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HISTOIRE

Le chien dans l'Ecrit

sommaire4

Babylonie et Assyrie

..

Babylonie

Assyrie

et
digressions l'Eden et le Déluge


fichier Wikimedia. Commons : "En rouge : le cœur de l'Assyrie avec les principales villes assyriennes.
En orange : l'empire assyrien à son maximum territorial sous le règne d'Assurbanipal (668-627 av. J.-C.)".
auteur : Zunkir

babylonie

Babylonie

Selon Bottéro (Mésopotamie),

"Babylonie désigne couramment, depuis le milieu du IIe millénaire, la seule moitié méridionale du territoire mésopotamien.
L'Assyrie, moitié nord, quel qu'ait été son destin politique ultérieur, à partir de cette même époque avec ses capitales successives: Assur*, Kalhu* et Ninive, s'est toujours trouvée culturellement en dépendance de la Babylonie. ". J.Bottéro

La littérature babylonienne procède sans discontinuité de la première littérature suméro-akkadienne

.

Il est utopique de vouloir dater précisément la plupart des tablettes d'argile, d'autant plus que selon

Charles-F. Jean,op. cit., page précédente

[..] "les Mésopotamiens déployèrent une activité « scripturaire » très intense[...] aussi, pour ne citer qu'un exemple, à Tello dont les fouilles sont bien loin d'être terminées, a-t-on, trouvé pour un intervalle d'une dizaine d'années de règne, 30.000 tablettes environ. " Jean, (1924), introduction

Et selon Roux :

[..] "On estime aujourd'hui à environ un million le nombre de tablettes ... d'autres sont découvertes chaque année, .... sous la forme même où ils ont été écrits et, par conséquent, d'une authenticité incontestable. " Roux, 1995

Parlant des "pièces maîtresses de la littérature sumérienne et akkadienne" publiées , voici ce qu'en dit Roux :

[..] "ces poèmes, ces mythes et ces légendes souffrent d'un inconvénient majeur : ce ne sont jamais que des pièces isolées d'un puzzle, ...qui ne peuvent être pleinement compris et appréciés faute d'être localisés sur l'échelle du temps .[..] " Roux, op.cit. p14

 


Les textes de ces périodes sont pour beaucoup des transcriptions de traditions orales ancestrales

préhistoriques
(au sens d'avant l'Ecriture)

 


hlitt/G.Roux

NDLR: notons ici pour info que selon Jean,

"[...] ....l'effort principal, sinon exclusif, consistait à conserver les souvenirs de l'antiquité; toute œuvre nouvelle ne sera guère que la répétition, la réédition des idées traditionnelles sur le monde ou sur la vie, ou bien leur adaptation aux besoins du moment." Jean

La littérature babylonienne est subdivisée par les spécialistes en 2 ou en 3, selon les époques

Paléobabylonienne d'abord, dite encore classique ou "hammurabienne" car plus ou moins centrée sur le règne d'Hammurabi (v.-  1792-1750), Compte tenu des problèmes de datation, c'est la littérature akkadienne d'avant l'époque kassite....
On peut y classer tous les textes en akkadien dès l'époque suméro-akkadienne.

Kassite et postkassite (XVe s.-XIe s. av. J.-C.)

Néobabylonienne du Ier millénaire, d'oeuvres dont certaines bilingues (sumérien/akkadien), dont la langue sumérienne a évolué et peut être remplacée par la langue populaire "emesal ", dite aussi "langue des femmes"*
*(NDLR: entendez: "du peuple", tout un programme de réflexion !!!)
.

Notons là une certaine confusion, car la qualification de néobabylonienne peut avoir été réservée, en littérature, comme elle l'est en Histoire, à la période babylonienne d'après la chute de l'Assyrie.

haut

Littérature babylonienne classique

Selon l' encyclopédie Larousse en ligne, : à cette époque

[...] les œuvres majeures de la littérature sumérienne, épique ou hymnique, sont soit négligées, soit remplacées.... par des versions akkadiennes.[...] web

Exemple : Jean

" Le Déluge, d'après la recension de Nippur
Nous avons actuellement au moins six recensions assyro-babyloniennes du déluge....
[..] De la recension de Nippur nous avons un fragment qui date, d'après Hilprecht, de la dynastie d'Isin...
Elle représente la plus ancienne version sémitique du déluge faite sur un original sumérien [..]" Jean, 1924, p24

