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Epona,
musée Lorrain, Nancy
(ph.
Marsyas, wiki. comm.)
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LES
RACES CHEVALINES ASIATIQUES ET EUROPEENNES EN
OCCIDENT (chap. XI) (suite) p586Pausanias dit du Brennus qui échoua
devant Delphes en l'an 278 avant notre ère :
" Il
parvint donc à décider les Gaulois
à faire une expédition contre la Grèce;
il s'associa pour le commandement
quelques-uns des principaux et entre
autres Acichorius.
L'armée qu'on rassembla se montait à
cent cinquante-deux mille hommes d'infanterie
et à vingt mille quatre cents hommes de
cavalerie ; il y avait un pareil nombre
de cavaliers toujours en activité, mais
ils étaient réellement soixante et un
mille deux cents ;
chaque cavalier avait en effet avec lui
deux domestiques, bons écuyers eux-même,
et qui avaient aussi des chevaux.
Lorsque la cavalerie a engagé le combat,
ces domestiques se tiennent derrière le
corps d'armée, et voici à quoi ils
servent.
S'il arrive à un cavalier de perdre son
cheval, son domestique lui en donne un
sur-le-champ ;
si le cavalier lui-même est tué, il
monte sur le cheval à sa place ;
si le cheval et le cavalier sont tués
ensemble, il y a un autre cavalier tout
prêt ;
enfin, si le maître est blessé, l'un
des esclaves l'emmène dans le camp, et l'autre
prend sa place dans les rangs." (Pausanias, Descript.
de la Grèce, X, 19; t. V. p.
389) |
Un siècle plus tard,
Persée, roi de Macédoine, perdit par son
avarice le secours d'un corps de Gaulois
répandus dans l'Illyrie.
" Ils
venaient cependant au nombre de dix mille
cavaliers et de dix mille fantassins ;
ceux-ci suivaient les chevaux à la
course et montaient sur ceux dont les
cavaliers venaient à être renversés."
(Tite-Live, XLIV, 26) |
César fait de très
nombreuses mentions de la cavalerie des Gaulois
amis ou ennemis des Romains.
Au début de la guerre des Gaules, il envoie en
avant toute sa cavalerie, au nombre de quatre
mille hommes, qu'il avait levés chez les Eduens
et chez leurs alliés ; mais les Helvètes, avec
cinq cents cavaliers, surprennent cette cavalerie
dans un lieu désavantageux et leur font
éprouver quelque perte (I, 15).
Il montre Vercingétorix à la tête de quinze
mille cavaliers (VII, 64)
et d'une "infanterie légère habituée à
combattre entre les chevaux" (VII, 18).
César ne parle pas, dans sa rapide narration,
des chars de guerre des Gaulois;
il dit seulement, ou plutôt Hirtius, l'auteur du VIIIe livre de la Guerre
des Gaules, dit dans le chapîte 14 que
" les
Gaulois, dans les moindres expéditions,
se font toujours suivre d'un grand nombre
de chariots. " |
Ce passage rappelle
celui dans lequel Polybe
(V, 77-78)
représente les Gaulois Tectosages commandés par
Attale Ier, roi de Pergame, et campés sur les
bords du Mégiste, en Asie Mineure :
" Alors
survint une éclipse de lune.
Les Gaulois, qui conduisaient à leur
suite dans les chariots leurs femmes et
leurs enfants et se plaignaient depuis
longtemps des fatigues de la marche,
considérèrent cette accident comme un
mauvais augure et refusèrent d'aller
plus avant; " |
Piétrement
1882
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monnaie
romaine à l'effigie d'un gaulois
Vercingétorix
-
au
revers
char gaulois
(ouvert
à l'avant)
(ph. wikipedia.)
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Néanmoins, les anciens Gaulois avaient aussi des
chars de guerre ;
car en l'an 295 avant notre ère, à la bataille
de Sentinum, les cavaliers romains commandés par
Décius eurent d'abord l'avantage.
