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LES
RACES HUMAINES ET CHEVALINES EN SYRIE ET EN
EGYPTE (chap.IX)
Quant
au type des anciens chevaux égyptiens, voici ce
que Prisse d'Avennes en dit dans son mémoire:
"Les chevaux
égyptiens, à en juger par les bas-reliefs
et les peintures, étaient d'une taille
élevée, comme les chevaux niséens des
plaines de la Médie, dont parle
Hérodote. Ils avaient le cou effilé, l'encolure
rouée, les paturons hauts, les jambes
longues et minces, les pieds petits, la
queue longue et fournie... Cette race s'est
conservée dans la haute vallée du Nil
et se rencontre encore quelquefois
en Egypte, où elle est connue
sous le nom de dongolâwi, c'est à dire
de la province de Dongolah, en Nubie." |
Au reste, toutes les
personnes compétentes qui ont pu, comme
Champollion, Prisse d'Avennes, les docteurs
Perron et Pruner-Bey, étudier sur place les
chevaux actuels de la vallée du Nil et ceux des
anciens monuments égyptiens, ont affirmé que l'ancienne
race chevaline des Egyptiens était identique à
la race nubienne ou dongolawi actuelle, que ses
représentants ne se rencontrent qu'exceptionnellement
aujourd'hui en Egypte, et l'on verra plus loin
comment ils en ont été expulsés.
Le type dongolawi ou nubien est même très
reconnaissable sur la plupart des chevaux
représentés dans les Monuments
de l'Egypte et de la Nubie de Champollion.
L'ensemble des caractères de ce type se retrouve
chez tous ces chevaux, et le profil de la tête
nubienne est même bien rendu dans les planches
15, 30,31,71,144,205,206, 290 et 301.
Sauf les chevaux de la planche 144, tous les
autres remontent seulement à la XIXe et à la
XXe dynastie; et il faut observer à ce propos
que le Ramsès II et le Ramsès III de
Champollion sont un seul et même personnage,
Ramsès II, de sorte que son Ramsès IV est en
réalité le Ramsès III de la XXe dynastie.
On a vu plus haut que les chevaux de la planche
144 de Champollion sont ceux du char de Pihiri
parent et contemporain d'Ahmès chef des
nautonniers. Ils doivent avoir traîné ce char
pendant la guerre de l'indépendance, avant que
la victoire d'Amosis Ier sur les Hyksos
réfugiés à Hâouâr ne l'ait fait souverain de
toute l'Egypte et fondateur de la XVIIIe dynastie.
Toujours est-il que, parmi les chevaux
représentés sur les monuments, ce sont les
seuls que Lepsius fasse remonter à la XVIIIe
dynastie (Lepsius, Denkmaeler,
t. V, section III, planche 10, fig.a bis.).
La comparaison de la planche de Lepsius avec
celle de Champollion indique que dans cette
dernière on a supprimé diverses parties du
harnachement des chevaux. Mais on parait y avoir
rendu avec plus de fidélité les caractères
typiques des sujets; car ces caractères, aussi
bien ceux de la tête que les autres, sont plus
purement nubiens dans le dessin de Champollion
que dans celui de Lepsius, qui est du reste
exécuté sur une plus petite échelle; et
Champollion dit précisément dans l'explication
de sa planche 144:
"les formes
naturelles des chevaux indiquent la race
de Dongola, encore estimée aujourd'hui."(Champollion, Monuments.
de l'Egypte de de la Nubie, t. II, p;
3) |
N'ayant vu de l'Egypte que
la ville d'Alexandrie, et encore très
imparfaitement, nous n'avons pu vérifier sur les
lieux la justesse du jugement porté par
Champollion, Prisse d'Avennes et autres, sur le
type des chevaux des anciens monuments.