Abondante donc, symbiotique puis héritière de la sumérienne, la littérature babylonienne classique est faite de genres divers.
pour résumer :

 
Documents commerciaux et juridiques pour la vie matérielle de la société (ex : le code d'Hammourabi)
Historiographie, à laquelle participent
- 1- les inscriptions royales,
dont
Roux, (p 211) précise toutefois, qu'elles sont en sumérien en Basse Mésopotamie jusqu'au règne d'Hammurabi, alors qu'au Nord, elles sont en akkadien
- 2- le genre épistolaire, dont une partie, les lettres privées, intéresse les autres sphères d'activité
Littérature divinatoire ou de la prédiction (ou "littérature des "voyants":
Jean p125); voyance qui va marquer l'époque de façon indélébile à travers l'héritage des "Mages chaldéens"

Genre poétique

le tout imprégné de la religiosité qui fait s'imbriquer l'une dans l'autre les catégories réliées toutes par :

"[..] Le caractère religieux .....
La plus aride quittance, le plus vulgaire
contrat eux-mêmes sont religieux : religieux en ce sens qu'ils étaient rédigés par des clercs et conservés aux archives du Temple ; religieux encore, parce que les noms propres qu'ils renferment ont toujours un sens religieux.
Le sentiment
religieux pénétre plus encore la poésie lyrique, l'épopée, la médecine, l'astronomie, l'histoire. [..] Jean Introduction

Jean relève en outre qu'il n'y a presque aucun nom d'auteur dans cette littérature.

Il met aussi l'accent sur la relativité de nos classements chronologiques en remarquant qu'un certain nombre d'écrits de l'époque seront classés dans la littérature assyrienne, uniquement par le fait qu'on les aura trouvés dans la célèbre bibliothèque d'Assurbanipal... dans les ruines de Ninive.

exemple : le poème du "Juste souffrant" :

[..] " parce que nous n'en possédons jusqu'à présent qu'une copie de la Bibliothèque d'Assurbannipal, nous ne le citerons qu'aux temps Assyriens, afin de ne pas avoir l'air de vieillir nos documents sans raison suffisante ...[..] Jean p28

Nous faisons de même avec "l'épopée de Gilgamesh" lorsque nous nous référons à la version ninivite dans Bottéro, Gallimard, 1992 ...

La réflexion peut s'appliquer à un grand nombre de pièces du "puzzle" .. dont les morceaux et versions multiples ont traversé les siècles...

Il faudra encore de nombreuses études pour les classer et replacer dans leur contexte chronologique..(si possible)... et même linguistique...car il n'est pas rare, par exemple, que certaines oeuvres rédigées en akkadien, soient attribuées, en l'état, au mérite des Sumériens.

où il est question de chien

Littérature divinatoire

Extraits de Mésopotamie (op.cit.), Jean Bottéro:

"[...] Ils étaient convaincus que le monde ...dépendait totalement de puissances supérieures, ...
Ces dieux,... sur le modèle des hommes ....

Rien de ce que nous ignorons, ... n'échappait à leur connaissance et à leur décision. Mais il leur était loisible de le notifier à leur gré aux hommes : c'est tout le sens de la divination." Bottéro (p198)

Cette communication des dieux avec l'Homme passe par l'intermédiaire du "barû", "voyant" (medium) qui la reçoit et l'interprête.

Pour répondre aux questions possibles:

[..] les barû constituèrent peu à peu des Collections dans lesquelles ils consignaient le plus possible de phénomènes observés ou observables, avec leur signification,...
[..] De là vient que la Littérature que nous appelons "des Voyants" est énorme.
Jean p218

Exemples concernant le chien

Présages tirés des animaux, ...
  Chiens. - « Si un chien dans la maison de l'homme éteint le feu qui y est, dans cette maison il y aura révélation. » - « Si un chien blanc sur un homme mingit, cet homme l'épreuve s'emparera de lui »
-Si un chien est de constitution mâle et femelle, ce pays prendra de l'extension (•). - « Si un chien entre dans un palais , se couche sur un trône, ce palais sera bouleversé . » _ « Si un chien blanc entre dans un temple, ce temple son fondement sera stable ." -
Si des chiennes mettent bas un être humain, cette ville exercera la domination, la farine du pays sera altérée. Jean p227

Il y a des choses bien plus étranges encore à ce sujet.

