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Chevaux arabes

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" Al-khamsa, Les Cinq"

...... La littérature arabe évoque souvent la légende des "Al Khamsa", les "Cinq" juments merveilleuses, ancêtres des meilleurs variétés de chevaux arabes. Pendant plusieurs jours, le prophète Mahomet enferma plus de cent juments dans un enclos à proximité d'un ruisseau sans leur donner à boire; Enfin libérées, toutes se ruèrent vers l'eau courante. Ce fut alors que le prophète fit sonner à la trompette le signal du rassemblement. Toutes les juments poursuivirent leur course, sauf cinq d'entre elles qui luttèrent pour se dégager du tourbillon qui les entraînait. Sans avoir apaisé leur soif, mortellement épuisées mais hennissant joyeusement, elles accoururent là où les attendait Mahomet. Malgré la soif qui les torturait, elles avaient obéi à l'appel du combat.

...... Le prophète posa sa main sur leur front, les bénit et donna un nom à chacune d'elles. Il les appela "Abbayyah, Saqlaouiyah, Kouhaylah, Hamdaniyah, Habdah". Elles furent désormais ses montures préférées ainsi que celles de ses compagnons Ali, Omar, Abou Bakr et Hassan. On appelle également ces juments les "Khamsa al-Rasoul", les "Cinq du Prophète" pour les distinguer des "Cinq d'Ed-Dinari", ami de Mahomet dont l'étalon eut cinq filles célèbres elles aussi : "Yilfah, Chouwaymah, Dahmah, Oumm-Ourkoub et Mounikiyah".
La suite de ces noms diffère souvent d'après les différentes tribus bédouines, car certains leur ajoutent le nom de leur lignée et oublient ensuite le reste. On retrouve parfois Mounikiyah parmi le "Cinq du Prophète" tandis qu'Habdah fait partie des "Cinq d'Ed-Dinari".

...... A l'origine, tous les pur-sang arabes étaient des Kouhaylan. Ils sont les ancêtres de toutes les sous-races et de toutes les familles du cheval arabe. La légende des "Cinq du Prophète", tradition bien plus ancienne que l'Islam, nous a été transmise par Rabia al-Khayl, (al-Faras), lequel a vécu quelques siècles avant J.C., certains précisent : neuf cents ans avant lui.

...... Des types particuliers évoluèrent peu à peu, avec certaines caractéristiques fixes de tête, de structure et d'aptitudes, et chacun d'eux fut pourvu d'un nom. Les Bédouins ont consciemment favorisé cette pluralité de types qui répondait à une spécialisation des services. Les Saqlaoui sont considérés comme les chevaux les plus beaux, doués d'une grâce féminine, avec une structure osseuse extrêmement fine mais dure comme de l'acier; les Mouniqi sont nés pour la course; les Kouhaylan sont des chevaux de selle et de guerre, endurants, puissants - le type primitif masculin.