Nous n'en sommes pas moins certain, d'une part qu'ils
ne se sont pas trompés, d'autre part que l'identité
de type des chevaux dongolawi actuels et des
anciens chevaux égyptiens serait encore plus
apparente qu'elle ne l'est dans les planches des
ouvrages sur l'Egypte ancienne, si les artistes y
avaient reproduit des têtes de chevaux sur une
grande échelle, au lieu d'y représenter des
scènes équestres tout entières (note: Il faut
ajouter, que si nos artistes modernes
connaissaient mieux les diverses races chevalines,
il leur serait plus facile de distinguer et de
reproduire les caractères typiques propres à
chacune d'elles. Quant aux anciens artistes
égyptiens, on va voir que pendant longtemps ils
n'ont eu affaire qu'à une seule race chevaline;
c'est l'une des causes qui leur ont permis d'en
saisir facilement les formes.), et voici ce qui
nous en donne la certitude.
Peu de temps après la publication de nos Nouveaux
documents sur l'histoire du cheval,
ayant témoigné à Prisse d'Avennes le regret de
n'avoir pu étudier sur place les chevaux
dongolawi actuels et les chevaux représentés
sur les anciens monuments égyptiens, il nous
répéta que les uns et les autres sont
incontestablement du même type, comme il l'a dit
dans son mémoire.
Pour nous donner la notion exacte de ce type, il
nous montra un dessin qu'il avait calqué à
Thèbes (quartier de Scheik-abd-el-Qournah), sur
l'une des peintures du tombeau précité de
Rekhmara, haut fonctionnaire de la cour de
Thoutmès III, lequel dessin représente deux
chevaux offerts à ce roi par le Routennou,
peuple de la Syrie septentrionale.
L'examen de ce fac-simile des chevaux des anciens
monuments, déclarés semblables aux chevaux
dongolawi, nous a confirmé dans notre opinion
sur l'identité de type des chevaux qui foulaient
le sol de l'Egypte il y a une quarantaine de
siècles, des chevaux dongolawi actuels et des
chevaux à front bombé d'origine orientale que
nous avons si souvent observés en Algérie et
dans les régiments de France montés en chevaux
algériens.
[...] Les peintures du tombeau de Rekhmara
sont du reste l'oeuvre d'un artiste habile et
consciencieux, car, on le verra plus loin, les
divers personnages qui présentent des tributs à
Thoutmès III y sont traités avec assez de
précision pour que M. Hamy en ait tiré de
précieux renseignements sur l'ethnologie de l'Afrique
et de l'Asie à l'époque de ce Pharaon.
En définitive, [...] on est forcé d'en conclure
que la plus ancienne race chevaline dont on
constate l'existence en Egypte est notre race
mongolique, connue en divers pays sous le nom de
race kirghize, tekké, turcomane, dongolawi,
barbe, etc.. Il ne pouvait d'ailleurs en être
autrement, puisque, on vient de le voir, les
chevaux ont été introduits en Egypte par les
Hyksos, [...] et les chevaux mongoliques du
tombeau de Rekhmara sont une nouvelle preuve de
ce dernier fait, puisqu'ils ont été offerts à
Thoutmès III par des Syriens, par les Routennou.
Piétrement 1882
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~
Tombe de Rekhmiré
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un
Syrien amenant un cheval en tribut à Touthmosis
III ou à Amenhotep II ( ph. Metropolitan
Museum of Art, N.Y.
en abrégé M.M.A.)
|
|
A propos de la haute
taille des chevaux égyptiens signalée par
Prisse d'Avennes, il faut observer que les
anciens artistes ont généralement donné de
plus grandes proportions aux hommes qu'aux
chevaux, aux héros qu'aux simples mortels;
de sorte qu'il est souvent difficile de
porter un jugement assuré sur la taille des
animaux qu'ils ont représentés.
Il n'en est pas moins avéré que les chevaux
égyptiens étaient de grande taille, et que les
grands chevaux donnés à Ramsès II par Pentaour
n'étaient pas une exception en Egypte; car, dans
une inscription cunéiforme d'Assour-bani-pal ou
Sardanapale V, ce roi poursuit le pharaon
Ourdamané juqu'à Kipkip, au delà de Thèbes,
dont il pille la résidence royale.