Passons ....

Présages tirés des naissances

  "si une femme enfante un chien le maître de la maison mourra, et cette maison sera détruite, le pays perdra la raison, un dieu ravagera."

"si une femme enfante, et que l'enfant ait une tête de chien, la ville changera de place; il y aura des massacres dans le pays."

Jean p228-229

De nombreux présages sont du domaine de l'oniromancie: "valeur divinatoire des songes" (Bottéro op.cit. p197) relativement moins importante selon cet auteur chez les anciens Mésopotamiens que dans d'autres civilisations mais tout de même bien développée chez eux... comme on peut le constater dans la littérature poétique.. et aussi par l'existence du

Traité divinatoire "dZiqîqu, dZiqîqu" :

[..] Cette œuvre, intitulée — comme c'était la coutume — par son incipit: ^Ziqîqu, ^Ziqîqu, «Ô dieu-des-songes ! ô dieu-des-songes... », devait dans son intégralité comporter onze tablettes ...

[..] extrait...:

  " Si (un homme rêve qu'il mange) de la viande de chien : attaque; désir non atteint.
Si.... de blaireau (?)
(en akkadien: chien-mortier) : attaque.

Bottéro p 214-215

N.D.L.R. noter particulièrement l'appellation du blaireau composée à partir de celle du chien.....Nous retrouverons le même système dans une autre littérature...

.

Genre poétique

Poème de la Création : Enuma éliš

Selon
Jean :

" Voici un poème — d'un millier de lignes en sept sections écrites sur sept tablettes — qui exerça une particulière influence sur l'activité intellectuelle des Babyloniens et des Assyriens. Il fut lu et relu, copié, recopié, commenté, donné comme thème d'exercices aux écoliers, utilisé dans la littérature religieuse "
[..]
copié au 7eme siècle avant J.C. pour la Bibliothèque d'Assurbanipal, à Ninive; mais ce n'est pas à cette époque qu'il fut composé, car, tel qu'il se présente à nous, il a manifestement pour but de glorifier, non pas le dieu de Ninive, Asur, mais Marduck, le dieu particulier de Babylone.Il est donc bien clair que les scribes ninivites firent simplement des copies de vieilles tablettes babyloniennes.

[..] composé de quatre morceaux
bien distincts qui durent exister* d'abord séparément, ...

note * Quelques-uns certainement; les autres, probablement

note(2) * " On l'appelle aussi Enuma éliš parce qu'il commence par ces deux mots.... "

Jean, op. cit. p92-95

déchiffré premièrement en 1902 par L.W. King

Telle que nous est présentée la copie ninivite,

[..] Notre poème a pour but de justifier la prétention de Marduck à la première place parmi les dieux et de son temple à la primauté sur les autres temples .
[..] L'hymne à Marduck, sorte d'éloge ou de litanie de ses cinquante attributs, a été incorporé comme une conclusion naturelle du poème à laquelle on ajouta un épilogue..."
Jean p94-95

D'autres auteurs présentent cet hymne comme n'étant probablement pas antérieur à la fin du 2eme millénaire (après l'époque kassite), ce qui n'est pas en accord avec la thèse ci-dessus.

___________

"[..] Nous sommes à l'origine des choses ; rien n'existe encore, pas même les dieux. Dans ce néant apparaissent les principes cosmiques : Apsu (= l'Océan)* et Tiamat (=la Mer) d'où sortent tous les êtres, y compris les dieux :...

d'abord Mummu, le premier-né...: c'est la triade primitive
Les dieux se multiplient; alors - débuts de l'Histoire mythologique - ils commencent à se mutiner et à troubler la triade primitive....

  34. ils échangèrent des vues au sujet des dieux leurs enfants

Apsu et Mummu doivent commencer l'attaque; mais le sage Ea triomphe, grâce à ses opérations magiques.

Tiamat en fureur veut venger les vaincus :

  121. Elle fit surgir les serpents, les monstrueux reptiles et les Lahamu,
122.
les monstres-tempêtes, les chiens furieux, les hommes-scorpions.
126. En tout onze monstres de cette sorte elle créa .