KOUHAYLAN : Mahroussia


SAQLAOUI
: NasrIII p154


MOUNIQI
: p155

Toutes les autres variétés et familles de pur-sang entrent aujourd'hui encore dans le cadre de ces trois types principaux. Les Bédouins ne se gênent nullement pour faire des mélanges de sang pur, si bien qu'ils créent constamment des lignées secondaires. Pour mieux les différencier avec leurs caractéristiques, on ajoute souvent au nom de la sous-race celui de la lignée qui en est issue. On dit par exemple des "Kouhaylan-Oubbayah", d'après une légende où une jument Kouhaylan joue le rôle principal : poursuivi par un ennemi, son maître s'était débarrassé de son manteau (Aba) pour n'offrir aucune résistance au vent. En arrivant au campement, il s'aperçut que sa jument portait encore le manteau sur sa croupe. Une autre légende est celle de Oumm-Ourqoub, "mère du sauteur agile" : une jument Kouhaylan met bas pendant la fuite de son maître. Pour éviter que le poulain ne tombe vivant aux mains de ses ennemis, l'homme lui coupe une patte. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque le poulain rejoint quand même le campement.
...... Les Hamdani portent le nom d'un des sept fils de Kathan; les Saqlaoui s'appellent ainsi à cause de la robustesse de leurs flancs, le nom des Muniqi évoque la longueur de leur cou, celui de Hadban l'abondance de leur pelage en hiver. Les chevaux de l'Arabie centrale se distinguent par la finesse soyeuse de leur poil (également en hiver) ou à cause de leurs longs sourcils qu'on compare à la frange de soie d'un voile de Damas.
...... Des évènements mémorables sont également à l'origine des noms qui distinguent les lignées les unes des autres : d'abord surnoms populaires, ils se sont transmis de génération en génération jusqu'à faire corps avec la dénomination principale. La "Kouhaylat Anz al-Darouish", la "Chèvre Kouhaylan du Derviche" fut une jument célèbre par son comportement joyeux et ses sauts de cabri. Pressée par la faim, elle s'était en effet nourrie de grains de café arrachés aux arbustes de la montagne. Le derviche l'imita et ressentit la même impression vivifiante et un enjouement jusqu'alors inconnu. Il revint parmi les hommes avec ce trésor et leur offrit ces grains mystérieux qui conquirent bientôt le monde pour empêcher les humains de dormir (ou plutôt pour maintenir les croyants en éveil jusqu'à la prière du soir, comme disent les musulmans).
...... Il ne fait aucun doute que les noms de ces lignées ont subi bien des changements au cours des siècles, comme par exemple quand s'éteignait une célèbre famille d'éleveurs. Les Saqlaoui ibn-Soudan sont aujourd'hui les produits de l'élevage de la famille des Bédouins Rouala de l'bn Soudan. les Kouhaylan-Roudan, ceux de la famille bédouine des Roudan. Mais au fond ces chevaux demeurent des Saqlaoui Yidran et des Kouhaylan-Ayouz, bien que la tribu des Ydran n'en possède plus. L'inscription la plus ancienne où figure un nom que des Bédouins ont transmis ensuite à leurs chevaux, est d'origine sabéenne. Elle mentionne la tribu des Hamdan, qui "offraient des chevaux à tous". Ces lignées, qui sont plus de deux cent quarante, n'ont de valeur que si elles conservent leur pureté et représentent par conséquent un type défini.
... a) Dans un manuscrit arabe que j'ai photographié, le prince Fayçoul ibn-Chalan dit : "Les Saqlaouiyah-Marighhiyah sont de taille médiocre parce que leurs pères proviennent de plusieurs troncs différents, tandis que les pères des générations précédentes étaient tous des Saqlaoui". On voit qu'il ne doute pas de l'influence qu'a la pureté de la race pour obtenir la meilleure descendance.
... b) Dans le même manuscrit , Mourchid al-Nawak écrit : "au Nedjaz, nous ne nous permettons de croiser que les trois variétés suivantes : 1. Saqlaoui. 2. Kouhaylan. 3. Chouwayman."
...... Une coutume antique a longtemps empêché la dégradation qu'aurait pu provoquer des croisements négligents effectués par des éleveurs dépourvus de toute conscience : c'est la jument, et non l'étalon, qui transmet le nom de la sous-race et de la lignée. En effet, elle transmet également sa structure, sa taille et les qualités psychiques qui sont primordiales, ce qui explique pourquoi le type de chaque variété s'est généralement maintenu.