" J'enlevai,
dit le roi d'Assyrie, l'argent, l'or, les
métaux, les pierres précieuses, le
trésor de son palais, tout ce qu'il
contenait en étoffes de bérom et de lin,
de grands chevaux, des hommes mâles et
femelles, etc.." (Oppert, Mém.
sur les rapports de l'Egypte et de l'Assyrie,
p. 83.) |
[....] M.
Lenormant dit dans son Hist.
anc. de l'orient, t.I, p. 322,
que l'un des noms égyptiens du cheval, kaoua,
est
"employé
dans deux documents égyptiens de la XIXe
dynastie pour désigner spécialement des
chevaux d'une race particulière qu'on
tirait de la Mésopotamie." |
Les documents exposés aux
pages 408 et 412 indiquent qu'il existait à
cette époque, en Mésopotamie, une certaine
quantité de chevaux aryens, soit par suite de l'établissement
de la dynastie mède de Bérose, soit par suite
des razzias des 489 rois d'Assyrie.
La remarque de M. Lenormant viendrait à l'appui
de ces documents, si les Egyptiens avaient
réellement désigné "des chevaux d'une
race particulière" par le mot kaoua;
mais tel n'est pas le sens de ce mot.
M. Maspéro nous a en
effet assuré que ce mot kaoua s'applique
aussi bien à l'espèce bovine qu'à l'espèce
chevaline et qu'il désigne toujours des mâles,
soit des taureaux, soit des étalons.
Les documents auxquels M. Lenormant fait allusion
prouvent donc seulement que les Pharaons de la
XIXe dynastie tiraient des étalons de la
Mésopotamie. Ils pouvaient y être poussés par
plusieurs motifs, notamment par la renommée des
chevaux de cette contrée et par le désir de s'enrichir
aux dépens de l'ennemi vaincu.
Un autre nom du cheval,
usité chez les anciens Egyptiens, est également
fécond en enseignements.
Le mot assyrien susu ou sousou,
pluriel susi ou sousi, dont il
vient d'être question, était le nom commun,
populaire du cheval, non seulement chez les
anciens Sémites de la vallée de l'Euphrate,
mais aussi chez ceux de Syrie, c'est à dire chez
les Cananéens et les Hébreux, où il avait la
forme sôus, féminin, sôusa,
pluriel sôusim. Eh bien, comme nous l'a
dit M. Maspéro, le nom que les anciens Egyptiens
ont donné du cheval de guerre est précisément
le mot sôus, employé communément au
pluriel sôusim même pour désigner le
singulier, et traité ensuite à l'égyptienne de
manière à en former la racine quadrilatère sôusim
et les racines trilitères soum,
féfminin soumsit.
C'est une nouvelle preuve que les Egyptiens ont
reçu leurs chevaux de la main des Hyksos, venus
des contrées du sud-ouest de l'Asie, et
constitués par un mélange de Sémites et de
Mongols parlant depuis longtemps la langue des
Sémites, comme on l'a vu aux pages 322-326.[...]
Mais il y a plus. Les sémitisants reconnaissent
généralement que le nom populaire du cheval
chez les Sémites, sôus, n'est pas un
mot sémitique, qu'il est étranger aux langues
sémitiques. Il n'y a guère lieu d'être surpris,
puisqu'on a vu dans les chapitres précédents
que les Sémites étaient d'abord dépourvus de
chevaux et qu'ils ont même reçu leurs premiers
chevaux de la main des Mongols. Il est donc
possible que le mot sôus soit dérivé
d'un mot mongolique aujourd'hui perdu, ou peut-être
encore subsistant dans quelqu'un des dialecte
mongoliques; c'est ce que nous apprendra peut-être
l'étude de ces dialectes, quand elle sera plus
avancée.
[....]