Jean p 97

Commentaire

les termes de la tablette akkadienne ont été traduits diversement:
exemples:
En anglais, selon
King : "raging hounds", et selon Timothy J. Stephany, "Enuma elish", 2013, de même que selon Dennis Bratcher (d'après www. arapao.org): "mad dog"
En français, selon
Jean (reprenant la traduction de P. Dhorme, Jean p96, note 1) : chiens furieux
selon
Bottero/Kramer dans «Lorsque les dieux faisaient l’homme», éd.1993, d'après www. arapao.org : des Molosses-enragés
.
Notons que ces deux traductions en français expriment
deux états très différents que peut présenter le chien

en effet, un chien sain peut être menaçant, agressif voire mordant (le plus souvent par auto défense préventive)
mais un
chien enragé s'entend d'un chien atteint de la rage, qui est l'encéphalopathie virale que l'on sait.
Dans la rage furieuse, qui s'oppose à la rage paralytique, le chien bave, fuit l'eau et attaque n'importe qui inconsidérément

On comprend qu'il soit alors assimilable à un monstre d'autant plus redoutable dans les faits que sa morsure transmet cette effroyable maladie..


Le webmaster d'
arapao.org propose quant à lui : Chien-Fou

alors qu'on trouve sur le site leveildenout.canalblog.com :

Uridimmu (ou chien écumant et terrifiant), ce qui renvoie bien l'image du chien atteint de rage..."furieuse"

le contexte de la fureur de Tiamat plaide bien en faveur de cette interprétation

B.Q. 2014

poème d'Atrahasis (le Supersage)
ou poème "de la Création et du Déluge"
note "(1) publié par Arno Poebel .....Philadelphie 1914 . "

" Une tablette originaire de Nippur, divisée en six colonnes, fragmentaires, qui peut remonter à la deuxième moitié de la dynastie babylonienne, contient un poème sumérien qui, au point de vue de la forme... ressemble aux compositions les plus reculées......." Jean p105

En gros: Les deux premières parties traitent de la création de l'Homme pour remplacer les Igigi ("en grève"(ndlr)", puis de sa destruction quand il devient envahissant par sa prolificité.....
Atrahasis déjoue plusieurs de leurs plans...jusqu'à ce qu'Ellil décide du Déluge... et que, prévenu en songe par Ea, le héros imagine de sauver une partie de la création grâce au fameux bateau...
Il n'est pas précisément question de chiens, sauf qu'on peut sans doute compter ceux-ci au nombre des passagers de toutes espèces.

Mais, il est fait allusion à eux dans la Tablette III qui décrit le cataclysme et dit que même les dieux en sont si impressionnés qu'ils se réfugient au plus haut des cieux d'Anu
ils se pelotonnent en tremblant comme des chiens

Voici la traduction en anglais de ce passage par Timothy J. Stephany dans Enuma Elish, Createdspace, USA, 2013, p100 et 101

  [...] "Even the gods were alarmed by the full force of the flood
They retreated to the safety of the highest heaven of Anu
Where they cowered
like dogs from the crash of the deluge"...Stephany 2013

Cette phrase se retrouve textuellement dans l'épopée de Gilgames

Epopée de Gilgamesh

écrit :


par les deux auteurs cités transcriptions/page précédente

[...]" Gilgames, dont le nom est encore inexpliqué (4), réalise tous les exploits que rêvait l'imagination des peuples antiques....
Note (4) On lisait autrefois Izdubar les signes (AN) IZ-TU-BAR. Un Syllabaire (Bab. and Or. Rec. IV, 264) donne la lecture (ilu) Gi-il-ga-mes qui est une abréviation de Gi-bil-aga-mis et Gi(s)-bil-ga-mis. On trouve (CT XII, PI. 50 = K. 4359,1.17) l'équation Gis-hi-mas-si = Gis-bil-ga-[mes]. Dans nos deux fragments, nous avons AN-GIS ou (îlu) Gis. Ce sont là des variantes du nom de notre héros qu'on lit explicitement Gilgames dans une inscription de Sin-gâmil d'Uruk, un peu avant Hammurabi (tablette B, 1. 6, dans ISA, p. 317).." Jean, 1924, p108

