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Alexandre
le Grand à Issus (ph. wiki.)
voir wikipedia: "mosaique d'Alexandre", (Musée
arch. de Naples)
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Les peuples
aryens et leurs chevaux en Asie mineure et en
Grèce (chapIV,§4) (suite) On
doit même ajouter que, dans ses Recherches
sur l'ancienneté et sur l'origine de l'équitation
dans la Grèce, article
inséré dans les Mémoires de
l'Académie des Inscriptions, tome VII, 1733, p.
286-335, Fréret a
fait l'observation suivante:
"Xénophon
attribue en général à Lycurgue l'établissement
de la discipline militaire observée à
Sparte, tant à l'égard des Hoplites,
ou pesamment armés, qu'à l'égard des Cavaliers;
mais il n'est pas trop sûr que ces
cavaliers eussent jamais servi à cheval;
du moins nous lisons dans Strabon que,
suivant les règlements de Lycurgue, ceux
que l'on nommait cavaliers, à Sparte,
servaient à pied, à la différence de
ceux auxquels on donnait ce nom dans l'île
de Crète, dont les lois et le
gouvernement ressemblaint extrêmement à
ce qui se pratiquait à Sparte." (Fréret, o.c., p
328) |
Fréret en conclut que le
corps des trois cents jeunes gens d'élite
institué par Lycurgue, devait être composé de
fantassins auxquels on avait donné le titre
purement honorifique de chevaliers, en souvenir
des héros des temps héroïques qui avaient
combattu sur des chars.
Mais il faut que la mémoire ait fait
complètement défaut à Fréret pour qu'il ait
apprécié de cette façon le passage de Strabon
auquel il a fait allusion sans le rapporter, et
dont voici la traduction:
"D'autre part,
si bon nombre de charges et de
magistratures ont aujourd'hui encore,
dans les deux pays, les mêmes noms,
témoin l'ordre de Gérontes et celui de
Chevaliers, il y a pourtant cette
différence qu'en Crète les chevaliers
sont encore tenus d'avoir à eux des
chevaux (comme insigne de leur dignité),
d'où l'on peut inférer que l'institution
des chevaliers est plus ancienne en
Crète (où elle est restée fidèle à
son origine et où elle réalise encore
ce qu'indique son nom) qu'à Sparte, où
depuis longtemps, les chevaliers n'ont
plus de chevaux à nourrir." (Strabon, liv. X,
IV, 18.) |
Ce passage, auquel Fréret
a fait allusion, est un extrait textuel d'une
longue dissertation d'Ephore, citée par Strabon.
Dans cette dissertation, Ephore dit quelle était
la constitution crétoise, et il cherche à
prouver qu'elle a servi de modèle à celle de
Lycurgue: ce qui est fort possible, bien que les
déductions d'Ephore ne brillent pas toutes par
la logique, comme on a pu s'en apercevoir.
On voit d'ailleurs que ce passage n'indique
nullement que
" suivant les
règlements de Lycurgue, ceux que l'on
nommait cavaliers, à Sparte, servaient
à pied," |
comme le prétend Fréret.
Ce passage dit, au contraire, qu'à l'époque d'Ephore
ces cavaliers ou chevaliers n'étaient plus
obligés de nourrir des chevaux; ce qui signifie
qu'ils avaient été obligés d'en entretenir
dans des temps antérieurs, c'est à dire à l'époque
de leur institution par Lycurgue.
Connaissant la sévérité des lois de Lycurgue,
si ennemies du luxe, on peut en inférer que les
chevaux, dont ce législateur avait imposé l'entretien
aux chevaliers, étaient réellement destinés à
monter un corps de cavalerie; et nous pensons
même que cette cavalerie était primitivement
constituée par les trois cents chevaliers
lacédémoniens.
Si telle n'était plus la constitution de la
cavalerie spartiate à l'époque d'Ephore, né
quelques années après la bataille de Leuctres,
ni celle de Xénophon, qui avait plus de soixante-dix
ans lors de cette bataille, c'est à notre avis,
parce que les lois de Lycurgue étaient tombées
en désuétude.
