officier de
cavalerie romain
(détail d'un
sarcophage trouvé en Turquie d'Asie)
(ph. Décadence et
chute de l'Empire Romain ,Edward Gibbon, PML ed. 1989)
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LES RACES CHEVALINES ASIATIQUES ET EUROPEENNES EN
OCCIDENT (chap. XI) (suite) p591
A la fin du VIIe
livre de l'Enéide, Virgile montre les
Latins se préparant à repousser les Troyens d'Enée
; il fait l'énumération des peuples d'Italie
qui doivent prendre part au combat.
Les uns se préparent à s'avancer à pied dans
la plaine; les autres s'élancent avec une ardeur
guerrière sur des chevaux poudreux (vers 624-625).
Aventinus, fils d'Hercule, fait briller dans le
plaine son char couronné de palmes et ses
coursiers souvent victorieux ; mais il s'avance
lui-même à pied, couvert de la dépouille d'un
lion (vers 655-669). Halesus, fils d'Agamemnon,
attelle ses chevaux à son char et amène à
Turnus mille peuples farouches (vers 781-725).
Virbius, fils d'Hippolyte, exerce ses ardents
coursiers dans la plaine, et, sur son char, il s'élance
au combat (vers 781-782). Enfin la belliqueuse
Camille, du pays des Volsques, conduit une
multitude de cavaliers et des troupes brillantes
d'airain (vers 803-805).
Virgile est le seul auteur qui signale en Italie,
immédiatement après la guerre de Troie, l'usage
simultané des chevaux montés et des chars de
guerre.
Denys d'Halicarnasse (Antiq. rom., II, IX, 5) indique seulement qu'aux fêtes
Consualia, introduites à Rome par Romulus, on
faisait des courses de chevaux attelés et de
chevaux montés.
Piétrement
1882
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course
de quadrige (musée
du Louvre)
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Du reste, il paraît certain que l'usage
des chars de guerre a été abandonné très
anciennement par tous les peuples de l'Italie
autres que les Gaulois cisalpins;
car les historiens n'en mentionnent que chez ces
derniers, en racontant la conquête de toutes les
provinces italiennes par les Romains;
Arrien prétend même, dans le chapitre XIX de sa
Tactique, que les Romains ne s'en sont
jamais servis.
Cependant, suivant Végèce, III, 24, et Modestus,
§19, les Romains ont imaginé de combattre les
éléphants ennemis avec des chars attelés de
deux chevaux bardés ; mais ils doivent y avoir
vite renoncé, à cause de la frayeur instinctive
que les chevaux ont des éléphants; c'est sans
doute pour cela qu'Arrien n'a pas tenu compte de
cet essai éphémère et relativement tardif de l'usage
des chars de guerre par les Romains.
Les trois cents cavaliers institués par Romulus
sous le nom de Célères étaient
destinés à lui servir de gardes du corps, et
ils combattaient tantôt à pied, tantôt à
cheval, suivant la nature du terrain (Denys d'Halicarnasse,
Antiq. rom., II, V, 3).
Romulus avait réparti les Célères
dans trois centuries dont le nombre ne put de
longtemps être changé, parce qu'il avait été
consacré par la religion ;
mais le nombre de cavaliers fut
successivement augmenté à mesure que les
Romains incorporèrent à leur Etat des peuples
voisins, notamment lors du transport à
Rome de tous les Albains;
et chaque centurie était déjà composée de
trois cents cavaliers à l'avènement de Tarquin
l'Ancien, qui porta ce nombre à six cents, ce
qui lui donné mille huit cents cavaliers (Tite-Live,
I, 13, 15,
30 et 36).Piétrement 1882
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détail
de la colonne trajane (Rome)
d'après ph. wiki. commons)
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Un passage de Polybe indique ce que l'Italie pouvait à elle
seule fournir d'hommes et de chevaux de guerre,
en l'an 528 de Rome, 225 ans avant notre ère,
lors de l'invasion des Gaulois conduits par
Concolitanus et par Anéroeste, qui furent
vaincus à Télamone en Etrurie, sous le consulat
de Lucius Emilius et de Caius Atilius, six ans
avant l'arrivée d'Annibal en Italie et une
vingtaine d'années avant la naissance de Polybe.
"
Afin de rendre plus sensible à quelle
puissance osa plus tard s'attaquer
Annibal, et en dépit de quel obstacle,
se mesurant contre de telles forces, il
réussit à jeter les Romains en de si
cruelles extrémités, peut-être serait-il
bon d'exposer en détail l'importance de
leurs préparatifs et le nombre de
troupes dont la république disposait
alors.
Les consuls étaient partis avec quatre
légions, composées chacune de cinq
mille deux cents fantassins et de trois
cents cavaliers.
Ils avaient de plus, avec eux, les
troupes alliées, qui s'élevaient à
trente mille fantassins et deux mille
chevaux.
Ajoutons les renforts des Sabins et des
Toscans, qui, accourus à temps au
secours de Rome, avaient fourni plus de
trois mille cavaliers et de cinquante
mille fantassins.
