EPOREDO
.

Chevaux arabes

 

retour  

suite

Informations de source sémite

.

...... Les écrivains qui ont affirmé qu'il n'existait pas de chevaux en Arabie avant l'époque de Mahomet n'ont fait que manifester l'étendue de leur ignorance, car nos musées et nos bibliothèques contiennent des centaines de preuves du contraire. Il est probable que de nouvelles fouilles ou découvertes de documents nous fourniront davantage encore de renseignements sur l'histoire du cheval. Le voile commence à se lever lentement sur l'Arabie, et elle cède peu à peu ses secrets aux archéologues et aux savants des autres disciplines.
...... Au cours de mes nombreux voyages dans tous les pays du Proche-Orient, en Europe et aux Etats Unis, j'ai eu souvent l'occasion de photographier ou de copier à la main d'antiques manuscrits arabes, des livres de haras égyptiens et des généalogies de chevaux. J'ai traduit tout ce matériel, l'ai classé par ordre alphabétique et publié en anglais. Ces six volumes auxquels j'ai donné le titre de Manuel de l'éleveur de chevaux arabes, sont devenus pour les spécialistes "l'Index Raswan". Cet ouvrage a révélé beaucoup de faits ignorés jusqu'alors. Je suis maintenant convaincu que le cheval arabe a pour patrie d'origine l'Arabie du sud-est. (Asil, Yémen, Hadramout). Ses lignées ou familles classiques portent pour la plupart les vieux noms d'autrefois. Du rapprochement systématique auquel je me suis livré, il se dégage que ces noms leur ont été donnés par les bédouins qui vivaient alors dans ces régions ou qui y habitent encore aujourd'hui, comme par exemple l'Ouadi Nairan (Mikhlaf Nairan), l'Ouadi Yauf al-Yémen, Marib, Shabouah, Yiladah, Ouadi Bishah, Ramlat Taihman, Ouadi Ranya, Ouadi Tathlith, Ouadi al-Abrad, Ouadi Hidhoua, Ouadi Daouasir, etc.
...... En dehors de mes travaux qui s'étendent sur plus de cinquante ans, on peut citer les "traditions" (légendes, etc) des bédouins nomades qui descendent d'Ismaël fils lui-même d'Abraham. Ismaël aurait capturé la jument "Khôl", ainsi nommée à cause de sa peau d'un noir humide et de ses yeux cernés comme à l'antimoine (khôl en arabe). Ell était grosse et mit un poulain au monde, lequel, fécondant plus tard sa mère et ses soeurs, serait devenu l'ancêtre de cette noble et célèbre race. Les bédouins le nommèrent l'antilope à peau noire, "Kouhaylan" appellation qu'ils étendent tantôt à tous les pur-sang du désert, tantôt à la seule sous-race des "Kouhaylan" qui comprend plus de cent lignées ou variétés (fig. p.34).
...... Lorsque j'ai publié pour la première fois cette antique légende arabe, j'ai reçu de nombreuses lettres de reproches : comment pouvais-je préter foi à des histoires à dormir debout ? En guise de réponse, j'ai fait couvrir ma jument "Roseyna" par "Rasa" son fils de trois ans, et de cet inceste répété quatre ans de suite est né chaque fois un poulain d'une perfection absolue, mâle ou femelle, particulièrement puissant, d'une beauté sculpurale et harmonieuse, intelligent, et tous ont remporté des prix dans les concours d'élevage. En fait, l'inceste n'a rien de nouveau chez les bêtes et de nombreux voyageurs rapportent que les Bédouins préconisent toujours des unions étroitement consanguines. J'avais simplement voulu prouver par des faits la possibilité du "conte à dormir debout" qu'est l'histoire d'Ismaël.
...... A l'époque où Nemrod fondait Babylone, un autre ancêtre des Bédouins, Kahtan (Yoktan) vivait en Arabie. Il s'établit avec sa tribu dans une région que parcourent des nomades qui se disent encore les "fils de Kahtan" et où une partie d'entre eux s'est définitivement fixée. Pillards et maraudeurs comme la plupart de leur compatriotes, ils possédaient des chevaux d'une beauté et d'une fougue admirables. Ils assaillirent un jour le clan de Job et s'emparèrent de ses biens après avoir passé tous ses hommes au fil de l'épée. On peut lire dans le livre de Job le récit de cette agression ainsi que le plus beau poème jamais écrit à la gloire du cheval ; la vie du nomade d'alors y est exactement décrite et rappelle en tout point celle du Bédouin d'aujourd'hui à l'intérieur de l'Arabie. Job lui-même ne semble pas avoir possédé de chevaux malgré la description superbe qu'il en fait. D'après les légendes arabes, Dieu lui aurait accordé, à la place du cheval, de garder l'usage de la langue adamique, l'arabe, pour le récompenser de n'avoir pas pris part à la construction de la tour de Babel.
...... Les Bédouins du centre, du sud-ouest et de l'est de l'Arabie racontent que des chevaux sauvages apparurent un jour en Arabie près du Nafoud, de la Dahna et du Roub-al-Khali (la mer de sable de l'Arabie du sud). Entre ces déserts s'étendent des hauts plateaux et des oueds où l'on trouve encore l'antilope oryx (sabre), l'autruche et l'âne sauvage. Même au cours des mois les plus torrides de l'été; j'ai vu sur ces hautes terres désertiques de l'Arabie occidentale (Yabal Tubayq, etc.) croître partout les touffes d'herbe savoureuses, hautes de plus de trente centimètres, que paissent les antilopes oryx, les bouquetins du genre Ibex et les gazelles Rim. C'est sur ces hauts plateaux et autres terres semblables que les chevaux sauvages ont vécu pendant des milliers d'années.
...... En dehors de l'herbe, il pousse toutes sortes d'arbres et de buissons, entre autres les "ghada" (cynomonium coccineum) dont les feuilles donnent de l'ombre et les racines abondantes une lymphe qui apaise la soif. Il est remarquable que l'on voit le plus d'antilopes, d'autruches et de gazelles là où le "ghada" croit le mieux , c'est à dire à proximité et même à l'intérieur des dunes. Je les ai souvent observées en train de creuser le sable de leurs sabots pour parvenir à ces racines gonflées de suc, lorsque la force du vent ne les a pas mises à nue.
...... Vers 1800 avant Jésus-Christ, il aurait existé, d'après un passage de la Bible, des mules et par conséquent des chevaux sauvages dans le désert de l'Arabie, mais les érudits modernes sont loin d'être sûrs de la traduction et beaucoup pensent que le texte original contient le mot "sources chaudes" et non pas "mules"... en revanche, en 200 avant J.C., Agatarchides, auteur du "Périple" ou "De mare Erythraeo", mentionne l'existence de mules dans le Madian arabe, c'est-à-dire aux alentours d'Akaba dans la Transjordanie actuelle.
...... Le major Upton est le grand défenseur de la théorie selon laquelle le cheval arabe habite depuis longtemps l'Arabie même. Il affirme que ses caractéristiques essentielles ne se sont modifiées en rien depuis au moins quatre mille ans : les peuples naissent et disparaissent mais le cheval arabe leur survit dans toute sa beauté et toute sa force primitive, qualités qu'il a manifestées déjà dans l'antiquité et qu'il a conservées jusqu'à nos jours.


