.Préface
à l'édition française
de Carl R. Raswan
.......Je voudrais, avec
cette préface, contribuer dans la mesure de mon
savoir et de mes capacités aux efforts des
éleveurs et amateurs français de chevaux
arabes, ne serait-ce que pour une raison : il est
temps de susciter un nouvel intérêt pour
l'élevage de ces nobles bêtes, une nouvelle
passion non pas pour ce qu'on appelle
communément le "cheval arabe", mais
pour l'arabe authentique.
...... On trouvera dans
ce livre l'exposé des méthodes nécessaires
pour aborder et résoudre ce problème.
...... En France, il
faut tout d'abord distinguer l'arabe authentique,
dont les ancêtres proviennent de la péninsule
arabe, du cheval d'Afrique du nord, le Barbe. Le
Barbe n'est pas un cheval arabe. Sa race et ses
qualités sont néanmoins exceptionnelles, car
depuis des siècles on a employé d'authentiques
étalons arabes pour améliorer son sang,
jusqu'à saturation. Il a d'ailleurs fait ses
preuves tant au service des indigènes d'Afrique
du nord qu'à celui de l'armée française. Tel
que nous le connaissons depuis le XIXe
siècle, il est le résultat d'injections
répétées de sang arabe ( provenant surtout de
Syrie), et d'apports de pur-sang anglais et
d'autres chevaux européens à la race originelle
du nord et du nord-ouest de l'Afrique, celle sans
doute que les Grecs et les Romains ont connue
sous le nom de race libyenne. Certains auteurs
affirment que l'ancêtre du Barbe existe encore
de nos jours de l'autre côté de l'Atlas, aussi
loin qu'en Nubie, jusque dans le Bornou et le
Dongola. Mais je laisse le soin de décrire le
Barbe et de conter son histoire aux experts qui
se sont consacrés à son élevage théorique et
pratique. On trouve, particulièrement en
français, de nombreuses et excellentes études
fondées sur les résultats obtenus dans les
élevages de Barbes.
...... En France,
l'histoire du cheval arabe est glorieuse, surtout
dans une brève période au cours du XIXe
siècle. Les pages qui suivent retracent ces
annales fascinantes, et j'ai le ferme espoir que
l'arabe authentique retrouvera bientôt la place
qui lui est due dans les haras français, tant
officiels que privés.
...... Ce passé offre
de très belles joies à tous ceux qui se
penchent sur lui : voici que viennent à leur
rencontre des peintures, des sculptures, oeuvres
d'artistes français ou étrangers qui ont pris
pour modèles des chevaux arabes élevés en
France. Au début et au milieu du XIXe
siècle, il y avait donc en France un nombre
considérable d'arabes "Asil",
c'est-à-dire de type classique. Nous verrons
plus loin pourquoi.
.
...... Il existe
également des évocations célèbres de
Barbes et de leurs romanesques cavaliers
d'Afrique du Nord. De grands artistes
français, tels Schreyer, les ont
immortalisés et, ne craignons pas de le
dire, un peu trop idéalisés. Mais
l'étude de ces Barbes et leur
comparaison avec les reproductions
d'arabes authentiques est
extrêmement utile aux amoureux du
cheval: ils comprennent mieux les
différences, les particularités des uns
et des autres. L'attache plus basse
de la queue, la tête plus longue au
profil parfois "romain",
l'encolure plate, tous ces
traits distinctifs du barbe leur
sauteront immédiatement aux yeux.
...... Les haras
historique de Pompadour de Saint-Cloud et
de Pau, porteurs de noms célèbres, ont
été consacrés jadis à l'importation
et à l'élevage d'arabes authentiques.
Napoléon Bonaparte lui-même s'en occupa
:
"Messieur, le sang arabe vous permet
d'obtenir une amélioration
immédiate de toutes les races. Le
cheval arabe est mille fois meilleur que
le pur-sang anglais quand il s'agit d'améliorer
une race quelle qu'elle soit, car avec
lui nous revenons à la pureté
sans mélange et à la puissance
de la race primitive..."