Pour cette époque hammurabienne, Jean cite p109 les fragments suivants: Tablette de Pennsylvanie, Tablette de Yale, et le Fragment Meissner, qui seront insérés par Jean Bottero dans son ouvrage:

L'Epopée de Gilgames, Le grand homme qui ne voulait pas mourir, Gallimard, 1992

La version la plus complète qui fait l'objet de l'ouvrage de Bottéro, a été retrouvée dans la bibliothèque d'Assurbanipal et c'est pourquoi elle est qualifiée de "ninivite"

"[..] état sous lequel nous connaissons le mieux cette oeuvre...Des fragments plus anciens... donnent à croire qu'il a dû exister une (ou plusieurs?) version(s) ou édition(s) paléo-babylonienne(s) de l'oeuvre.
Plus tard, l'on a ajouté à l'ensemble, en une "XIIème tablette", la traduction akkadienne d'une des légendes
en sumérien: "Gilgames, Enkidu et l'Enfer"....." Bottéro, Mésopotamie (op.cit. ) p 532, Lexique sommaire

___

"[..] LE HÉROS : GILGAMES
Son nom, vraisemblablement sumérien et qui, en cette langue, devrait s'être articulé
Bilga.mes, est composé d'éléments répandus dans l'onomastique locale antérieure à la moitié du IIIe millénaire.....

"[..] L'Épopée présente ce Gilgamesh comme « roi d'Uruk», ... ( Erek)
"[..] la
Liste sumérienne des rois, ....donne donc Gilgames pour le cinquième souverain de la première dynastie qui aurait détenu l'autorité à Uruk, après le Déluge,...." Bottéro, l'Epopée p22

___

[..]... propagée avant tout par la voie orale...sa légende héroïque n'a dû cesser ...de s'enrichir et de se compliquer avec le temps.
Nous n'avons pas les
moyens d'en contrôler le développement avant la fin du IIIe millénaire
[..]...IIIe dynastie d'Ur. Ses souverains,
.... avaient pour Gilgames un grand faible déclaré : ils le prenaient explicitement pour modèle et protecteur... le roi Sulgi (2094 -2047), rappelle même, dans une sorte d'hymne, les succès militaires de Gilgames ...."Bottéro, l'Epopée, p26

Du début du IIeme millénaire nous avons au moins cinq poèmes sur le sujet

"[..] Mais il y a gros à parier que la plupart avaient vu le jour plus tôt : au temps du royaume d'Ur, sinon plus anciennement encore. C'est le cas d'un certain nombre de pièces qui ont Gilgames pour héros, et qui tirent parti de son copieux folklore." Bottéro, l'Epopée p27

Selon Bottéro

p 126: Tablette VI: du Taureau céleste:
après que le héros soit revenu à Uruk, Istar tombe amoureuse de lui ; celui-ci l'éconduit et cite tous les maux qu'elle a fait endurer à ceux qui se sont laissés séduire:
en particulier :
Le Pâtre "Tu as aimé le Pâtre,
Le Berger-chef^
[Qui] te préparait assidûment
Galettes (cuites) sous la cendre,
Et [chaque jour
Te sacrifiait ses (? che) vrettes,
(Puis, tout à coup,) tu l'as frappé
Et changé en loup,
Si bien que ses propres valets
Le pourchassent,
Et que ses chiens
Lui entament l'arrière-train ! "

p 191 Tablette XI: L'échec et le retour à la vie ordinaire

Réaction des dieux "Les dieux
Etaient épouvantés par ce Déluge :
Prenant la fuite,
Ils grimpèrent jusqu'au plus haut du ciel
,
Où, tels des chiens, ils demeuraient pelotonnés
Et accroupis au sol....."

Selon Jean op.cité

p179:
[..]"D'un poème de Gilgames, rythmé, en douze tablettes, ....nous avons plusieurs exemplaires (2)
(
2) Toutes sont en écriture assyrienne, sauf..." Jean

p181

[..]"II.- ENKIDU maudit la courtisane d'Erek. Elle est seule punie; vêtue d'une peau de chien, elle doit errer dans la campagne....." Jean

Selon Bottéro

p263
[..]"
Tablette d'Ur
puis la Courtisane
10
Quand il eut mau[dit] le Cha[ss]eur
(Tout) son (soûl],
Lui [vint env]ie de [mau]dire aussi
La Courtisane

C'est la seule allusion que l'on trouve dans l'Epopée Bottéro à une malédiction de la Courtisane

..