Les Romains avaient posté ces forces
réunies du côté de la Toscane, sous
les ordres d'un préteur.
Les Ombriens et les Sarsinates, qui
habitaient l'Apennin, s'étaient
assemblés au nombre de vingt mille; il n'y
avait pas moins de Cénomans et de
Vénètes.
On les plaça sur la limite de la Gaule,
prêts à envahir le pays des Boïens,
afin de rappeler par une puissante
diversion l'armée déjà en campagne.
Telles étaient les troupes qui
défendaient les frontières.
Dans l'intérieur même de Rome, on
tenait sous les armes, comme réserve,
pour subvenir aux besoins de la guerre,
vingt mille fantassins et quinze cents
cavaliers romains, plus de trente mille
fantassins et deux mille chevaux
empruntés aux alliés.
Le relevé des forces générales de l'Italie
avait donné pour les Latins quatre-vingt
mille hommes d'infanterie et cinq mille
de cavalerie;
pour le Samnium, soixante-dix mille
fantassins et sept mille chevaux;
pour la Messapie et l'Iapygie réunies,
cinquante mille fantassins et seize mille
cavaliers;
pour la Lucanie, trente mille fantassins,
trois mille hommes de cavalerie;
pour les Marses, les Marruciens, les
Férentins et les Vestins, vingt mille
soldats à pied et quatre mille à cheval.
Ce n'est pas tout : en Sicile et à
Tarente, deux légions tenaient garnison.
Chacune d'elles comptait quatre mille
deux cents fantassins et deux cents
cavaliers.
Enfin, parmi les citoyens romains et
campaniens, on avait levé deux cents
cinquante mille fantassins et vingt trois
mille cavaliers. Ainsi, l'armée
qui protégeait Rome aux frontières
montait, somme toute, à plus de cent
cinquante mille fantassins et soixante
mille cavaliers, et le chiffre des hommes
propres au service, Romains et alliés,
allait à sept cent mille fantassins au
moins et à soixante-dix mille cavaliers.
" (Polybe, II, 24)
|
*
Or voici avec
quelles troupes Annibal osa attaquer cette
puissance romaine.
Au printemps de l'an 219 avant notre ère, il
avait franchi l'Ebre à la tête de quatre-vingt-dix
mille fantassins et d'environ douze mille
cavaliers; puis, après avoir soumis le pays
situé au nord de ce fleuve, après avoir fait de
terrribles pertes en Espagne, avoir laissé dix
mille fantassins et mille chevaux à Hannon et en
avoir renvoyé autant dans leurs foyers,
"
il franchit à la tête de cinquante
mille fantassins et de neuf mille
cavaliers la chaîne des Pyrénées, pour
se diriger vers le Rhône." (Polybe, III,
35) - " Annibal, qui avait
quitté le Rhône à la tête de trente-huit
mille hommes de pied et plus de huit
mille cavaliers, avait presque perdu dans
le passage des Alpes la moitié de ses
hommes. (Polybe, III, 60)
-
" Après avoir mis cinq mois à
venir de Carthagène, quinze jours à
franchir les Alpes, il entra dans les
plaines de la Cisalpine, sur les terre
des Insubriens.
Il lui restait des troupes africaines,
douze mille fantassins, avec huit mille
Espagnols environ.
La cavalerie ne s'élevait pas à plus de
six mille hommes, comme il le dit lui-même
sur la colonne de Licinium, où se trouve
le catalogue de ses forces. " (Polybe, III, 56)
|
Il est vrai que
Tite-Live (XXI, 38) dit qu'on n'est nullement d'accord
sur le nombre des soldats d'Annibal à son
arrivée en Italie, qu'on lui a donné jusqu'à
cent mille fantassins et vingt mille cavaliers.
Mais c'est sans doute un effet de la vanité des
Romains, honteux de leurs défaites.
Piétrement
1882
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Guerriers Samnites IVeme s avt J.C.
fresque de tombe de
Paestum (Musée Guimet, Paris, ph: Tout l'Univers 1978,
Le livre de Paris Ed.)
pièce sicilienne
antique (revers) (BM)
détail de mosaïque sicilienne
villa romaine del Casale
d'après ph. J.Strzelecki (wiki. comm.)