Xénophon
consacre d'ailleurs, à l'exposé de ce dernier
fait, tout le quinzième chapitre du Gouvernement
des Lacédémoniens,
qui se termine ainsi:
" Il n'est
pas étonnant qu'on leur fasse ce
reproche (aux Lacédémoniens), puisqu'il
est évident qu'ils n'ont obéi ni aux
dieux ni aux lois de Lycurgue." |
Fréret s'est
encore trompé en disant à la page 329 du même
mémoire:
"Lors même
qu'après l'établissement des courses de
chevaux, la XXXIIIe olympiade, l'an 644 (lisez
648) avant Jésus-christ, et près d'un
siècle depuis la première guerre de
Messène, les autres grecs commencèrent
à cultiver l'art de monter à cheval,
les Lacédémoniens continuèrent
toujours de la négliger." |
Pausanias
dit au contraire:
"Après l'expédition
du roi des Mèdes (Xerxès) dans la
Grèce, les Lacédémoniens furent de
tous les Grecs ceux qui s'adonnèrent le
plus à élever des chevaux; car, outre
ceux dont j'ai déjà parlé, en voici d'autres
dont les statues sont après celle de l'athlète
acarnanien." |
Il nomme ensuite plusieurs
Lacédémoniens, vainqueurs aux jeux équestres d'Olympie,
parmi lesquels figure Xénargès, qui fut aussi
couronné à Delphes (Pausanias, descr
de la Grèce, VI, 2; tome III, p. 226).
Du reste, les
Lacédémoniens négligèrent si peu l'art de
monter à cheval que leurs femmes elles-mêmes le
cultivaient encore dans leurs gymnases à l'époque
d'Auguste, comme Properce
nous l'apprend dans son livre IIIe, élégie 14e,
où il dit de la femme spartiate:
" Tantôt
elle montre ses bras agiles qu'étreignent
les courroies du ceste, tantôt elle
lance le disque pesant en lui faisant
décrire un cercle. Elle pousse un
coursier autour du stade; elle attache
une épée sur sa cuisse de neige et
enfonce sur sa tête un casque d'airain;
semblable à une de ces Amazones, au sein
nu, dont le belliqueux escadron se baigne
dans les eaux du Thermodon.." |
Piétrement 1882.
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revers de monnaie macédonienne
sous Philippe II (BM)
Philippe II de Macédoine
(ph. Livius)
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Les Grecs avaient été sauvés de la domination
étrangère par un retour momentané à l'esprit
de concorde, par leur conduite héroïque et par
l'habileté de leurs chefs.
Le mal que leur avait fait la cavalerie
perse les avait éclairés sur la faute qu'ils
avaient commise en négligeant d'entretenir un
nombre suffisant de cavaliers.
Aussi la plupart des petits peuples grecs s'empressèrent-ils
de former une cavalerie proportionnée à leurs
ressources.
On en trouve la preuve à chaque page, en lisant
la relation de la longue guerre du Péloponèse,
commencée en l'an 431 avant notre ère et
racontée par Thucydide, ainsi que le récit des
guerres postérieures, dans les Helléniques
ou Histoire
grecque de Xénophon,
dans l'Histoire générale
de Polybe et dans la Bibliothèque
historique de Diodore de Sicile.
La cavalerie ne forma d'ailleurs jamais
qu'une minime fraction dans les armées de la
Grèce proprement dite.
Tous les peuples confédérés n'envoyaient pas
toujours de la cavalerie dans toutes les
expéditions; et la cavalerie de ceux qui en
fournissaient le plus égalait environ la
dixième partie de leur infanterie, comme on peut
le voir dans l'énumération des armées qui
combattirent sous les murs de Corinthe en l'an
395 avant notre ère. (Xénophon hist
grecq., IV, 2)
La proportion des cavaliers était bien plus
élevée chez les Thessaliens, qui pouvaient
mettre sur pied six mille cavaliers et dix mille
hoplites en l'an 374 avant notre ère (Xénophon
hist grecq.VI, 1).