Le dialogue pessimiste

Intéressante pièce littéraire faisant l'objet de discussions multiples des spécialistes (voir wikipedia): à coup sûr, à la fois mal nommée et mal classée...

Dans Bottéro op.cit.

III Chasse Esclave, à mes ordres!
Voilà, maître, voilà!
En route! Va me quérir et m'atteler le char:
je pars chasser!
— Vas-y, maître, vas-y?
Le chasseur a de quoi s'emplir la panse!
Le chien courant brise les os (de la proie)!

Le [corbe]au [...]
Eh bien, non, esclave, je ne [pars} point
chasser!
N'y va pas, maître, n'y v[a pa]s
Le destin du chasseur est versatile!

Le chien courant (finit par) se bris[er les de]nts!

[...]

~

VIII Culte [...]

55 [...)
Eh bien, non, esclave,
je ne veux pas faire de
sacrifice à mon dieu!
— N'en fais pas, maître,
n'en fais pas!
60 Tu habituerais ton dieu à
te suivre comme un,
chien, |
Te réclamant «Mon
culte!-» ou «Ne me
consultes-tu pas ? » ou
n'importe quoi d'autre!

[...]

Bottéro, p 459-462

Commentaire

Noter particulièrement le choix du traducteur en français de traduire "hunting dog" de la transcription anglaise par "chien courant"

cf le site gatewaystobabylon.com

By Lishtar

  The hunting dog will break the bones of the prey!

.

haut

Littérature des époques kassite et postkassite (XVe s.-XIe s. av. J.-C.)

Selon l' Encyclopédie Larousse (en ligne)

[..] L'époque kassite et postkassite (XVe s.-XIe s. av. J.-C.) est la seconde – et dernière – grande période de création dans l'histoire de la littérature babylonienne, et cela malgré des conditions politiques et économiques moins brillantes qu'à l'époque paléobabylonienne.
L'activité scribale est alors caractérisée par le souci de préserver l'héritage acquis et de maintenir vivante la tradition. Cela conduit à fixer définitivement, en des
« versions canoniques », le texte des créations antérieures...encyclopédie Larousse en ligne

On ne peut pas parler de littérature kassite car, comme le souligne sur le web (www.clio.fr) Dominique Charpin,

"[..] Les Kassites ou l'histoire d'une acculturation réussie...."...
....une lettre parle de leur interprète, ce qui montre qu'ils n'étaient pas capables de parler le babylonien...."
Charpin,

Et selon Roux,

"[...] Contrairement aux Hurrites, ils n'ont rien écrit dans leur propre langue ....
[..]
Les Kassites sont apparus pour la première fois en Mésopotamie à l'époque babylonienne ancienne sous forme d'individus isolés ou en groupes, puis de tribus appelées « maisons » (en akkadien bîtâtum) de tel ou tel chef. Les plus anciennes références datent d'environ -1800.... Roux p 287

Les lettres d'El-Amarna

" [...] Ces documents sont d'une importance capitale ...
Elles nous font constater ... qu'au 14e siècle av. J.-C. , le babylonien était la langue officielle pour la correspondance ...."
Jean p 139

Le koudourrou

" [...] Les kudurru sont des duplicata de titres de propriété....
On connaît deux sortes de Kudurru: les uns sont des pierres dures roulées ou galets ovoïdes, et les autres des stèles taillées
...
...Tous les kudurru connus jusqu'à ce jour sont de provenance babylonienne." Jean, 1924, p 150

.

Kudurru de Méli-Shipak (-1188-1174) Lo
description détaillée sur www.ezida.com

 
Kudurru de l'époque de Nabu-Mukin-Apli (-945) BM

Littérature akkadienne néobabylonienne

Selon Jean :

[..] .." L'activité littéraire fut grande, en particulier sous Nabuchodonosor, le véritable fondateur de l'empire néo-babylonien, et aussi sous Nabû-na'id. A cette époque, les textes historiques, les textes religieux et les textes astronomiques sont ceux qui méritent le plus de fixer l'attention.Jean Introduction pXVII