Sahmet ph 1963 p38
1957, Marbach,
pur sang arabe
Origine maternelle incertaine
Aspect: fortement Kouhaylan
Hadban Enzahi - Jatta

..... .Selon les Bédouins, Khatan lui aussi aurait un jour capturé une jument sauvage en se dirigeant vers le Yémen après la destruction de Babylone. Un de ses descendant de la sixième génération, Hamyar, l'un des dix-sept rois qui lui succédèrent, aurait donné son nom ("Le noir") à cette partie du monde que nous appelons aujourd'hui l'Afrique. D'après Abd el-Kader, les enfants d'Hamyar auraient ensuite introduit le cheval arabe en Egypte et en Afrique du Nord.
...... Les chevaux arabes les meilleurs et les plus typiques sont depuis toujours le résultatt des élevages bédouins situés près des déserts Nafoud, Dahna et Roub al-Khali et de toute cette région. Ces hommes veillent encore à ce qu'il n'y ait aucun mélange entre leur élevage et celui des autres peuplades. Je tiens pour vraisemblable que les Bédouins du temps de Salomon pensaient et agissaient de même, et suis convaincu que le pur-sang arabe est identique au cheval sauvage qui parcourait alors les dunes de sable et hauts plateaux du Nedjed et du sud-ouest de l'Arabie. On a dû le domestiquer vers 2000 av. J.C., et il était encore si rare à l'époque de Salomon qu'on ne l'offrait ou ne le vendait que rarement. Ce sont ces quelques étalons exportés qui ont dû propager en Assyrie, en Egypte, en Grèce et en Libye ce type oriental qu'on retrouve sur les monuments de Babylone : un cheval petit, solide, à l'encolure courbe et au beau port de queue Ses membres sont plus fins en Egypte, et les monnaies carthaginoises le représentent avec un corps et des jambes allongés. Il est plus trapu sur la frise du Parthénon où la tête n'est pas d'une beauté parfaite, mais ses formes y sont souples, ses membres fermes et élastiques et le mouvement de la queue demeure élégant.