" Par deux
fois ils firent tourner le dos à la
cavalerie gauloise;
mais, à la seconde charge, comme ils
avaient pénétré assez en avant dans
les lignes ennemies et portaient le
combat au sein même de leurs escadrons,
un nouveau genre de combat vint les
saisir d'effroi.
L'ennemi, debout et en armes sur des
chars et des chariots, arrive avec un
grand bruit de chevaux et de roues; et ce
fracas inaccoutumé épouvante les
chevaux des Romains.
La cavalerie victorieuse se trouve à l'instant
dissipée par une terreur qui tient du
délire; emportés par une fuite aveugle,
hommes et chevaux se renversent les uns
sur les autres. Le désordre gagne aussi
les légions ; un grand nombre de soldats
de la première ligne sont écrasés par
les chevaux et les chars qui se
précipitent à travers les rangs." |
Le dévouement de
Décius aux dieux infernaux put seul rendre la
victoire aux Romains.
" La
gloire de la journée où fut livrée la
bataille de Sentinum est assez grande,
même à s'en tenir à la stricte
vérité. Quelques historiens, cependant,
y ont voulu ajouter de l'exagération.
Ils rapportent que l'armée ennemie
comptait quarante-trois mille trois cent
trente fantassins, six mille cavaliers et
mille chariots, en y comprenant sans
doute les Ombriens et les Toscans, qu'ils
font assister à la bataille." (Tite-Live, X, 28-29) |
En l'an 275 avant notre
ère, les débris de l'armée du Brennus
précité occupaient l'Asie Mineure, et ils y
avaient formé un front de bataille d'infanterie,
flanquée de vingt mille hommes de cavalerie sur
chaque aile, soutenue au centre par quatre-vingt
chars armés de faux et par deux fois autant de
chars attelés de deux chevaux,
lorsqu'ils furent vaincus par Antiochus Ier, qui
mérita par cette victoire le surnom de Soter (Clef
Lucien, Zeuxis ou Antiochus, 8-11).
Au reste, César avait eu lui-même à combattre
des Gaulois montés sur des quadriges armés de
faux (falcatas quadrigas), comme Frontin
nous l'apprend dans ses Stratagèmes, II,III,18;
mais Diodore, V, 29, ne
mentionne plus chez ce peuple que des chars à
deux chevaux, portant un conducteur et un
guerrier, et servant dans les voyages et dans les
combats.
Ajoutons que, dans les nombreux tombeaux gaulois
où l'on a trouvé des débris de chars,
"ces
débris sont accompagnés de mors de
chevaux, ordinairement par paires dans
chaque tombe."(Mazard, Essai sur les
chars gaulois de la Marne, dans le Revue
archéologique, t. XXXIII, 1877,
p.157) |
Ces chars devaient être
ouverts aussi bien en avant qu'en arrière;
il est permis de l'inférer à la lecture du
passage cité à la page 281, dans lequel César
montre les Bretons insulaires sautant rapidement
à terre, courant sur le timon, et de là s'élançant
précipitamment dans leurs chars : c'est la
conclusion à laquelle M. Mazard est également
arrivé. - (Voyez
Mazard, o.c. p.225-227.) -
" On
proposa, dans le guerre de 1741, de
renouveler cette ancienne invention et de
la rectifier. Un ministre d'Etat fit
construire un de ces chariots qu'on
essaya. On prétendait que, dans les
grandes plaines comme celle de Lutzen, on
pourrait s'en servir avec avantage, en
les cachant derrière la cavalerie, dont
les escadrons s'ouvriraient pour les
laisser passer, et les suivraient ensuite.
Les généraux jugèrent que cette
manoeuvre serait inutile et même
dangereuse, dans un temps où le canon
seul gagne les batailles. Il fut
répliqué qu'il y aurait dans l'armée
à chars de guerre autant de canons pour
les protéger, qu'il y en aurait dans l'armée
ennemie pour les fracasser... Les
généraux n'opposèrent rien à ces
raisons; mais ils ne voulurent point
jouer à ce jeu renouvelé des Perses
" (Voltaire,
dans l'article BARAC et DEBORA du Dictionnaire
philosophique.) |
Les chevaux étaient en
outre employés comme bêtes de somme par les
anciens Gaulois.