Il est (..) possible que le cheval n'ait
pénétré dans la région du haut Nil que
plusieurs siècles après l'invasion des Hyksos,
car Thoutmès III, frère cadet de Thoutmès II,
ne signale aucun cheval dans les pays de Koush et
de Ouaouat ou Soudan oriental; il se vante
seulement, dans les fragments de l'inscription de
Karnac traduits par de Rougé, d'en avoir ramené
de l'or, des esclaves nègres mâles et femelles,
des boeufs, des taureaux, aussi des vaisseaux
chargés d'ivoire, d'ébène, de peaux de
panthères et de tous les produits du pays (de
Rougé, Annales de Thoutmès
III, dans la Rev. archéolog., t.II, 1860, p. 303
et 305);
tandis que, dans la même inscription, il cite
parmi le butin recueilli en Asie, 188 cavales
amenées par les princes de Routennou, 26 cavales
et 13 chars pris dans la place d'Anratou, 260
cavales prises en Mésopotamie, enfin 40 chevaux
et 15 chars pris dans le pays de Tahi, c'est à
dire en Phénicie ou en Coelésyrie; le tout
pendant les années 6 à 10 de son règne
effectif (de Rougé, Annales de
Thoutmès III, dans la Rev.archéolog.,
t.II, 1860, p. 299, 300, 302, 304.).
De Rougé raconte ailleurs, d'après l'inscription
de la stèle de Karnak, une bien autre capture de
chevaux, faite par Thoutmès III sur les
Routennou, au début de son règne effectif, c'est
à dire deux ans après la mort de sa soeur
Hatasou qui avait été pendant vingt et un ans
régente sous sa minorité. L'armée
confédérée des Routennou révoltés avait pris
position près de Mageddo, entre le Thabor et le
Carmel, à l'extémité supérieure de la vallée
de Jizréel.
Thoutmès III arrive en face de l'ennemi,
"A l'aube du
jour, il dispose son armée pour l'attaque;
[....] mais les défenseurs de cette
place, saisis d'effroi, ont fermé leurs
portes, et les chefs sont obligés de se
faire hisser sur les remparts à l'aide
de cordes, pour échapper à la poursuite
des Egyptiens. Mageddo fut bientôt
forcée de se rendre,[....] 83 morts et
340 prisonniers sont seulement
énumérés après la bataille de Mageddo;
mais la prise de 2132 chevaux et de 924
chars de guerre atteste l'entière
défaite des Asiatiques; le butin fut d'ailleurs
considérable." (de Rougé,
Etude sur les divers monum. du règne de
Thoutmès III, dans la Rev.archéolog.,
t.IV, 1861, p. 350 et 351) |
Ce fait est vraiment
insolite, car on ne s'empare habituellement des
chars de des chevaux de guerre qu'en tuant les
cavaliers ou en leur faisant poser les armes.
Mais nous concevons que, dans le cas présent,
les cavaliers routennou vaincus, s'étant
précipités vers la ville de Mageddo, dont on
leur ferma les portes, et s'étant encombrés
sous ses murs, aient abandonné leurs chars pour
se soustraire à la poursuite des monteurs de
chars égyptiens, en gagnant les montagnes très
rapprochées qui flanquent le champ de bataille,
que nous avons traversé en 1861.
Un autre document du règne de Thoutmès III, le
plus grand roi que l'Egypte ait jamais possédé,
contient un renseigement encore plus important
pour notre sujet.
Il est fourni par les peintures du tombeau
précité de Rekhmara, sur lesquelles M. Hamy a
fait de nombreuses et très intéressantes
observations ethnologiques, notamment les
suivantes.
" Le
cinquième registre de la salle
extérieure du tombeau de Rekhmara
contient encore des types de nègres
rouges. Ce sont des bandes d'esclaves,
hommes et femmes, ces dernières surtout
très caractérisées par leurs mamelles
piriformes et pendantes, leur ensellure
sacro-lombaire très prononcée, etc..
Derrière ces groupes s'en présentent d'autre,
pris dans une race à peau claire, aux
cheveux et à la barbe d'un blond hardi
et aux yeux rougeâtres. Ce sont les
Rotennous, dont le quatrième registre
contient d'autres exemples.
