Méthode
générale d'élevage .
...... Le milieu du
XVIIe siècle vit le début d'une
migration importante de Bédouins Chammar et
Anaza. Quittant l'Arabie centrale pour les
pâturages du nord, ces nomades arrivèrent à
l'est jusqu'à l'Euphrate et à l'ouest aux
portes mêmes de Damas. En 1705, un consul
britannique, Darley acheta aux Fidan-Anaza un
véritable étalon Mouniqi-Hadrayi et l'envoya en
Angleterre pour couvrir une jument du pays,
déjà porteuse de sang arabe, et qui donna
naissance à "Flying Childers", le type
primordial du pur-sang de course anglais.
L'"arabe de Darley" fut l'étincelle
qui enflamma le sang assoupi des chevaux
européens. Son influence a été telle qu'il
constitue jusqu'à nos jours le fondement de
l'élevage aux Etats-Unis. Les Hackney remontent
eux aussi à "Flying Childers", le
cheval le plus rapide de son époque.
"Blaze", fils de "Flying
Childers", couvrit une jument Norfolk qui
mit bas "Shale", le premier cheval de
type Hackney (1775).
...... Dans le
"stud-book" américain, nous voyons que
de 1760 à 1860, on a importé aux Etats-Unis,
cinquante-quatre étalons et juments arabes. Le
"Morgan" est un anglo-arabe.
"American star" remonte à un pacer
canadien dont l'ascendance paternelle est
arabo-berbère. En Russie, le trotteur Orloff est
né du croisement de "Smetanka",
étalon arabe, avec une jument hollandaise. En
France, il en est de même des Nivernais,
Ardennais, Percherons, comme en Allemagne des
Trahkener de Prusse Orientale, comme en Hongrie
des demi-sang arabes et des Shagyas, ou en
Autriche des Haflinger. Espagne, Italie, Turquie,
Inde... on pourrait citer presque tous les pays;
plus ou moins directement ou indirectement, le
sang arabe a été utilisé partout pour
améliorer les chevaux de selle et de trait. A
tous, l'arabe a légué son endurance, sa
douceur, sa santé et sa beauté. Le monde entier
lui reconnaît ces qualités, si bien que ce ne
sont plus seulement les éleveurs privés qui le
recherchent, mais de nombreux haras
gouvernementaux.
...... La demande
d'arabes est aujourd'hui plus forte que jamais.
Dès qu'on offre un "Asil" en
Angleterre ou aux Etats-Unis, les éleveurs se
disputent à prix d'or cet exemplaire unique, à
moins qu'ils ne procèdent à des échanges. Les
arabes dits "pur-sang" ne sont pas
aussi rares, mais la demande demeure toujours
plus forte que l'offre.
...... On publie
régulièrement des stud-books de chevaux arabes
en Angleterre, en Pologne, au Canada, en Espagne,
et aux Etats-Unis. Malheureusement aucun de ces
livres n'établit de distinction entre les arabes
authentiques et les arabes douteux. Le
"Jockey Club stud-book" de Weatherby
fait également état d'un certain nombre
d'arabes du fait que le pur-sang anglais leur
doit ses qualités fondamentales. A mon point de
vue, il faudrait publier un "stud-book arabe
international" , qui devrait comporter trois
groupes principaux :
......1.
Asil (connus
aux Etats-Unis sous la dénomination de
"Blue Star Arabs")
........... a) Arabes
classiques du désert . Chevaux
d'ascendance pure dans les sous-races classiques Kouhaylan/Saqlaoui
, et qui proviennent d'élevages bédouins de la
péninsule arabe, sans aucun apport de mouniqi ou
de sang apparenté.
........... b) Mouniqi
(de race pure) . Chevaux de race
pure élevés chez les Mouniqi et tribus
apparenrtées sans apport de sang classique.
........... C'est la pureté
de leur origine qui fait la valeur des Mouniqi.
Les croisements qui se font dans le cadre des
tribus Mouniqi donnent une descendance aux
caractères constants et harmonieux. Si on
mélange le Mouniqi avec des arabes classiques du
désert, sa qualité baisse aussitôt. Les
Bédouins consciencieux l'élèvent donc dans le
cadre des tribus traditionnelles.
...... 2.
Pur-sang arabe.
........... Ce sont les
chevaux issus du mélange des trois sous-races
mentionnées ci-dessus et de leurs variétés.
........... Lorsque nous
étudions des élevages anciens (sauf
naturellement ceux où des Bédouins s'attachent
à la pureté de la sous-race) et qu'on analyse
les arbres généalogiques en remontant jusqu'au
premier ancêtre connu, on retrouve toujours un
ou plusieurs ascendants Mouniqi. Ils
interviennent souvent dans les croisements à
cause de leur succès dans les courses, et bien
des fois parce que l'éleveur n'a pas un arabe
classique du désert à sa disposition. Beaucoup
d'importateurs s'arrêtent au nord de l'Arabie
pour y faire leurs achats d'étalons chez les
éleveurs sédentaires. Mais dans cette région
tout ce qui brille n'est pas or, et le résultat
est qu'il n'y a pas beaucoup de véritable sang
classique dans les élevages mondiaux. Toutefois
le pur-sang arabe d'aujourd'hui a encore une
grande part de sang Kouhaylan, si bien qu'il est
relativement facile d'éliminer dans les
générations suivantes son héritage restreint
de sang Mouniqi.
