu'elle impose
encore aujourd'hui à quelques rares
individus.. » De Quatrefages
et Hamy, Races humaines fossiles :
race de Canstadt, dans les Bulletins
de la Société d'anthropologie de Paris, année
1873, p. 518-523. |
Piétrement
1882
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*
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Race de Cro-Magnon. Haute stature; crâne
très dolichocéphale, très volumineux, large et
élevé; orbites très peu élevées et très
allongées; prognathisme alvéolo-sous-nasal
assez accusé.
Parmi les localités où ses ossements
quaternaires (têtes crânes ou fragments) ont
été trouvés, on peut citer les cavernes d'Engis
et d'Engihoul, en Belgique; celles de Cro-Magnon,
des Eyzies, de la Madelaine et de Laugerie-Basse,
dans la vallée de la Vezère en Périgord ;
celles d'Aurignac et de Gourdan (Haute-Garonne)
celle de Lafaye, près de Bruniquel, dans la
vallée de l'Aveyron; celles de Menton, près de
Nice; les anciennes sépultures de Solutré; les
alluvions des moyens niveaux inférieurs de
Grenelle (Paris); Cantalupo, dans la campagne
romaine; Isola-del-Liri, dans la Terre de Labour.
"
A l'âge de la pierre polie nous le
trouvons ( l'homme de Cro-Magnon) dans la
caverne d'Hamior, à quelques lieues de
celles d'Engis et d'Engihoul; à Nieder-Ingolheim,
sur les bords du Rhin; à Grenelle, dans
les alluvions superposées à celles qui
contiennent les plus anciens restes; à
Solutré, dans les dépôts superficiels
; " |
ainsi
que dans la caverne de l'Homme-Mort, près
de Saint-Jean-les-Trépiés (Lozère), où il
présente des traces de croisement.
On l'a trouvé également dans les tourbières du
nord de la France et du port de BouIogne-sur-Mer
; à Chassemy (Aisne), dans un cimetière gaulois
de l'âge du fer; à Paris, dans les fouilles de
l'Hôtel-Dieu, du boulevard de Port-Royal, etc.
Le type de Cro-Magnon se retrouve de nos
jours chez les Basques de Zaraus, chez les hommes
de Roknia (département de Constantine), chez
certains Kabyles des Beni-Menasser et du Djurjura
(département d'Alger); mais c'est surtout parmi
les Guanches des Canaries que ce type semble s'être
le mieux conservé, parce qu'il s'y est trouvé
à l'abri du métissage. (Voyez de
Quatrefages et Hamy, La race de Cro-Magnon
dans l'espace et dans le temps, dans les Bullet.
de la Soc. d'anthropologie. de Paris, année 1874, p 260-266;
et Crania
ethnica,
p. 96-98)
Piétrement
1882
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Race
mésaticéphale de Furfooz. Front très fuyant,
orbites carrées, mâchoire supérieure presque
orthognathe.
A ce type se rapportent : le crâne n" 1 du Trou
du Frontal, découvert par M. Dupont; la
mâchoire inférieure trouvée par Boucher de
Perthes à Moulin-Quignon, près d'Abbeville; une
tête trouvée dans la grotte de Baillargues (Hérault)
; une autre tête trouvée dans la caverne
néolithique de Lombrives (Ariège); des
mâchoires inférieures trouvées à Hyères (Var)
et à Gibraltar (Espagne).
Race
sous-brachycéphale de Furfooz.
Les orbites
sont plus allongées que dans la race
précédente ; la mâchoire supérieure s'allonge
aussi et devient très prognathe; les dents s'inclinent
également en avant.
A ce type appartiennent : le crâne n° 2 du Trou
du Frontal, découvert par M. Dupont; sept
crânes retirés d'un puits funéraire
néolithique situé près de Verdun (Meuse) ;
plusieurs têtes extraites des allées couvertes
de Meudon, de Vauréal et de Presle (Seine-et-Oise)
; une tête trouvée à la station néolithique
des Hautes-Bornes (Seine); une tête de l'âge du
bronze retirée des argiles bleues du bassin de
Boulogne-sur-Mer ; une tête trouvée dans un
ancien tombeau au Camp-Long, près de Saint-Césaire
(Var). On retrouve encore chez les habitants de
la vallée de la Lesse, et surtout dans les
environs d'Anvers, des traces évidentes du sang
des deux races de Furfooz.
Race
brachycéphale de Grenelle.
Pommettes bien
accusées, orbites se rapprochant de la forme
carrée, mâchoire supérieure prognathe, dents
projetées en avant.
Des crânes de cette race ont été trouvés à
Grenelle, au milieu des alluvions les plus
superficielles de l'époque quaternaire. On doit
aussi lui rattacher un crâne trouvé à Nagy-Sap,
en Hongrie. On l'a trouvée aussi en Belgique, à
Furfooz; en France dans les sépultures
néolithiques de la Pierre-qui-Tourne (forêt de
Compiègne) et à Marly-le-Roi ; en Angleterre,
dans les sépultures néolithiques et surtout
dans les round-barrows ; en Allemagne, aux
environs de Plau ; en Suède, dans les
tourbières de la Scanie et dans les dolmens.
"
En Danemark, cette même race n'est autre
chose que le type brachycéphale d'Eschricht.
« On le retrouve dans les populations
actuelles des environs de Paris... Nous
retrouvons encore ce type presque à l'état
de pureté dans les Alpes du Dauphiné.