...... Enumérer les différences anatomiques et autres qui distinguent une vingtaine de variétés, quelques deux cent quarante lignées ou familles de chevaux arabes m'entraînerait trop loin. Sans aucun doute, les Kouhaylan représentent le type le plus antique. puis suivent les Saqlaoui, etc.
...... A partir de Mahomet, les "Cinq" demeurent la division dominante. Mais cette liste comporte des noms très divers d'après les régions et les époques. Les seuls qui figurent partout sont les Kouhaylan et les Saqlaoui, et nous devons leur attribuer tout ce qu'il y a de typique et de caractéristique dans la race arabe. On peut les croiser parce que leurs deux types, l'un masculin et fort, l'autre féminin à l'ossature plus fine se complètent harmonieusement. Leur taille est la même, sauf leur garabit diffère. Ils représentent la moyenne idéale, une harmonie de proportions et de symétrie.
...... La troisième sous-race, la plus discutée, est celle des Mouniqi (et les variétés apparentées telles que les Yilfan, les Koubaychan). Au cours de nombreux voyages répétés que je fais en Arabie et en Mésopotamie depuis trente-quatre ans, je suis arrivé à retrouver l'origine du sang actuel des Mouniqi et des variétés apparentées. Chez les Bédouins de l'Irak. En 1630, les Mouniqi et les Ylfan faisaient partie, comme tous les autres chevaux arabes, des "Asil", c'est-à-dire des types classiques. Mais les Bédouins du sud et du centre de l'Arabie remontèrent vers le nord et plusieurs s'établirent à la lisière de la Mésopotamie (sur la rive occidentale de l'Euphrate et du Tigre) où ils entrèrent en relation avec les Turkmènes. Quelques éleveurs de la tribu des Salqa (Selka) tentèrent de croiser leurs juments Mouniqi et Ylfan avec des étalons turkmènes pour obtenir un nouveau cheval de course aux formes plus allongées. Ce fut en effet le cas, mais leur ligne devint anguleuse : tête au crâne plus étroit et plus long, front moins large, mâchoires à l'arc moins prononcé, (moins d'espace entre les ganaches pour les voies respiratoires), un profil droit et pus allongé, des yeux plus petits et plus hauts. On remarque également le garrot plus haut, la queue tombante à l'attache plus basse.; les jambes de derrière sont plus droites; l'épaule superbe et l'avant-bras très long, le canon très court, ce qui constitue un avantage pour la course. On a donc sacrifié à la vitesse la beauté, la force et l'endurance. Les Arabes appellent les Mouniqi et les Yilfan qui résultent de ces croisements "chiens de vent", "chiens de gazelles", ou encore "Chimali" ce qui veut dire étrangers du Nord, car la tribu des Salqa elle-même est souvent désignée sous le nom d'"Ahl Ach-Chimal".
...... Les Bédouins Amarat et Saba (ces deux tribus font partie de la nation Anaza, la plus noble du désert) possède aujourd'hui encore beaucoup de Mouniqi qui ont du sang turkmène. Cela s'explique par leur histoire. Quand les Salqa émigrèrent en Mésopotamie au cours du XVIIe siècle, ils se joignirent aux Al Yibal, sous-groupe des Amarat. On les retrouva ensuite sur les mêmes pâturages que les Saba, en Arabie du nord et en Mésopotamie. Mon "Index" contient les noms des éleveurs des tribus Salqa, Saba et Amarat, qui continuent l'élevage de ces chevaux de course dont l'apport de sang turkmène est indiscutable.
...... Il y a trois faits certains en ce qui concerne les Mouniqi. "Darley Arabian", père de "Flying Childers", fut le cheval qui marqua le plus le pur-sang anglais : c'était un Mouniqi-Hadrayi élevé chez les Bédouins Fidan-Anaza à proximité d'Alep ou de Toudmour. Il arriva en Angleterre en 1705. Dès lors on a noté soigneusement toute sa descendance. Chaque page de cette généalogie prouve que les chevaux arabes sont à l'origine des meilleures qualités des pur-sang et demi-sang anglais, (Hachney, Truber, etc.).
... 2. Les Mouniqi transmettent leur taille élevée, leur longueur, et par conséquent leur vitesse.
... 3. Lorsque le sang des Mouniqi se mélange à celui des deux sous-races classiques, ta tête s'allonge, le profil devient droit, les yeux sont plus petits et plus hauts, le cou plus long et plus mince. La largeur et la profondeur du poitrail diminuent, la croupe tombe et la beauté du port de queue disparaît . La noblesse, la finesse, la force et la délicatesse de l'arabe type se perdent presque complètement dans les croisements où figurent des Mouniqi et chevaux apparentés (voir p149 la table de parenté des chevaux arabes).