|
En l'an 480 avant Jésus-Christ, le général
carthaginois Amilcar ayant assiégé la
ville d'Himère, en Sicile,
"Gélon,
qui tenait son armée toute prête,
partit en hâte de Syracuse avec une
armée d'au moins cinquante mille
fantassins et de plus de cinq mille
cavaliers; après une marche rapide, il s'approcha
de la ville d'Himère et rendit le
courage aux habitants, effrayés de la
puissance des Carthaginois. " ( Diodore, XI,
21) |
Plus tard, 397
ans avant notre ère, voulant expulser les
Carthaginois des villes grecques de la Sicile,
Denys de Syracuse
"avait
sous ses ordres quatre-vingt mille hommes
d'infanterie, plus de trois mille chevaux
et environ deux cents vaisseaux longs,
qui étaient suivis de près de cinq
cents vaisseaux de transport, chargé de
machines de guerre et de toutes sortes de
munitions;" (Diodore, XIV,
47) |
Du reste, dans
Agrigente,
"
on admirait le luxe et la magnificence
déployés dans les monuments funêbres
érigés soit aux
chevaux qui avaient remporté le prix de
la course, soit à de petits oiseaux
élevés dans les volières par des
filles et des jeunes garçons." |
A la 92e
olympiade, 412 ans avant notre ère,
"
Exaenète d'Agrigente, vainqueur à la
course du stade, fut conduit sur un char
dans la ville. Indépendamment de
beaucoup d'autres, il était suivi de
trois cents chars (biges) attelés de
chevaux blancs, et tous fournis par les
Agrigentins." (Diodore, XIII, 82) -"Gellias n'était
pas le seul qui se distinguât par sa
richesse; beaucoup de citoyens d'Agrigente
étaient dans le même cas. On cite,
entre autres, Antisthène, surnommé le
Rhodien.
Aux noces de sa fille, il donna un repas
aux citoyens dans les rues mêmes où
chacun demeurait. La mariée était
accompagnée de plus de huit cents chars;
non seulement les citoyens d'Agrigente,
mais encore les citoyens des villes
voisines, invités au festin,
accompagnaient à cheval le cortège
nuptial. " (Diodore, XIII,
84)
|
*
"
Posidonius nous signale, comme une
exception appartenant en propre à l'Ibérie...
que la robe des chevaux celtibériens,
qui est naturellement miroitée,
change de couleur du moment qu'on les
fait passer dans la province ultérieure.
Il ajoute que ces chevaux ressemblent à
ceux des Parthes, en ce qu'ils ont de
même incomparablement plus de vitesse et
de fond que les autres." (Strabon, III,
IV, 15) |
*
"
Les Celtibériens ont une manoeuvre qui
leur est particulière.
Lorsqu'ils voient leur infanterie
pressée, les cavaliers descendent de
leur montures et laissent les chevaux
rangés en ligne.
A l'extrémité des rênes, ils attachent
de petits bâtons qu'ils fixent dans la
terre et dressent ainsi leurs chevaux à
demeurer tranquilles, jusqu'à ce qu'ils
viennent leur enlever cette attache
" (Polybe, XIX, 1) |
*
"
On convient que non seulement leur
cavalerie est excellente, mais encore que
leur infanterie se distingue par son
courage et son intrépidité....
Ils savent combattre à pied et à cheval
: après que les cavaliers ont rompu les
rangs ennemis, ils mettent pied à terre,
et, devenus fantassins, ils font des
prodiges de valeur " (Diodore, V,33) |
*
" Plusieurs auteurs ont
écrit qu'en Lusitanie,
sur les rives du Tage, le vent féconde
les cavales.
Cette fable est née de la fécondité
des juments, de la multitude des chevaux
de la Galice et de la Lusitanie, où leur
merveilleuse légèreté a pu faire
supposer que le vent leur avait donné
naissance. " (Justin, XLIV, 3)
|
Quant
aux Lusitaniens,
"dans
leurs sacrifices au dieu Mars, ils
immolent aussi des boucs, ainsi que des
prisonniers de guerre et des chevaux.
Ils font en outre des hécatombes de
chaque espèce de victime, à la façon
des Grecs.
Ils célèbrent des jeux gymniques,
homitiques et hippiques, dans
lesquels ils s'exerçent au pugilat et à
la course, et simulent des escarmouches
et des batailles rangées. " (Strabon,
III, III, 7) |
*
"
Un autre usage des Ibères, mais qui ne
leur est pas particulier non plus, c'st
de monter à deux sur un même cheval, l'un
des deux cavaliers mettant pied à terre
au moment du combat" (Strabon, III,
iv, 18)
" Presque tous tiennent plus à
leurs armes, à leurs coursiers de guerre,
qu'à leur propre sang" (Justin,
XLIV, 2) |
*
Enfin
Polybe (XII, 25, b) critique en ces termes une
supposition de Timée :
"
Dans l'histoire de Pyrrhus, il avance que
les Romains, en souvenir de la prise de
Troie, tuent, à un jour donné, dans le
champ de Mars, un cheval de guerre, parce
que Troie fut autrefois enlevée au moyen
d'un cheval.
Cette anecdote est puérile; il faut, si
on l'adopte, que presque tous les peuples
barbares se disent descendants des
Troyens : car tous, ou pour mieux dire la
plupart, sur le point de faire une guerre
ou de livrer une bataille décisive, ne
manquent pas d'immoler un cheval en
sacrifice, pour tirer un présage de la
manière dont il tombe." |
Piétrement
1882
|
base de la colonne antonine, Rome,
(ph, Décadence et
Chute de l'Empire romain, Edward Gibbon, PML ed.,1981)
détail, d'après ph. wiki.comm.
haut
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