La cavalerie thessalienne conserva du reste sa
brillante réputation parmi les Grecs.
Le roi de Sparte, Agésilas, avait, en l'an 396
avant notre ère, renforcé son petit corps de
cavalerie grecque par de nombreux cavaliers
recrutés en Asie Mineure, pour y combattre
Tissapherne et Pharnabaze (Xénophon
hist grecq. III, 4 )
Deux ans après, il rentre en Europe avec son
armée, traverse la Macédoine, arrive chez les
Thessaliens et les bat.
"Alors
Agésilas élève un trophée entre Prés
et le Narthacium et y demeure, enchanté
de cet exploit, vu qu'avec des cavaliers
recrutés par lui-même il avait battu le
peuple qui est le plus fier de sa
cavalerie ." (Xénophon hist
grecq.IV, 3 ) |
A la seconde bataille de
Mantinée, 362 ans avant Jésus-Christ,
" quand on a
connaissance de l'approche des ennemis,
les Mantinéens prient les cavaliers
athéniens de les secourir autant que
possible. Ils leur montrent dans les
champs tous leurs troupeaux, leurs
ouvriers, un grand nombre d'enfants et de
vieillards de condition libre.
Les Athéniens, en les entendant, se
mettent en Campagne, quoique à jeun, eux
et leurs chevaux.
Qui n'admirerait la valeur qu'ils
déployèrent en cette circonstance?
Bien qu'ils voient des ennemis beaucoup
plus nombreux, et que leur cavalerie ait
éprouvé un échec à Corinthe, ils ne
se laissent point arrêter par ces
considérations, ni par la pensée qu'ils
vont combattre des Thébains et des
Thessaliens, réputés la meilleure
cavalerie." (Xénophon, Hist
grecq., VII, 5.) |
Enfin à la bataille d'Issus,
333 ans avant Jésus-Christ,
" l'aile
gauche (de l'armée d'Alexandre) se
composait de la cavalerie thessalienne,
distinguée par sa bravoure et son
expérience militaire;" et deux ans
plus tard, en 331, à la bataille d'Arbelles,
" au second rang était placée,
sous les ordres de Philippe, la cavalerie
thessalienne, qui l'emportait sur toute
autre par l'habileté de ses manoeuvres". (Diodore XVII, 33
et 66.) |
Les Thraces d'Europe et
les Macédoniens avaient aussi des armées où la
cavalerie resta non seulement plus nombreuse en
fait, mais aussi en plus forte proportion par
rapport à l'infanterie, que dans les armées de
la Grèce proprement dite.
On lit, dans le second livre de l'Histoire
de la guerre du Péloponèse, par Thucydide,
qu'en l'an 428 avant notre ère
"Sitalcès,
fils de Térès et roi des Thraces
Odryses, fit une expédition contre
Perdicas, fils d'Alexandre, roi de
Macédoine, et contre les Chalcidéens du
littoral de la Thrace" (chap. 95). |
L'appât de la solde et
surtout celui du pillage avaient attiré dans son
armée des Thraces indépendants, des Gètes et
autres peuples voisins, tous archers à cheval
comme les Gètes (chap.96).
"Aussi dit-on
qu'elle présentait un effectif de cent
cinquante mille combattants, la plupart
à pied, un bon tiers à cheval. C'étaient
les Odryses, et après eux les Gètes,
qui avaient fourni le plus de cavaliers"
(chap.98). "Les
Macédoniens ne songèrent pas même à
se défendre avec leur infanterie; mais
ils firent venir de la cavalerie de chez
leurs alliés de l'intérieur; et,
malgré leur infériorité numérique,
ils attaquaient les Thraces toutes les
fois que ceux-ci donnaient prise. Rien ne
résistait au choc de ces cavaliers
habiles et cuirassés" (chap.100) .