...... En 1835,
environ trente ans plus tard et après de
nombreuses expériences pratiques sur les
méthodes d'élevage propres au cheval
arabe, Eugène Gayot, dans un rapport
qu'il adressait de Pompadour à Paris au
ministre de l'Agriculture, devait
néanmoins convenir qu'il y a des
lignées d'arabes qu'on ne doit pas mélanger,
car ce mélange donne une descendance
médiocre et même franchement mauvaise,
et dont le sang possède une sorte de
puissance négative (qui élimine les
qualités des uns et des autres)".
..... |
|
...... A cette
époque, deux types de chevaux arabes
coexistaient déjà en France, celui
classique aux formes arrondies,
et un second, plus commun, aux formes angulaires,
et les directeurs des haras s'étaient
fort bien rendu compte de l'étendue de
leurs différences, de la médiocrité
et de l'absence de caractère
des produits de leur métissage.
.... ..Ce type
angulaire n'est pas originaire
d'Arabie; il est apparu à la suite d'une
migration de tribus bédouines qui venant
du sud ont traversé l'Arabie centrale et
septentrionale jusqu'en Mésopotamie
(Irak), où leurs chevaux
"Asil"" (arabes
authentiques) se sont mélangés avec des
bêtes turkmènes et kurdes.
Il semble qu'en favorisant un tel
métissage, ces Bédouins aient voulu
obtenir une élévation de taille, une
ossature plus forte et une plus grande
vitesse. Leur calcul se révéla exact,
mais au prix de certaines
caractéristiques de l'arabe classique
(la forme de la tête en particulier),
sans compter la perte partielle de son
intelligence supérieure, de sa douceur,
de son endurance et de sa robustesse
générale. L'arrondi de ses lignes avait
disparu dans l'allongement du corps, dont
la structure plus angulaire rappelait
celle du lévrier, de même que toute la
grâce et la noblesse du port de tête et
du port de queue.
En d'autres mots, une sous-race arabe
venait de naître, plus grossière, plus
semblable aux variétés ordinaires de
cheval.
..... En 1854,
dans son livre "L'élevage des
pur-sang arabes et anglais", Eugène
Gayot rapportait une remarque du duc de
Guiche, le grand expert, sur les variations
qu'il avait observées dans l'aspect
physique des différents types d'arabes :
|
"Acheter deux ou
trois étalons ou juments arabes, à la fois
beaux et convenables et dont les indigènes ont
reconnu eux-mêmes les qualités
caractéristiques, est une tâche qui demande
beaucoup de temps et d'argent, de patience et de
savoir, et une intelligence très spéciale qui
permet de reconnaître au premier coup d'oeil les
différences des nombreuses variétés
de la race arabe.
Sans cette science, on s'égare et on est tenté
d'accepter les animaux médiocres que vous
offrent les indigènes à un prix tout aussi
élevé, alors qu'ils ne conviennent en rien
à la fondation d'un élevage. La majorité
des chevaux arabes importés en
Europe depuis de nombreuses années, font partie
de ces bêtes (médiocres)." Et il ajoutait
à la page 63 : " C'est un fait
que certaines familles (lignées), bien que de
bonne race, ne peuvent être mélangées, car
elles ne produiront alors qu'une descendance
médiocre ou franchement mauvaise, et dont le
sang semble être un composé de dispositions contraires"
...... On a oublié
pendant plus de cent ans les constatations
d'Eugène Gayot et du duc de Guiche, et je crois
le moment venu de les remettre en mémoire, car
elle prouvent l'existence de variétés typiques
chez les chevaux arabes, variétés que les
Bédouins de la péninsule distinguent d'ailleurs
par des noms particuliers.
...... Le texte et les
photographies de ce livre exposent clairement les
différences indiscutables qui existent entre un
arabe de type angulaire et un arabe Asil
(de type classique).
...... De 1819 à 1820,
de Portès directeur du haras de Pau, acheta
trente-neuf chevaux arabes en Arabie du Nord
et en Syrie, chez les Azanah (surtout
dans la tribu des Fidan qui possédait déjà
plusieurs chevaux de type angulaire).