On change alors d'époque, puisqu'on compte dans cette littérature tous les textes provenant de Babylonie jusque sous les rois perses, Cyrus, Cambyse, Artaxerxès I et DariusII... là commence une autre histoire et on peut par conséquent exclure ce paragraphe de la présente page .

haut

Assyrie

Selon Jean:

[...].."quand les Assyriens feront parler d'eux, les Babyloniens auront, depuis longtemps, atteint leur apogée; leur littérature sera largement répandue dans tout l'Orient, les scribes d'Assur n'y ajouteront à peu près rien : ils ne feront guère qu'imiter ou même copier textuellement." .... Jean intro pXIV

Selon l'encyclopédie Larousse en ligne :

[...].."Il est pourtant un domaine dans lequel les Assyriens développèrent, sinon inventèrent, une tradition nationale, celui de la littérature historique. Certes, les Babyloniens eurent aussi la curiosité de l’histoire, et c’est chez eux, mais à l’extrême fin de leur civilisation, que l’on trouve, dans de grandes Chroniques, ce qui, en Mésopotamie ancienne, se rapproche le plus de notre conception de l’histoire. Mais, auparavant, ils n’avaient guère produit que des documents historiographiques, des histoires édifiantes et de brèves séries discontinues d’événements marquants.

De bonne heure, au contraire, la tradition assyrienne débuta par des textes commémoratifs de construction de temples ou de palais, dans lesquels les rois en vinrent à mentionner leur activité guerrière. ...
Ce genre trouva son apogée dans les inscriptions officielles, annales, fastes, histoires militaires ou lettres à Dieu des grands conquérants de la dynastie des Sargonides.... "
Encyclopérie Larousse en ligne

Bien qu'ils aient été précédés dans l'édition des inscriptions commémoratives par les suméro-akkadiens,
les Assyriens se sont donc fait une réputation dans le genre littéraire historique.


Si l'on veut consulter un échantillon des fameuses Annales de ces rois
eporedo\hteantiq\hac3.htm et p. suivantes

Roux en dira que :

" [...] Ce sont des textes de ce genre qui ont donné aux Assyriens une épouvantable réputation. Certains historiens de la vieille époque en ont été profondément offusqués et l'un d'entre eux n'hésita pas, en 1906, à terminer une longue diatribe en disant : «II faut feuilleter l'histoire entière du monde pour trouver ça et là, dans les époques les plus troublées, des crimes publics dont l'odieux soit comparable aux horreurs commises journellement par les Ninivites au nom de leur dieu. »
Depuis, bien d'autres textes sont sortis du sol, qui nous montrent les Assyriens sous un jour beaucoup plus nuancé, et avec tout ce que nous avons vu et voyons encore dans notre siècle dit « civilisé », il nous est difficile de nous ériger en juges...."
Roux p335

Mais pour le reste

Selon Jean

[...].." Le siècle qui voit le déclin de l'Assyrie est marqué par une vie littéraire très intense, mais l'Assyrie ne crée rien : l'unique but du travail intellectuel est de recueillir les données de la tradition, aussi se borne-t-on à revivre la vie intellectuelle du passé, c'est-à-dire, en réalité, la vie babylonienne. ".Jean intro pXVI

[...].."Sargon, Sennacherib, Asaraddon — de 728 à 668 — avaient déjà constitué dans la capitale assyrienne (*) une sorte de « Bibliothèque » ; mais Asurbanipal donna de tels développements à cette institution qu'il peut en être appelé le fondateur."
(*) Exactement à Kuyundjik . p162

[...].."Les scribes tantôt copiaient textuellement leurs documents, tantôt y ajoutaient une traduction, des notes explicatives en assyrien à tel texte suméro-akkadien; des « épigraphes », c'est-à-dire de petites inscriptions sur tablette d'argile destinées aux sculpteurs ou autres artistes qui devaient les graver sur les bas-reliefs, les statues, les chars, etc. ;" Jean p163

.