"Ces Rotennous, que l'on a trop
absolument identifiés avec les Assyriens,
sont de deux types bien différents dans
les peintures de la dix-huitième
dynastie.
Ils appartenaient certainement à deux
races asiatiques très distinctes, l'une
au type sémitique le plus caractérisé,
l'autre beaucoup plus blanche avec la
barbe blonde ou rousse et les yeux clairs.
Ne pourrait-on pas voir dans ces
Rotennous, blonds ou roux, qui dominent
dans le quatrième registre du tombeau de
Rekhmara, non des Assyriens, c'est à
dire des Sémites mais des Aryens
établis déjà dans l'ouest de l'Asie.
Ces Asiatiques, riches et industrieux,
apportent avec eux des vases précieux
des formes les plus variés, des arcs et
des flèches, un char de luxe et des
chevaux, les plus anciens peut-être dont
la peinture nous ait été conservée (Les
chevaux précités de Pihiri à El-kab
sont plus anciens; mais ils sont
sculptés et non peints), un ours
isabelle qui est sans aucun doute l'ours
de Syrie, enfin un jeune éléphant et un
morceau d'ivoire. Leurs grands habits
blancs serrés à la taille, les longs
gants que quelques uns d'entre eux
portent à la main, les triples jupes de
leurs femmes donnent à penser, comme le
remarquait Wilkinson, que ces Rotennous
vivaient dans un climat relativement
froid, ce que ne dément pas leur type
national, qui est un type du nord. Quel
que soit d'ailleurs le lieu où on les
localise, il est extrêmement interessant
de constater l'existence au dix-sepième
siècle avant notre ère, dans l'une des
contrées de l'Asie soumises à l'influence
égyptienne, d'un peuple aux yeux clairs
et aux traits caucasiques, parvenu à un
haut degré de civilisation."(Hamy, Observations
ethnologiques sur les peintures de la
tombe de Rekhmara, dans les Bull.
de la soc. d'anthrop. de Paris,
année 1875, pp.222-223. Nous avons
changé quelques mots dans cette citation
d'après les indications verbales de M.Hamy)
La victoire de Thoutmès III sur ces
Rotennous rassemblés au pied du Thabor
vient de montrer que c'étaient en fait,
non des Assyriens, mais bien "des
peuples de la Syrie septentrionale",
suivant l'expression de M. Maspéro (Hist.
anc., p 202). |
Il nous paraît du reste
indubitable qu'en représentant des hommes blonds
dans les rangs des Routennou, les Egyptiens ont
voulu signaler la présence de populations
aryennes au milieu de ce peuple;
car, on le verra dans le chapitre XII, c'est
ainsi que sous Menephtah Ier, fils de Ramsès II,
ils ont représenté les Maschouasch des textes
hiéroglyphiques ou Maxyes d'Herodote, lesquels
se déclaraient eux-mêmes issus des Troyens, c'est
à dire descendants des populations aryennes d'Asie
Mineure. Dès le règne de Thoutmès III, les
Aryas étaient donc installés dans le nord de la
Syrie et ils devaient y avoir déjà introduit
quelques chevaux aryens.
Comme une stèle de Karnak montre Thoutmès III
emmenant "en captivité les chefs des Routennou
" (Maspéro, Hist. anc.,
p 206.), il est même permis de
voir une descendante de l'un de ces chefs dans la
blonde Taï aux yeux bleus et au teint rosé, d'origine
et de religion étrangères, femme d'Amenhotep II
et mère d'Amenhotep IV, auquel elle fit
abandonner le culte d'Ammon. (Clef,
Mariette, Hist. d'Egypte, p. 36-37;
Maspéro, Hist.anc., p 211-212;
général Faidherbe, Instruction sur l'anthropologie
de l'Algérie, dans les Bull. de la soc.
d'anthrop. de Paris, année 1873, p. 605)
Revenons à M. Chabas, qui dit à la page 441 que
Thoutmès Ier prit aussi des chevaux en Syrie et
en Mésopotamie.