Lorsque je parle d'arabes Asil, j'entends donc
par là des arabes classiques du désert.
L'élevage du Mouniqi de pure race n'est le fait
que d'un nombre limité de tribus bédouines et
n'offre aucun intérêt pour l'éleveur
occidental.
...... 3. Race
arabe (arabes mélangés et
demi-sang).
.......... a)
Chevaux d'origine arabe avec apport de sang
étranger oriental (turkmènes, perses, syriens,
berbères, nubiens, soudanais, etc.).
.......... b) Tous
chevaux arabes que les connaisseurs eux-mêmes
admettent pour authentiques et qui figurent
souvent dans les "stud-books
nationaux", mais qui à un moment quelconque
de leur généalogie ont un ancêtre à l'origine
incertaine. Il faut accueillir ces chevaux très
favorablement, car ils sont souvent typiquement
arabes par leur beauté et dans leur
comportement; en les accouplant à des spécimens
de haute valeur, on améliore leur descendance,
et ils constituent donc la meilleure base de
travail pour un éleveur qui veut revenir à la
pureté du type.
.......... c) Les
prétendus pur-sang arabes qu'on trouve en Europe
posent le problème le plus difficile; la plus
grande imprécision règne sur leur origine. Il
serait malaisé de faire une sélection
rigoureuse entre ces arabes, authentiques ou
faux. Il est urgent d'établir en analysant leur
arbre généalogique, le prourcentage de sang
pur. Ce serait un louable sujet de thèse de
doctorat, mais qui le proposera à un étudiant?
Il faut pourtant s'y atteler, et vite, car avec
une base de départ aussi restreinte que le petit
nombre de véritables arabes qu'il y a en Europe,
nous courons le risque qu'ils disparaissent
complètement. Les quelques juments de race pure
qui subsistent sont souvent couvertes par des
étalons d'origine incertaine, ou qui présentent
des caractéristiques anglaises, turkmènes ou
inconnues, consolidées et fixées par une
consanguinité séculaire. Quant aux étalons
authentiques, ils sont rares, et ils couvrent des
juments douteuses au lieu d'être réservés à
l'élevage de pure race.
Même sans recourir à un stud book
international, tous les pays intéressés doivent
prendre des mesures pour conserver plusieurs
troncs raciaux absolument purs. Sans quoi, on
manquera un jour de sang neuf pour combattre les
excès de la consanguinité.
.......... d)
Chevaux d'origine anglo-arabe ou races
régionales, à fort apport de sang arabe, qui
proviennent souvent d'élevages régionaux où la
surveillance et consciencieuse et qui sont donc
les produits d'une sévère sélection. A ce
point de vue, la Hongrie est le pays qui a
atteint la plus haute qualité: ses diverses
races arabes tiennent la tête de toutes les
races de chevaux de grand usage.
.......... Dans un stud-book
international, pour les groupes I et II, c'est à
dire Asil et pur-sang, chaque inscription devrait
comporter deux photos présentant distinctement
les caractéristiques morphologiques de l'animal:
l'une le profil de la tête et l'autre le cheval
de pied dans son attitude naturelle. (aucun
éleveur consciencieux n'admettra par exemple
qu'on soulève artificiellement la queue du
cheval).
.......... Pendant de
longues années, j'ai voyagé aux quatre coins du
monde et pris personnellement contact avec les
gouvernements et les éleveurs privés: j'en ai
conclu que nous éprouvons tous le besoin urgent
d'un stud-book international des chevaux arabes.
Tous les éleveurs interessés auraient alors la
possibilité de surveiller l'ensemble de la
population (étalons, juments et poulains prévus
pour l'élevage). Ce serait un avantage
considérable, idéal, pour choisir des étalons,
car jusqu'à nos jours leur achat ou leur
échange a présenté de grandes difficultés du
fait que les éleveurs ne savent pas où
s'adresser pour trouver le reproducteur qui
répond le mieux au type de ses juments. Tant que
ce problème ne sera pas résolu, il sera
malaisé de conserver notre petit stock de
véritables arabes et surtout de l'acroître.
......... Combien de fois
m'a-t-on posé des questions sur le nombre de
chevaux arabes Asil et pur-sang.