trois types


...... Nous n'avons rien à reprocher aux Mouniqi, si ce n'est qu'ils s'opposent à l'homogénéité des variétés classiques. Ils jouent un rôle très désirable dans l'élevage des demi-sang et partout où il y a un fort pourcentage de pur-sang anglais, par exemple chez les anglo-arabes,. La structure et le caractère du Mouniqi s'accordent magnifiquement avec ceux du pur-sang anglais.
...... Sans aucune influence de sang Mouniqi, mais semblables à eux dans leurs proportions, les Chouwayman sont de puissants chevaux de course de pure race Kouhaylan, tandis que les Mouniqi représentent un type plus grand, plus mince tout en donnant l'impression d'être plus bas sur pattes. Les Chouwayman se distinguent des Mouniqi par la noblesse de la tête. Certains caractères morphologiques typiques de l'arabe (port de queue, croupe droite) font supposer qu'on emploie des étalons Chouwayman pour couvrir de très grandes juments, mais pour "fanatique" que je sois de la pureté du sang, je conseille à tout éleveur qui veut croiser un pur-sang anglais avec un arabe d'utiliser uniquement un excellent Mouniqi-Habrayi. D'ailleurs l'excellence des chevaux de course Mouniqi repose elle aussi sur la constance de leur sang.
...... On peut citer un parfait exemple de l'intelligence d'un éleveur de la tribu des Fidan : son cheval "Haleb" fut le résultat d'un croisement, le père était un Chouwayman, la mère une Mouniqiyah*. Homer Davenport le fit venir aux Etats-Unis. Comme je l'ai dit les deux types sont allongés et leur structure est celle du cheval de course. Mais les Chouwayman ont la puissance extrême et la musculature des Kouhaylan. "Haleb" remporta bien des courses aux Etats-Unis sur les étalons Morgan.
...... Dans ma collection de copies de manuscrits arabes se trouvent les ouvrages d'Abbas Pacha al-Auwal ainsi que celui composé par le Cheik Bouyaïrimi sur la demande d'Abbas Pacha, et beaucup d'autres livres inconnus jusqu'ici en Europe. Il m'a fallu presque trente-cinq ans pour traduire le tout.
...... Voici l'un de ces récits, présenté pour la première fois dans une langue européenne. Il s'agit d'une tradition orale recueillies par Fayçoul ibn Chalan, prince des Bédouns Rouala : il vivait au XIXe siècle et fut l'un des éleveurs et des experts les plus célèbres des cinq derniers siècles. Ses déclarations ont toutes été consignées par écrit en présence d'autes éleveurs réputés venus de toutes les régions d'Arabie, et certifiées chaque fois par au moins deux témoins choisis souvent parmi ses ennemis les plus acharnés. Cette histoire est un document unique sur la vie du cheval arabe en Arabie même. Elle n'a rien de commun avec des fantaisies religieuses, superstitieuses ou légendaires; sa simplicité est convaincante et nous fait comprendre toute la différence qui existe entre la fidélité de la tradition orale des nomades et les mythes, consignés par écrit à cause de leur merveilleux même, des Bédouins sédentaires.
...... Foutaykh de Chalan acquit au cours d'une razzia une jument Saqlaouiyah**-Yidranoyah appartenant à Dabit, un Chammar. Dabit lui conseilla de déclarer qu'il s'agissait d'une Koulayah ***, car autrement Yidran, l'ancien propriétaire la réclamerait certainement. Cela voulait dire que Dabit avait lui-même volé la jument. D'après la loi du désert, elle lui appartenait bien, mais quand un Arabe perd à nouveau un cheval de butin au cours d'une razzia, l'ancien propriétaire a le droit de le réclamer au nouveau maître et à tous ceux qui lui succèderont. Pour éviter ce danger, un Bédouin fait généralement passer sa prise pour un autre animal, mais sans jamais mentionner un nom de sous-race et lignée.

Mouniqiyah* féminin de Mouniqi
Saqlaouiyah** féminin de Salqlaoui
Koulayah***, féminin de Kouhaylan

...... Voilà pouquoi Dabit prévint Foutayk : dire que la jument était une Koulayah compliquerait les reherches du premier propriétaire, un Chalan (Rouala) lui-même.
Dabit pensait qu'ayant reperdu la jument d'un Chalan au bénéfice d'un autre Chalan, son silence lui vaudrait peut-être un poulain...
...... On appelle kla (prise de butin) une jument dont on connaît la sous-race mais non la lignée, ou dont on ne connaît ni l'un ni l'autre, bien que sa structure, les caractéristiques de la tête et du reste du corps permettent de déterminer son origine. On voit par là que, malgré leurs razzias et leurs luttes intestines, les Bédouins ont un code d'honneur paticulier. Certes, les avantages que Dabit et Foutaykh espéraient tirer de leur silence se trouvaient considérablement réduits car la jument ne pourrait jamais plus être considérée comme "Asil" (de race, de sous-race et de lignée absolument pure) et n'aurait jamais de nom de lignée. Ses poulains mâles ne seraient pas utilisés comme reproducteur, et les femelles n'auraient aucune valeur, sauf pour ceux qui seraient au courant du "secret". En effet, aucun Bédouin n'oserait inventer un nom de sous-race ou de famille pour désigner une bête qui en est dépourvue.
...... Quelque temps plus tard, Foutaykh tua un homme de la tribu des Mani et acquitta le prix du sang en donnant cette jument. L'esclave du mort, devenu le tuteur des enfants la prit en charge. Au cours d'une nouvelle razzia, l'esclave perdit la jument à son tour et Ibn Bakr, de la tribu des Beni Sakhr, en hérita. Un Chammar qui se trouvait chez les Beni Sakhr reconnut la bête comme étant la Saqlaouiyah de Yidran et prévint ce dernier de sa présence chez Ibn Bakr. Mais entre-temps, la jument avait encore une fois changé de main et était revenue chez les Rouala qui l'avaient reprise aux Beni Sakhr. Finalement Yidran retrouva sa jument et la réclama. Mayoul, le médiateur, décida que l'objet du litige reviendrait aux enfants de l'homme de la tribu de Mani. En effet, le cheval avait alors payé la vie d'un homme. Le premier propriétaire perdit sa jument; pour la récupérer il dut la payer à sa pleine valeur, c'est-à-dire avec cinquante chameaux, ce qui est le prix du sang.


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