Le fait nous est inconnu, mais il est tout
naturel; car, si le récit des campagnes de
Thoutmès Ier n'est pas arrivé jusqu'à nous, on
sait par les annales de son fils cadet Thoutmès
III qu'il parcourut la Syrie et qu'il éleva ses
stèles de victoire sur les bords de l'Euphrate.
- (Voyez Maspéro, Hist.anc.,
p 198)
[....] L'invasion des Hyksos avait eu pour
résultat d'introduire, de naturaliser le cheval
mongolique en Egypte, et leur expulsion celui de
jeter les Egyptiens sur l'Asie.
Par suite des expéditions en Syrie et en
Mésopotamie de Thoutmès Ier et de plusieurs de
ses successeurs de la XVIIIe et de la XIXe
dynastie, des chevaux pris dans ces deux
contrées étaient venus renforcer la population
chevaline de l'Egypte.
Mais, quel qu'ait pu être le nombre des chevaux
aryens existant alors en Mésopotamie et dans une
partie de la Syrie, ceux qui vinrent en Egypte n'altérèrent
pas sensiblement le type de son ancienne
population chevaline mongolique, infiniment plus
nombreuse et acclimatée depuis plusieurs
siècles dans le pays.
Les Pharaons n'eurent d'ailleurs que de très
rares occasions de capturer des chevaux en Asie
après Ramsès III, [...]
Piétrement
1882
|
haut
.
|
[....] si
les anciens Egyptiens doivent être séparés des
Nubiens au point de vue politique, il n'en est
pas de même au point de vue ethnologique. La
remarque en a déjà été faite par Champollion,
qui l'a consignée en ces termes dans sa Notice
sommaire sur l'histoire d'Egypte, aux pages
361, et 362 de ses Lettres écrites d'Egypte
et de Nubie:
" Les
premières tribus qui peuplèrent l'Egypte,
c'est à dire la vallée du Nil, entre la
cataracte d'Assouan et la mer, venaient
de l'Abyssinie ou du Sennaar. Mais il est
impossible de fixer l'époque de cette
première migration, excessivement
antique.
" Les anciens Egyptiens
appartenaient à une race d'hommes tout
à fait semblables aux Kennous
ou Barabras, habitants actuels
de la Nubie. On ne retrouve dans les Coptes
de l'Egypte aucun des traits
caractéristiques de l'ancienne
population égyptienne.
Les Coptes sont le résultat du
mélange de toutes les nations qui,
successivement, ont dominé l'Egypte. On
a tort de vouloir retrouver chez eux les
traits principaux de la vieille race." |
Lorsque nous avons
demandé l'opinion de M. Ernest Hamy sur ce
passage, il nous a répondu que Champollion avait
parfaitement raison.
Le savant anthropologiste est arrivé aux mêmes
conclusions que le créateur de l'égyptologie,
par une étude attentive des peintures, des bas-reliefs
et des statues qui remontent aux anciennes
dynasties nationales de l'Egypte; il ajoute
seulement que l'élément nubien prédomine
encore aujourd'hui chez les Coptes.
Il est vrai que plusieurs égyptologues,
influencés surtout par les études philologiques,
ont supposé que les anciens Egyptiens étaient
des Sémites arrivés d'Asie dans la vallée du
Nil.
Ainsi, pour de
Rougé, la tradition biblique,
les mythes, les formes de langage, tout indique
"la parenté
primitive des Egyptiens et des cananéens".(de Rougé, Rech.
sur les monum. des six premières
dynasties, p. 11 |
M.
Maspéro a de nouveau examiné la
question aux pages 13 à 17 de son Histoire
ancienne.