......... En ce qui
concerne les Asil, il y en a environ trois cents
en Arabie et peut-être soixante-dix dans le
reste du monde, y compris l'Egypte. De ces
soixante-dix, quarante-sept se trouvent aux
Etats-Unis entre les mains de personnes de
confiance, et chaque année on annonce de cinq à
neuf naissances. C'est un heureux début dont il
faut remercier Mme Kathleen Ott, sa fille
Llevellyn et plusieurs de leurs amis.
.......... Mais en ce qui
concerne les pur-sang arabes, personne n'aura une
idée de leur nombre tant que que leur
généalogie n'aura pas été soigneusement
contrôlée. Nous pouvons seulement avancer un
chiffre hypothétique en étant optimiste, disons
qu'il y en a peut-être douze mille.
.......... Le véritable
arabe est en grand danger de disparaître à la
suite de mélanges de plus en plus nombreux. Ce
n'est plus qu'une question de temps: notre
époque perdra à jamais quelque chose
d'irremplaçable si les haras existants ne
tentent pas d'améliorer leur population de
chevaux arabes en collaborant étroitement et en
procédant à des échanges constants.
.......... Certes, on
prétend qu'il y a dans le monde trente mille
chevaux arabes, - d'après les déclarations des
associations d'éleveurs de tous les pays. Cela
est faux : dans chaque pays les lois sont
différentes et aucune d'elles ne protège
spécialement le pur-sang . Puisqu'on n'arrive
pas à se mettre d'accord sur la législation qui
correspond le mieux à la réalité, ne serait-il
pas raisonnable d'adopter celle des Bédouins?
L'expérience a prouvé qu'ils réussissent à
élever ce type de cheval, et il n'est pas
certain que nous en soyons capables. Il nous
manque la tradition : nos ancêtres élevaient
des chevaux à sang froid.
.......... Sur les chevaux
arabes qui y sont enregistrés, le "Blue
arabian Horse catalog" (Jane Llevellyn Ott,
Hinsdale, Illinois, Etats Unis), fournit des
détails extrêmement intéressants. Ce catalogue
doit être considéré comme l'ouvrage le plus
important de ce genre : on y voit l'analyse
généalogique de chaque cheval avec son
pourcentage exact de sang Mouniqi ou apparenté,
et de sang étranger. De même, la qualité Asil
de l'animal s'y trouve spécifiée avec le nom de
tous les descendants.
L'automobile n'a causé aucun tort au cheval, et
encore moins à l'arabe dont le prix déjà très
élevé a au contraire augmenté. Jamais
l'amour-propre des éleveurs et des amateurs qui
participent aux expositions n'a été aussi
grand, surtout aux Etats-Unis. Certes l'arabe ne
remplacera jamais toutes les races courantes tels
que les hackneys, les trotteurs, les lipizzans,
hanovriens, holsteiniens, haflingers, etc...
Suivant leur dispositions, leur entraînement,
leur type et leur caractère, tous répondent à
des besoins définis et leur race se maintient.
.......... Naturellement
l'arabe s'adapte à n'importe quel usage grâce
à sa vivacité d'esprit et à sa malléabilité
foncière, mais sa valeur principale se fonde sur
son patrimoine héréditaire. En Allemagne, on
dit de lui qu'il est "le noble rameau de
l'élevage chevalin" (Rilke). Depuis
plusieurs milliers d'années il transmet
inlassablement sa santé, sa beauté, sa fougue
et sa gentillesse. Il est à l'origine de toutes
les races les plus nobles et a préservé nos
grands élevages de la dégénéresence.
......... Il est
indiscutable qu'il a les membres les plus sains
et le corps le plus robuste qui soient, qu'il ne
connaît aucune difficulté respiratoire ou
pulmonaire, qu'il se distingue par sa frugalité
et sa constitution de fer. De sa tête
sculpturale à sa queue au port élégant, il est
l'image même du cheval idéal, et tout son être
et son caracère sont d'une harmonie
incomparable.
......... En Amérique où
l'on s'en tient aux faits, on me répète
toujours: "Donnez-nous un cheval qui soit
beau, doux et sain; nous n'en demandons pas
davantage". Il est vrai que le plus
casse-cou des cavaliers préfère accorder sa
confiance à un animal au caractère équilibré
et qu'on ne peut s'empêcher de ressentir un
certain orgueil en chevauchant une bête superbe.
Et l'on désire surtout un cheval sain et
robuste. Nous sommes encore plus exigeants
aujourd'hui qu'autrefois, car si la demande est
moins importante, on insiste sur la qualité et
le prix ne joue aucun rôle. Un animal de
qualité inférieure n'intéresse personne tandis
que tout le monde, les éleveurs surtout, se
disputent l'individu exceptionnel.
......... Depuis des
siècles, l'Europe importe des chevaux arabes et
nos élevages indigènes en ont profité. Spencer
Borden a pu écrire qu'il n'avait jamais vu une
telle quantité de chevaux beaux et robustes
comme en Hongrie? C'est que la race arabe
continue à jouer chez ce peuple un rôle
essentiel.
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