Dans son "Voyage en Orient", Damoiseau
rapporte cet achat et donne les noms des bêtes
ainsi importées, noms également consignés en
1819 dans les stud-book de Pau : "Aboufar,
Abou Arkoub, Abjar, Abou Seif, Berek, Cheleby,
Chouweiman, Bédouin, Aslan, Addal, Sakal,
Haleby, Tadmor, Saraf, Daher, Ourfali, Hachmet
Bey, Meckawi, Orkan, Cazal, Massoud, Mahrouk,
Hadji, Richan, Medani, Durzi, Divan Effendi,
Kebeche, Hadd' Eidi, Melhean, Nasser, Seoud,
Douhey, Houteif, Munki (Mouniqi), Mahama,
Frigian, Drey, Kelle."
...... On devrait mener
un enquête à Pau, comme à Tarbes et à
Pompadour, et contrôler soigneusement tous les
anciens stud-books, les documents d'importation
et les pédigrees où les éleveurs bédouins ont
fait état de la lignée de chaque animal. Je
suis persuadé qu'on peut y recueillir des
renseigements historiques importants sur les
éleveurs bédouins de l'époque et sur leurs
chevaux, et qu'on y découvrira une parenté
étroite (de nom et de lignée) entre ces bêtes
et celles de Blunt et de Davenport, importées
elles aussi soixante et quatre-vingts ans plus
tard des mêmes tribus du nord de l'Arabie.
...... En 1850, nous
trouvons à Pompadour les juments et pouliches
suivantes (aussi bien classiques qu'angulaires)
: Candour-Amdan, Fourette, Gamba, Hermine,
Kebira, Legende, Marquise, Ma Belle, Nemesis,
Saklawie, Bédouin, Massoud, Mesroor, Aslan,
About-Arkoub, Hussein, Hamdani-Blanc, Bagdadli,
Sederei (Koheil-Obayan-Sederei), Saoud, Numide,
Rajah (ces deux dernières étant des
poulinières nées à Pompadour).
....... A Pompadour, on a
utilisé les étalons arabes (pur-sang) suivants
: Massoud (1815) a engendré 22 poulains (mais au
total de 243 poulains en 23 ans); Hussein (1829),
42 poulains; Kerbela (1849) 26 poulains; Emir
(1854) 30 poulains; Hedjaz (1863) 24 poulains;
El-Yahondi (1865) 24 poulains; Nassim (1867) 30
poulains; Amrar (1871) 35 poulains; Ehden (1873)
38 poulains; Ispahan (1873 18 poulains;
Folenquatre (1877) 40 poulains; Kkechan (1879) 22
poulains; El Nimr (1880) 37 poulains; Israël
(1881) 31 poulains; Meke (1883) 38 poulains;
Nahr-Ibrahim (1889) 34 poulains;
...... Massoud, né en
1814 dans le désert chez les Bédouins Fidan,
faisait partie du lot importé par de Portès
(1819/20).
...... Lorsqu'Eugène
Gayot lui fit couvrir la jument pur-sang
(anglaise) Cloris, Cloris mit bas Young Massoud
(1832), le premier de ce qu'on a appelé
plus tard "les célèbres Anglo-Arabes
français".
.... ..On a dit de
Massoud en France qu'il "valait son poids de
diamant", et de Portès a déclaré :
"quand j'ai acheté Massoud, il avait quatre
ans et était l'un des pricipaux étalons des
Foedan (Bédouins Fidan). Bien que petit,
c'était un athlète puissant fait d'acier,
si mince qu'on distinguait la fine
ossature de ses jambes et le système de ses
nerfs et de ses muscles dans la totalité de
leurs détails et leur rare et parfaite
beauté."
Trente ans plus tard, Eugène Gayot écrivait
encore : "On ne peut en douter : Massoud
a été l'un des meilleurs arabes jamais
importés en Europe dans le but d'améliorer un
élevage, et tous ceux qui ont vu ses
poulains ont exprimé l'admiration profonde
qu'ils ressentaient : Massoud avait complètement
légué son noble type arabe à chacun
de ses descendants." Il mourut le 29 mai
1843 au moment où il couvrait encore une
jument."