Il y rapporte, d'après la grammaire égyptienne,
le dernier des deux alinéas précités de
Champollion; il termine sa dissertation par des
considérations philologiques sur le sémitisme
de la langue égyptienne; et il arrive à ces
conclusions:
"les
Egyptiens appartiendraient donc aux races
proto-sémitiques. Venus d'Asie par l'isthme
de Suez, ils trouvèrent établie sur le
bord du Nil une autre
race, probablement noire, qu'ils
refoulèrent dans l'intérieur." |
Ces exemples montrent
seulement l'insuffisance de la philologie pour la
détermination des races.
De l'étude des anciens portraits d'Egyptiens,
combinée avec celle de leur langage, il ressort
en effet que l'ancien peuple égyptien
appartenait à la race nubienne ou
barabra; qu'il avait
très anciennement reçu dans son sein une
colonie de Sémites dont il avait en partie
adopté la langue; et que le sang sémitique
avait fini par disparaitre, sans laisser de
traces apparentes, absorbé dans la masse
beaucoup plus considérable du sang indigène.
Certains portraits d'Egyptiens, datant de l'Ancien
Empire et insuffisamment étudiés au point de
vue ethnographique, ont été donnés à tort
comme une preuve de l'antiquité de l'existence
des Sémites en Egypte;
mais d'autres indices dénotent avec certitude l'antiquité
d'une immigration des Asiatiques dans cette
contrée;
ils sont fournis par l'étude de sa faune
domestique sous les premières dynasties. Cette
étude peut surtout être faite avec fruit depuis
que M. André Sanson a donné, dans les tomes IV
et V de son Traité de zootechnie, les
caractères typiques des différentes races
bovines, ovines, caprines et porcines de l'Ancien
Continent, comme il avait donné ceux des races
chevalines et asines dans son tome III.
Etienne
Geoffroy Saint-Hilaire
a déjà dit que
" si l'on
jette un coup d'oeil attentif sur les
animaux de l'Egypte, on se persuade
bientôt qu'il n'en est aucun de propre
à ce pays." (Description
de l'Egypte: Histoire naturelle; t. I, 1ere
partie, p.2) |
La géologie a appris
depuis qu'il ne saurait en être autrement,
puisque le delta du Nil était encore un estuaire
fluvio-marin pendant l'époque quaternaire.
Aussi toutes les espèces domestiques de l'Egypte
sont-elles originaires, les unes des contrées
africaines voisines, Nubie, Abyssinie et Soudan,
les autres d'Asie; et il en était déjà de
même dans les temps les plus reculés où nous
fassent remonter les monuments.
Le grand bas-relief
de la paroi orientale de l'hypogée n°
75 des pyramides de Gizeh suffirait à
lui seul pour prouver la vérité de
cette assertion.
Il date de la IVe dynastie, et il a été
reproduit dans les grands ouvrages de
Lepsius (Voyez Lepsius, Denkmaeler,
t. III, section II, planche 9). On y
remarque, antre autres choses, deux
troupeaux d'ânes, un troupeau de moutons,
un troupeau de chèvres et un troupeau de
boeufs. |
Les ânes de ce bas-relief appartiennent
naturellement à la race africaine ou
nubienne, le seule race asine qui ait
jamais existé en Egypte; leurs
caractères typiques sont du reste très
reconnaissables; ce qui n'est pas
surprenant; puisque l'Ancien Empire est
la plus belle époque de l'art égyptien.
|
Les moutons et les
chèvres appartiennent au contraire à la
race ovine et à la race caprine
asiatiques; leurs physionomies sont
également caractéristiques et très
bien rendues. A défaut de leurs
physionomies, la longue queue des moutons
et la présence des cornes chez les
moutons et chez les chèvres de ce bas-relief
suffiraient pour indiquer que ces moutons
et ces chèvres sont de races asiatiques.
En effet, il n'a jamais existé en Egypte
que la race ovine du Soudan à côté des
moutons asiatiques et que la race caprine
du Soudan à côté des chèvres
asiatiques; or les chèvres et les
moutons du Soudan n'ont pas seulement le
profil de la tête extrêment arqué, ils
sont aussi les uns et les autres
constamment dépourvus de cornes.