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Ces alliés de l'intérieur
étaient des peuplades de l'intérieur de la
Macédoine qui étaient alliées ou sujettes de
Perdicas, mais qui avaient leurs rois
particuliers (chap99).
Enfin, après la conquête de la Thrace par les
Romains, Strabon
écrivait, dans le ciinquantième fragment de son
livre VII:
" La Thrace...peut
encore, malgré son extrême épuisement,
mettre sur pied une force de 15 000
cavaliers et de 200 000 fantassins." |
On voit d'ailleurs, dans
le douzième chapitre du Traité
de l'équitation de Xénophon,
que l'armure du cheval et celle du cavalier
étaient à peu près les mêmes chez les Grecs,
vers l'an 400 avant notre ère, que chez nos
chevaliers du Moyen Age.
Ce traité de Xénophon, joint à celui qu'il a
intitulé l'Hipparque ou
Le commandant de cavalerie,
prouve en outre que dès son époque les Grecs
avaient porté l'art de se servir du cheval
et d'utiliser la cavalerie à un degré de
perfection qui n'a jamais été dépassé.
On a seulement fait profiter, depuis, la
cavalerie aussi bien que l'infanterie, de la
découverte des armes à feu;
et l'on est aussi parvenu à rendre les
pieds des chevaux encore plus résistants en
revêtant leur face plantaire d'une lame
métallique attachée avec des clous.
Cette dernière invention, qui est probablement
due aux peuples germaniques, était restée
inconnue aux peuples civilisés de l'antiquité,
jusqu'à l'époque des premières invasions de l'empire
romain par les barbares relégués au delà de
ses frontières du nord.
Telle qu'elle
vient d'être exposée d'après les
documents les plus sérieux qui nous
soient parvenus, l'histoire de l'utilisation
du cheval en Asie Mineure et en Grèce
prouve que, dans ces deux pays, durant la
longue période comprise entre l'aurore
des temps historiques et les derniers
siècles de l'ère ancienne, l'usage
des chars de guerre et celui des chevaux
montés pour le combat ont été
successifs, au lieu d'être
simultanés comme dans d'autres contrées.
Cette conclusion semble à la vérité
contredite par un passage de Virgile et
par la façon dont quelques auteurs ont
présenté les histoires de Persée, de
Bellérophon et des Centaures.
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Piétrement 1882.
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[....] pour terminer ..., il importe de dire un
mot sur l'hippophagie en Grèce.
Les Grecs des temps historiques paraissent n'avoir
mangé le cheval que dans des circonstances
exceptionnelles, analogues aux deux suivantes.
Lorsque l'armée d'Alexandre se rendit du pays
des Paropamisades en Bactriane,
"les vivres
étant venus à manquer, il fallut se
nourrir de la chair des bêtes de somme,
et, qui plus est, la manger crue, faute
de bois pour la faire cuire" (Strabon, XV, II,
10). |
Plus tard, en traversant
les déserts de la Gédrosie,
"les soldats
(d'Alexandre) tuaient les bêtes de somme;
les subsistances venant à manquer, ils
se nourrissaient de la chair des chevaux
et des mulets, qu'ils assuraient alors
être morts de fatigue" (Arrien, Exp.
d'Alex., VI, 7). |
Mais il paraît certain qu'à l'origine l'hippophagie
était habituelle chez les Grecs comme chez les
autres peuples aryens; car ils avaient conservé
dans les temps héroïques la coutume de
sacrifier les chevaux : témoin Achille, qui
immole quatre superbes chevaux sur le bûcher de
Patrocle (Homère, Iliade,
XXIII, p 326).
On sait même par Lucien (Le
Scythe, 2) qu'au deuxième
siècle de notre ère les Athéniens avaient
encore l'habitude d'immoler des chevaux blancs
sur le tombeau de Toxaris.
Or, à l'origine, tout animal sacrifié était
destiné à être mangé
Piétrement 1882.
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