Il avait 29 ans et, comme je l'ai dit plus haut,
deux cent quarante trois descendants vivants à
la première génération. Pourtant Gayot s'est
plaint du peu : d'après lui, Massoud, au cours
des vingt-trois années passées en France,
aurait dû produire au moins mille deux cents
poulains, soit cinquante-cinq par an. Gayot a
reproché aux Français de son époque leur
crainte de laisser couvrir leurs bonnes juments
par un étalon aussi petit. Et en effet plusieurs
des descendants de Massoud sont devenus des
chevaux de très grande taille, tout comme leur
mère. C'est en effet la jument, et non
l'étalon, qui lègue habituellement à sa
descendance sa taille et sa charpente osseuse.
...... Coïncidence
étrange : Massoud, père du premier anglo-arabe
français, était né chez les Bédouins Fidan
tout comme le célèbre "Darley
Arabian" (importé en Angleterre en 1703),
le plus important des trois grands étalons
ancêtres de tous les pur-sangs de course
d'Angleterre, père d'Eclipse, le premier et le
plus célèbre des "pur-sang" (un
anglo-arabe en fait) . Darley-Arabian était un
Mouniqi (-Hadrouy), c'est-à-dire un arabe de
type angulaire, de taille élevée, et non un
arabe classique aux lignes arrondies.
PUR SANG
ANGLAIS
Le Mouniqi de type angulaire, est plus haut, plus
long, plus élancé que le type classique, aussi
Darley-Arabian a-t-il donné une descendance plus
rapide que celle de Massoud qui, d'après la
description de de Portès, était du type
classique, plus petit, et aux lignes arrondies.
En effet, Massoud ne pouvait se comparer au point
de vue vitesse pure avec Darley-Arabian, dont le
profil même de la tête, le cou, les jambes et
le train de derrière présentaient des lignes
plus allongées, plus droites, et dont la queue
à l'attache basse n'avait pas le panache
élégant des arabes classiques. Mais
l'anglo-arabe français a fait preuve de bien
d'autres qualités qui le font désirer par tous
les chasseurs à courre et les sauteurs
d'obstacles, et il a fourni tous types
d'excellents chevaux de selle dont la beauté et
l'intelligence - héritage de Massoud, arabe
classique - sont bien supérieures. En dehors des
étalons de pure race anglo-arabe, les éleveurs,
qu'ils soient de France, d'Angleterre ou
d'ailleurs, n'emploient dans leurs haras que des
étalons arabes ou pur-sang pour couvrir leurs
juments, afin de pouvoir inscrire leurs produits
dans leurs stud-books comme étant anglo-arabes.
...... Parfois, les
anglo-arabes diffèrent dans leur aspect : l'un
d'eux peut ressembler presque à un arabe (tête
de l'arabe classique et lignes arrondies), tandis
qu'un autre tirera sur le pur-sang de course avec
ses lignes allongées et droites
(particulièrement les pattes de derrière, le
cou, et le profil droit de la tête).
...... De toute façon,
l'anglo-arabe est l'une des meilleures races du
monde. Combinaison d'ancêtres arabes et
pur-sang, il a été l'étalon rêvé de toutes
les cavaleries à cause de ses qualités
hautement désirables : résistance,
intelligence, vigueur, santé, faculté d'endurer
les privations. Ses jambes ont des tendons
d'acier, ses jarrets puissants ne connaissent
aucune défaillance, ses paturons sont
élastiques et ses sabots d'une dureté extrême.