" Car une
particularité que l'on remarque dans les
îles situées entre l'Europe et la
Bretagne est que, dans les hautes marées,
elles sont entièrement environnées d'eau.
Mais lorsque dans les marées basses la
mer se retire, une grande partie de terre
se découvre, et ces îles présentent
alors l'aspect de presquîles.
Là, les marchands achètent l'étain des
indigènes et le font transporter dans la
Gaule. Enfin, ils le chargent sur des
chevaux et traversent la Gaule à pied,
dans l'espace de trente jours, jusqu'à l'embouchure
du Rhône. (Diodore, V, 22) |
Piétrement
1882
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reconstruction de la "tombe à
char" de La Gorge-Meillet (4eme s. avt J.C.)
scanné sur "The Celts" T.G.E. Powell,
Thames and Hudson, London, ed.1958
sur les tombes à char, explications et autre photo:
Musée d'archéologie nationale (MAN) : www.musee-antiquitesnationales.fr
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Voici le jugement que César (IV, 2) porte sur les chevaux de la
grande nation germanique des Suèves :
"Les leurs
sont mauvais et difformes; mais, en les
exerçant tous les jours, ils les rendent
infatigables. Dans les engagements de
cavalerie, souvent ils sautent à bas de
leurs chevaux et combattent à pied; ils
les ont dressés à rester à la même
place et les rejoignent promptement si le
cas le requiert. Rien dans leurs moeurs
ne passe pour plus honteux ni pour plus
lâche que de se servir de selle." |
Tacite dit de tous les peuples
de la Germanie :
"Leurs
chevaux ne sont remarquables ni par la
forme ni par la vitesse : ils ne les
dressent point, suivant notre habitude,
à manoeuvrer en traçant des cercles,
mais ils les poussent en avant ou les
font tourner à droite, en serrant
tellement le cercle que pas un cavalier
ne reste en arrière.
A juger toutes leurs troupes, l'infanterie
est la meilleure; c'est pour cela qu'ils
la mêlent à la cavalerie. Ils
choisissent, parmi toute la jeunesse, les
hommes d'élite qui disputent de vitesse
avec les cavaliers et qu'ils placent sur
le front de bataille." (Tacite, Moeurs des
Germains, VI) |
César avait eu à
combattre le Germain Arioviste, chef de six mille
cavaliers soutenus par un pareil nombre de tels
fantassins (Guerre des Gaules, I, 48),
et, plus tard, pour résister à Vercingétorix,
" il
envoie au delà du Rhin, en Germanie,
vers les peuples qu'il avait soumis les
années précédentes, et leur demande
des cavaliers et des fantassins armés à
la légère, accoutumés à se mêler
avec la cavalerie dans les combats."
(Ibid, VII, 65) |
Il faut observer à ce
propos que pendant le siège de Capoue, 212 ans
avant J.C., pour résister à la cavalerie d'Annibal,
les Romains avaient créé un corps d'infanterie
analogue, les vélites, qui, à l'occasion,
montaient en croupe derrière les cavaliers (Tite-Live, XXVI,4); mais cette infanterie légère
avait été supprimée à l'époque de la guerre
sociale, une trentaine d'années avant la guerre
des Gaules.
Comparés aux autres anciens peuples de la
Germanie,
"les
Cattes ont le corps plus robuste, les
membres nerveux, le visage menaçant et
une grande énergie morale.... Leur force
est dans leur infanterie, et ils chargent
les fantassins, outre leurs armes, de
bagages et de vivres. Les autres Germains
se battent, les Cattes font la guerre."