Il n'est
pas inutile de faire observer à
ce propos que, le mouton du
Soudan continuant dans son pays
natal à rester couvert de longs
poils qui n'ont pas été
remplacés par de la laine, comme
chez ceux de ses représentants
qui vivent aujourd'hui dans des
pays civilisés, il ne serait pas
facile à tout le monde de
distinguer ce mouton de la
chèvre du Soudan, si l'on ne
savait que toutes les races
caprines ont la queue courte et
relevée, tandis que toutes les
races ovines ont la queue plus ou
moins longue et toujours pendante.
Ce caractère différentiel,
tiré de la conformation de la
queue, est en réalité le seul
qui puisse |
toujours
faire distinguer avec certitude
la chèvre du mouton; il mérite
à ce titre d'être connu des
archéologues; car tous les
autres caractères différentiels,
tirés de la nature du système
pileux, de l'absence ou de la
présence de la barbe au menton,
des pendeloques, etc., pourraient
dans certains cas induire les
archéologues en erreur, leur
faire prendre des moutons pour
des chèvres: méprise qu'ils ne
nous paraissent pas avoir
toujours évitée. Ajoutons que
les moutons de race asiatique ont
assez souvent quatre cornes au
lieu de deux : particularité qui
n'a encore été observée chez
aucune autre race ovine. |
|
Enfin les boeufs
de notre bas-relief appartiennent aussi
à la race asiatique, généralement
connue en Europe sous les noms de grande
race grise et race des steppes,
si remarquable par la grande dimension de
ses cornes en forme de lyre, par la
grande élévation de son garrot et par l'obliquité
de sa ligne dorsale, déterminée par la
hauteur moindre du train postérieur que
du train antérieur. C'est du reste la
seule race bovine que l'Egypte paraisse
avoir jamais possédée.
Il est
vrai que certains auteurs ont
signalé dans les anciens
monuments égyptiens la présence
de deux races bovines, l'une à
grandes cornes, l'autre à
courtes cornes; mais, s'ils
avaient bien regardé, ils
auraient vu que leurs prétendus
boeufs à courtes cornes sont des
taureaux. Ils ignoraient sans
doute que chez les sujets pourvus
de ces sortes d'appendices, la
castration détermine l'accroissement
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l'accroissement
plus considérable des cornes des
taureaux devenus boeufs, tandis
qu'elle arrête l'accroissement
des cornes des béliers devenus
moutons. De sorte que les
bovidés, représentés avec de
longues cornes et tous les
organes mâles, sont des boeufs
ayant subi l'opération du
bistournage: à moins que, par
exception, ils n'aient été
dessinés par des artistes aussi
peu au courant de la question que
les auteurs précités.
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Les anciens Egyptiens étaient donc un peuple de
race nubienne qui avait reçu une partie de ses
animaux domestiques et des éléments de sa
langue d'immigrants sémitiques venus du sud-ouest
de l'Asie. Ces immigrants avaient quitté cette
région avant l'arrivée des Mongols et de leurs
chevaux, puisqu'ils n'avaient pas introduit en
Egypte ces animaux, qui n'y furent amenés que
plus tard par les Hyksos.
La succession de ces faits concorde du reste avec
l'immense antiquité de la civilisation
égyptienne, comparée à la date approximative
assignée plus haut, page 353, à
la domestication de la race chevaline mongolique.
Enfin l'introduction du boeuf asiatique et du
mouton asiatique dans la vallée du Nil par les
Sémites encore sans relations avec les Mongols
témoigne que les Sémites ont domestiqué chez
eux ces deux races animales; et, comme elles ont
été également domestiquées par les Aryas et
par les Mongols, il faut en inférer qu'elles
occupaient à l'état sauvage une aire
géographique très étendue.
Le passage des chevaux mongoliques en Egypte nous
a fait sortir de Syrie avant d'avoir étudié l'histoire
du cheval chez les Hébreux; mais il était
préférable de n'aborder cette histoire qu'après
l'exposé des faits contenus dans le présent
chapître.
Piétrement
1882
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