..... Napoléon
Ier a fondé le haras de
Saint-Cloud, consacré à l'élevage des
chevaux arabes, et Louis-Philippe le fit
rouvrir en 1842. Ce roi a fait tous les
efforts imaginables pour préserver le
type de l'arabe classique en France; en
1843, il a importé d'Egypte trente-six
spécimens remarquables, étalons et
juments de toute première qualité qui
lui furent envoyés par Ibrahim Pacha,
plus deux autres bêtes provenant de
l'iman de Mascate. Malheureusement, les
directeurs du haras dégradèrent la
descendance de ces nobles animaux en les
accouplant à des chevaux d'autres races
afin, prétendirent-ils pour excuser
cette faute énorme, de créer un type de
cheval "mosaïque"! Tous les
éleveurs européens qui eurent la chance
d'apercevoir en France ces chevaux
importés d'Egypte et de Mascate,
n'eurent qu'une voix pour célébrer leur
excellence : " Ils étaient les plus
précieux et les plus beaux qu'on ait vus
: jamais l'imagination humaine n'avait
rêvé de voir incarnée une telle
beauté dans une chair vivante".
...... On se
souvient encore de leurs noms :
Hamdani-Blanc, Hadjar, Durzi, Tachiani,
Dursi, Kenhlan-Hamdani, Kenhlan-Yemani,
Nedjdi-Yemani, Fatima (II), Zeilah,
Mascate, Gentille, Mause, Musa, Sbahat,
Warda, Hamdanie, Heureuse, Mignonne,
Aouda, Bataya, Aïcha, Mouzaïa, Geada
Minor, Houry, Humera, Koeyl, Artemise,
Asfoura, Gilfe, Fedawie, Gazelle, Momie,
Monachie, Nichab, Noma, Zenobie,
Zoraïde.
...... Les
dessins, peintures et sculptures
exécutées en Europe par les artistes
célèbres qui prirent pour modèle les
chevaux arabes importés d'Egypte au
début et au milieu du XIXe
siècle, nous donnent une idée de cette
beauté : depuis qu'il existe des
élevages de chevaux en Europe, rien n'a
jamais approché l'incomparable
perfection physique de ces arabes
classiques.
..... La
raison en est simple.
..... Ils
descendaient tous directement, sans
aucune adjonction de sang étranger, des
chevaux que Mehmet-Ali, pacha d'Egypte,
s'était fait livrer comme indemnité de
guerre par les Ibn Saouds et les tribus
bédouines du Nedjed (Mutayr, Ajaman,
Harb, etc...), les seules qui depuis
toujours élèvent des chevaux arabes
classiques, authentiques, des Asil.
...... Que
n'offririons nous aujourd'hui pour
disposer de quelques uns de ces précieux
animaux!
|
Marengo, le cheval
arabe de bataille favori de Napoléon
|
..... Après la Seconde guerre
mondiale, le Haras Arabe de la Société agricole
égyptienne a livré des chevaux arabes dits
Abbas Pacha et Ali Pacha Sharif. Il existe
également quelques élevages d'arabes en
Allemagne (Marbach) et aux Etats Unis (Babson,
Illinois; Forbis, Oklahoma; Pritzlaff, New
Mexico, et Douglas B. Marshall, Houston, Texas).
Mr Marshall a importé par avion un grand nombre
de chevaux arabes provenant d'Egpte (vingt-cinq
étalons et juments en 1965-66)
...... Sir Wilfrid et
Lady Anne Blunt, au cours des voyages qu'ils
firent à la fin du XIXe siècle dans
le nord et le centre de l'Arabie, ramenèrent en
Egypte des chevaux de l'Arabie du nord et de
Syrie, et créèrent près du Caire leur propre
haras en y ajoutant les plus beaux exemplaires
Abbas Pacha et Ali Pacha Sharif achetés en 1897
à la vente aux enchères de l'élevage d'Ali
Pacha Sharif. Depuis, plusieurs de leurs chevaux
figurent dans les pedigrees des arabes d'Egypte,
et nous savons, grâce aux renseignements fournis
par les Blunt, que certains étaient des Mouniqi
de type angulaire. C'est ainsi que le père de
Queen of Sheba était un Mouniqi. Mais les Blunt
avaient aussi des chevaux de type classique, et
certains de leurs arabes ont des ancêtres
maternels (Kouhaylan-) Nauwak et (Kouhaylan-)
Rodan.