...... L'histoire de l'Islam, à son début au VIe siècle, est d'une richesse inouïe en allusions au cheval arabe. La fable, la religion, le mysticisme et la légende, sans compter la superstition, recouvrent souvent la vérité historique et traditionnelle. Car on dirait que les Arabes ont choisi de coucher par écrit le merveilleux en réservant la sincérité et l'exactitude à la tradition orale qu'ils se transmettent de père en fils.
...... Les vantardises de l'"histoire" écrite ont souvent discrédité les hauts faits du cheval arabe. Néanmoins il nous reste des récits dignes de foi dans la littérature musulmane, et les simples nomades du désert auraient été incapables de concevoir à eux seuls leur grâce surabondante et leur dignité spirituelle. Il a fallu la vie mouvementée et fantastique de leurs chefs religieux, les prouesses héroïques et glorieuses de l'Islam conquérant, la splendeur éblouissante des califes, des sultans, des émirs, des chahs et padichahs pour poétiser de la sorte le noble pur-sang. Ce romanesque incomparable ne disparaîtra jamais du coeur des hommes tant que le cheval y aura sa place.
...... Je crois fermement que la plupart des faits contenus dans ces légendes ont été transformés, adaptés à l'histoire de l'Islam, comme si la gloire et l'honneur du Prophète brillaient d'un éclat plus vif chaque fois que la plus noble des montures participe à la splendeur de l'Envoyé d'Allah.
...... Nous en avons un très bel exemple dans la 100e surate du Coran. Malheureusement aucune tradition ne pourra jamais restituer le rythme et l'accent de l'arabe. Voici que surgissent devant nos yeux, frappant simultanément tous nos sens, des chevaux déchaînés et débordants de vie. Ils accourent dans un galop fou, font soudain volte-face, se cabrent en poussant des hennissements stridents, trépignent d'impatience, secouent la tête. Une écume blanche couvre leur poitrail musculeux. Puis ils s'éloignent au grand trot, crinière et queue flottant au vent, tandis que le sang bat encore dans nos veines du ravissement spirituel suscité par le verbe d'une langue à la beauté unique.
...... Le cheval arabe est inséparable de la foi du musulman, et vivre en sa compagnie est l'une des plus grandes récompenses que Dieu attribue à ceux qui le servent fidèlement sur cette terre. Pour le décrire, l'Arabe emploie un langage imagé. Sa jument a des yeux dont l'expression est celle d'une femme amoureuse; sa démarche est digne de la plus belle des adolescentes. Son poitrail est celui du lion, ses flancs ceux de la gazelle. Endurcie à force de courses, elle boit littéralement le vent, trotte comme le loup, galope comme le renard. Sa robe est un miroir, son poil aussi épais que les plumes de l'aile de l'aigle. Son cou se balance librement tel celui de la gazelle. L'effluve aromatique de sa peau rappelle la brise épicée des hauts plateaux bénis du Nedjad. Ses sabots sont durs comme la pierre, projettent comme elle des étincelles et sont si larges qu'une souris pourrait y loger son nid. Elle est douce comme l'agneau, mais sa colère est celle de la panthère si on la frappe ou si on la contrarie. Sa croupe est aussi ferme qu'une dune humide de pluie. Ses narines s'ouvrent comme des pétales de rose. Son dos est si puissant qu'on le dirait fait pour deux cavaliers. Ses épaules se trans forment en ailes dès qu'elle court. Ses jambes sont fortes comme celles de l'autruche sauvage et musclées comme celles du chameau. Ses cils sont aussi longs que les barbes des épis d'orge; son front forme deux collines qui surplombent une large plaine. Ses oreilles sont les deux moitiés d'une pointe de lance.
...... Les poèmes et récits de l'ère préislamique possèdent un charme qui leur est propre. Amrou, Imriulmais, tous ces poètes dont beaucoup furent des héros immortels qui vécurent à l'époque d'Antar, nous ont légué des trésors de pensées et de mots qu'on ne peut apprécier en dehors de l'Arabie parce qu'il n'existe aucune traduction qui parvienne à transmettre à nos langues modernes la beauté et la spiritualité de l'arabe. Ces oeuvres antiques, qui se distinguent par la simplicité et la fraicheur du langage, demeurent éloignées de l'idéalisation religieuse des siècles qui suivirent.
...... La plupart des histoires et des contes qui ont pour héros le cheval arabe et qu'on attribue à Mahomet et à ses successeurs, proviennent des temps préislamiques, ceux d'Ismaël, de Kahtan (Yoktan), de Rabia al-Khail (Faras), d'Anz qui fut l'ancêtre des Anaza aujourd'hui éleveurs de chevaux, et de tant d'autres.
...... David, Salomon, et Mahomet n'ont pas élevé eux-mêmes de chevaux. Ils ont acquis ceux qu'ils possédaient chez les bédouins du désert, souvent par l'intermédiaire de l'Egypte. Il ne faut pas nous étonner que le roi Salomon ou le prophète Mahomet aient offert des étalons à des tribus de nomades. Ce présent avait un objectif politique : le meilleur étalon issu d'une jument, elle même cadeau ou part de butin, ne pouvait qu'affermir l'alliance conclue avec un cheik du désert.

  Sahmet, Nadya, Haita1963 p40/41

haut