" Ces diverses particularités.....
nous ont fait admettre l'existence d'un type
laponoïde, auquel se rattachent un
grand nombre de populations échelonnées
dans le temps et répandues à peu près
dans l'Europe entière. C'est à lui qu'appartiennent
ces têtes osseuses de l'époque
néolithique recueillies en Suède et en
Danemark, regardées comme franchement
lapones par le vénérable Sven Nilsson
Retzius père, après quelques
hésitations, s'était rangé à la même
opinion, qui est aujourd'hui celle
croyons-nous, de tous les anatomistes du
Nord, et en particulier celle de notre
éminent correspondant M. Steenstrup. » |
Race
brachycéphale de la Truchère.
Elle n'est
connue jusqu'ici que par une seule tête,
trouvée dans les marnes grises à mammouth de la
Truchère, près de Lyon.
Le crâne est très grand et très large.
"Le
caractère le plus saillant de la face
est un nez très saillant, long et
étroit, placé entre deux orbites
carrées et relativement petites." (Voyez de Quatrefages
et Hamy, Races humaines fossiles
mésaticéphales et brachycéphales, dans
les Bull. de la Soc. d'anthrop. de
Paris, année 1874 p 819-826,
et année .1875, p. 612-614.) |
Piétrement
1882
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Laissant de côté cette
race de la Truchère, sur laquelle on possède si
peu de renseignements, nous pouvons ajouter que
les trois autres races fossiles aux crânes plus
ou moins arrondis et la race dolichocéphale de
Cro-Magnon avaient, toutes les quatre des cheveux
noirs, puisque telle est la couleur des cheveux
de leurs représentants actuels précités.
C
eux des habitants des plateaux du Causse, dans la
Lozère, qui présentent les caractères
anatomiques du type de Cro-Magnon, ont également
les cheveux bruns et les yeux noirs.
La race dolichocéphale de Canstadt doit avoir
été encore plus brune; car ceux de ses
descendants qu'on rencontre aujourd'hui dans les
départements de Loir-et-Cher, du Puy-de-Dôme et
du Finistère ont le front étroit et fuyant ;
les arcades sourcilières saillantes ; les
sourcils très épais ; la peau basanée, très
foncée, noire autour de l'aréole des seins et
des organes génitaux; les yeux noirs ; les
cheveux très abondants, noirs, droits ou
ondulés, et plantés très bas. (Voyez Lagneau, article ANTHROPOLOGIE DE LA
FRANCE,
dans le dicctionnoire encyclopédique des
sciences médicales, tome IV, 1879, p.
579.)
Cela ne justifie guère l'hypothèse qui a été
émise au Congrès international des sciences
anthropologiques, tenu à Paris en 1878, et
suivant laquelle rien ne s'opposerait à ce que
les hommes quaternaires de la
race de Canstadt eussent été "d'un beau
roux ".
Quoi qu'il en soit, cette race australoïde de
Canstadt paraît avoir habité la première l'Europe
occidentale dès le début de la période
quaternaire.
La première race qui est venue lui en disputer
le sol paraît être celle de Cro-Magnon, dont
les plus nombreux et les plus purs représentants
occupent aujourd'hui le nord-ouest de l'Afrique
et les îles voisines dans l'océan Atlantique.
Il
est donc vraisemblable que cette race de Cro-Magnon
était celle de l'Atlantide des anciens;
soit que cette Atlantide ait été réellement un
ancien continent aujourd'hui submergé dont les
Açores ne seraient que les sommets des montagnes;
soit qu'elle ait été tout simplement le centre
Hispano-Atlantique, lequel était constitué par
les États Barbaresques réunis à l'Espagne et
séparés du reste de l'Afrique par la mer
saharienne, comme on l'a vu aux pages 54 et 55.
A ces deux races sont venues se joindre les deux
races de Furfooz et la race de Grenelle, dès une
date très reculée dans les temps quaternaires.
Ces cinq
anciennes races humaines ont vécu côte à côte
dans l'Europe occidentale, pendant les dernières
phases de la période quaternaire, puisqu'elles
ne sont pas encore complètement éteintes dans
cettte région.
C'est par
conséquent à elles qu'il faut attribuer les
chasses quaternaires de chevaux sauvages et
autres grands mammifères dont il a été,
question dans le paragraphe précédent.
En montrant que les hommes de ces races
quaternaires étaient des chasseurs, comme les
anciens Peaux-Rouges d'Amérique, nous avons par
cela même indiqué qu'ils étaient comme eux,
nomades et grands voyageurs.
Edouard Lartet, M. Dupont et autres
paléontologistes ont mis le fait hors de doute
en étudiant aussi bien les diverses qualités
des pierres dont ils fabriquaient leurs armes que
les objets d'histoire naturelle, notamment les
coquillages marins, qu'ils rapportaient dans
leurs grottes, cavernes et abris.
On aurait pu l'affirmer
a priori, parce qu'une tribu réduite à
vivre de gibier est obligée de suivre les
animaux sauvages dans leurs cantonnements d'été,
dans leurs cantonnements d'hiver, dans leurs
courses, dans leurs migrations. Le métier de
chasseur n'est pas une sinécure, ni un métier
de cul-de-jatte, surtout quand on l'exerce avec
des haches en pierre taillée, même avec des
flèches armées de pierres ou d'os pointus.
Piétrement
1882
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