...... Nichab, jument
arabe gris pommelé, née en 1818 dans le haras
créé par Lady Stanhope dans le vieux monastère
d'Abra, en plein massif du Liban, avait pour
père l'étalon favori du Cheik Bashir (Bechir),
prince des Druses. A sa naissance, les
astrologues consultés par Lady Stanhope
dressèrent son horoscope : ils prétendirent que
cette pouliche n'admettrait jamais d'être
montée par une personne du commun si le plus
célèbre guerrier du monde ne la montait
d'abord. Lorsque Nichab atteignit l'âge adulte,
Lady Stanhope l'offrit donc à Napoléon, mais
l'étoile de l'empereur avait décliné depuis
Waterloo, et Nichab n'eut jamais l'honneur de
porter le grand homme.
Elle avait six ans quand le colonel de Portes
l'acheta. Elle le suivit en France à son retour
de Syrie. De Portes la vendit à la Duchesse
d'Angoulème, qui l'envoya en 1824 à Pin, le
célèbre haras normand d'anglo-arabes. Nichab y
demeura jusqu'en 1833, puis la Duchesse
d'Angoulème la transféra à Pompadour, où
Nichab mourut en 1849.
...... Sa beauté, sa
noblesse et sa force avaient triomphé des
années et écarté la maladie.
Jusqu'aux dernières heures de son existence,
elle demeura parmi les générations qui lui
succédaient comme une sorte de monument.
Silencieuse, elle semblait méditer dans son
pâturage vert, aussi adorable et aussi fière
que jamais, avec la mèche qui lui flottait au
front à la moindre brise. Il y avait dans son
regard une beauté ravissante, une expression
toute de gentillesse et d'intelligence, avec
cette légère touche de coquetterie vraiment
arabe qu'aucun de ceux qui ont aimé un cheval de
cette race ne peut oublier.
...... En vingt-et-un
ans, Nichab a mis au monde sept anglo-arabes à
Pin, et huit arabes à Pompadour. Son nom demeure
gravé pour toujours dans l'histoire des races
arabe et anglo-arabe. Sa descendance purement
arabe se composait d'un étalon : Hector (par
Massoud et de 7 pouliches : Celesyrie (par
Antar), Dalila (par Massoud), Fortunee (par
Bédouin), Gamba (par Bédouin), Héroïque (par
Bédouin), Keabe (par Mesrur), Balsora (par
Antar), d'une pouliche anglo-arabe Moina (par
Tigris) et de six anglo-arabes: Calife, Haly,
Pan, Frivole, Bienvenu, Arrogant. Les sept fils
de Nichab ont totalisé cent trois années de
service au cours desquelles ils ont engendré
mille huit cent quarante-huit poulains vivants
(soit deux cent soixante-quatre par étalon).
...... Pendant sa
campagne d'Egypte, Napoléon avait acquis
plusieurs chevaux exceptionnels. L'un d'eux,
étalon arabe du nom d'Ali, lui fut offert par le
général Menou. Napoléon, alors Bonaparte, eut
un véritable coup de foudre pour cette bête
splendide. (Il a mentionné Ali dans le Mémorial
qu'il dicta à Sainte-Hélène). La première
bataille où il monta Ali fut une victoire:
Marengo. D'autres suivirent, les dernières
furent Essling et Wagram. Ali mourut en 1812
pendant la campagne de Russie.
...... Mais Napoléon a
monté bien d'autres arabes : Coco était un
étalon blanc d'une beauté frappante. Il fut
l'un des plus beaux chevaux de parade de
l'empereur qui le monta souvent aux Tuilerie et
dans Paris. Darius était un alezan doré;
Euphrate, un étalon d'un noir bleuté à
crinière et queue blanches; Mamelouk, un autre
étalon, absolument blanc, avait un aspect
fascinant et un port vraiment arabe. Garte, d'un
brun doré, était magnifique ; ses traits d'une
beauté remarquable, reflétaient la moindre de
ses émotions comme seul le peut un cheval de la
péninsule. Le général Sébastiani l'avait
appelé Constantinople, où il était arrivé
venant du désert, en guise de présent au
sultan. Napoléon possédait un autre étalon,
Ahasverus, acheté lui aussi à Constantinople,
mais de race turque et non arabe.
Carl R. Raswan
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