(Tacite, Moeurs
des Germains, XXX.) |
*
" Les
Bataves, lorsqu'ils habitaient au delà
du Rhin, faisaient partie de la nation
des Cattes. Chassés par une guerre
civile, ils vinrent se fixer à l'extrémité
encore déserte de la côte des Gaules,
et dans une île située entre des bas-fonds,
baignée en face par l'Océan, et des
autres côtés par le Rhin.
Unis aux Romains, ils n'eurent point à
souffrir de cette alliance avec un peuple
plus puissant, car ils ne fournissaient
à l'empire que des hommes et des armes.
Ils servirent longtemps dans la Germanie;
et leur gloire reçut un nouveau lustre
en Bretagne, où l'on avait fait passer
leurs cohortes que commandaient, suivant
un ancien usage, les hommes les plus
nobles de la nation.
Ils entretenaient en outre dans leur pays
des cavaliers d'élite, nageurs
consommés, qui traversent le Rhin tout
armés et à cheval, sans rompre leurs
rangs." ( Tacite, Histoires,
IV,
12)
" Non loin des Cattes et sur les
rives du Rhin, qui, fixé jusque-là dans
son lit, peut encore servir de frontière,
habitent les Usipiens et les Tenctères.
Les Tenctères, vaillants soldats comme
tous les Germains, excellent en outre
dans l'art de combattre à cheval ; et la
réputation de leur cavalerie ne le cède
en rien à celle de l'infanterie des
Cattes;
Les ancêtres ont montré l'exemple, et
les fils le suivent. L'équitation est un
jeu pour les enfants, une lutte d'amour
propre pour les jeunes gens, une habitude
enracinée pour les vieillards. Les
chevaux se transmettent dans les
successions avec les esclaves, les
pénates et les autres droits.
Ils reviennent à l'un des fils, non pas,
comme les autres biens, à l'aîné, mais
au plus brave et au meilleur cavalier." (Tacite, Moeurs des
Germains, XXXII.) |
Au delà vivaient les
Chauques.
" C'est le
plus noble peuple de la Germanie, car ils
donnent à leur grandeur la justice pour
soutien... Les hommes et les chevaux sont
nombreux, et leur réputation reste la
même dans la paix. " (Tacite, Moeurs des
Germains, XXXV.) |
Chez tous les Germains,
"les chefs
combattent pour la victoire, les
compagnons pour le chef...
D'ailleurs ils s'illustrent plus
facilement au milieu des dangers, et ce n'est
que par la guerre et la force qu'ils
peuvent soutenir un nombreux entourage.
Le cheval de bataille, la framée
sanglante et victorieuse, sont un impôt
levé sur la générosité du chef.
" (Tacite,
Moeurs des Germains, XIV.)-
" L'épouse n'apporte point de dot
au mari; c'est le mari qui donne une dot
à l'épouse. Le père, la mère et les
proches interviennent et agréent les
présents, qui ne sont point ceux que
nous cherchons pour charmer les femmes ni
ceux dont se pare une nouvelle mariée,
mais des boeufs, un cheval harnaché, un
bouclier avec la framée et l'épée.
Grâce à ces présents, l'époux est
accepté, et la femme à son tour offre
quelques armes à son mari...
Pour que la femme ne se croie pas
étrangère aux préoccupations des
vertus guerrières, étrangère même aux
chances des combats, ces auspices, sous
lesquels commence son mariage, lui font
connaître qu'elle prend part des
fatigues et des dangers de son époux, et
qu'elle doit souffrir et oser, dans la
paix comme dans la guerre, tout ce qu'il
souffre, tout ce qu'il ose.
Ces boeufs réunis sous le même joug, ce
cheval équipé, ces armes qu'on échange
expriment que c'est ainsi qu'il faudra
vivre et mourir. " (Tacite, Moeurs des
Germains, XVIII.) |
Piétrement
1882
|
sarcophage
représentant une scène de bataille entre Romains et
Germains (180-190 ap J.C.)
(Musée National
Romain , ph. Jastrow,Wiki. comm.)
détail
haut
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