La dernière phrase de la citation ci-dessus introduit un aspect de l'Ecrit assyrien qui nous intéresse spécialement,
à savoir les inscriptions sur les statuettes des chiens sous Assurbanipal :

D'après Fernando Casolino et Stefano Gandolfi, Il Cane corso, Gruppo Ugo Mursia éditeur :

"[...] Statuette di terracotta, raffiguranti molossi in atteggiamento minaccioso, venivano utilizzate per tenere lontani dalle case gli spiriri maligni. Esse venivano disposte davanti all'uscio, in genere, nel numero di cinque per parte e recavano scritto sulla parte sinistra il nome del soggetto che esprimeva la forza ed il carattere dell'animale, quali: "Non esitare, lavora ganascia"; "Conquistatore del nemico"; "Azzanna gli oppositori"; «Eliminatore dei vigliacchi"; "Forte abbaiatore»; « L'acquirente urlante».[...] "

Sans connaître particulièrement l'italien nous pensons comprendre que ces statuettes, représentant des molosses en attitude menaçante, étaient utilisées pour écarter de la maison les esprits malins, en étant disposées par cinq face à la porte d'entrée,

elles portent inscrit sur le côté gauche le nom du sujet évoquant sa force et son caractère


tels que ""actif de la mâchoire (ou dent), sans hésitation", "tombeur de l'ennemi (ou du nuisible?), "mordeur ("agrafeur") d'adversaires",
"liquideur de lâches", "gros aboyeur" ou "aboyeur à voix forte", "chien de prise hurlant"...
(avec mélange de langues et notions cynégétiques hispano-portugaises et françaises on pourraît dire, pour le dernier nom cité : "fila"
et "hurleur")

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Post Scriptum : en Digressions

En cherchant des références au chien nous avons "survolé" l'Histoire (littéraire) de ces époques anciennes et trouvé bien d'autres
sujets ...
intéressants

Tels que:

Selon Jean, op. cit.:

Les canaux de l'eden (*).

Vers 1250 av.J.-C., on signale 138 canaux creusés à travers l'eden ou plaine luxuriante de Nippur. Autant qu'on peut en juger, le Nâr-essuti était un canal principal dont d'autres canaux moins importants dérivaient les eaux dans les cantons qui sont nommés dans le fragment de tablette qui nous est conservé.

(*) Texte dans L.LEGRAIN, Historical Fragments, petit in-4° , Philadelphia, 1922, n°78, Pl. XXX

Jean, p160

Selon Werner Keller, La Bible arrachée aux sables, Le Livre Contemporain - Amiot-Dumont, 1956

Extrait: Chapitre III, texte intégral

LES TRACES DU DÉLUGE
  Et le Seigneur dit à Noé: « Entre dans l'arche, toi et toute ta maison... »
Car dans sept jours je ferai pleuvoir sur la terre, pendant quarante jours et quarante nuits, et j'exterminerai de la surface de. la terre tous les êtres que j'ai créés.
Et, au bout de sept jours, les eaux du
déluge se répandirent sur la terre
(Genèse,VII, 1,4, 10).

Le mot déluge évoque en notre esprit le souvenir de la merveilleuse histoire de l'Arche de Noé qui, au fur et à mesure de l'expansion du christianisme, s'est imposée dans le monde entier. Toutefois, si cette relation du déluge est la plus connue, cela ne veut pas dire qu'elle soit la seule.
Chez des peuples de différentes races, il existe diverses traditions qui font état d'une inondation colossale. C'est ainsi que les Grecs se sont transmis l'histoire de Deucalion ; chez les populations du continent américain, diverses légendes, qui avaient cours bien avant le voyage de Christophe Colomb, conservaient le souvenir d'une catastrophe du même genre ; de même en Australie, aux Indes, en Polynésie, au Tibet, au Cachemire et en Lituanie, le souvenir d'une sorte de déluge s'est perpétué jusqu'à nos jours. Est-il possible, qu'il s'agisse uniquement de légendes sans fondement, de récits purement inventés ?
On est amené à supposer que toutes ces traditions ont leur
origine dans un même cataclysme mondial, qui se serait produit, à une époque, où la terre était déjà habitée par des êtres doués d'intelligence et capables de se rendre compte de l'événement, et dont certains, ayant survécu, auraient ainsi pu en transmettre le souvenir aux générations suivantes.
Les géologues ont cru pouvoir expliquer le mystère en faisant
état des alternatives de périodes froides et de périodes chaudes de l'évolution de notre globe. A quatre reprises, le niveau des mers s'éleva considérablement à la suite de la fonte progressive de la croûte glaciaire qui recouvrait les continents et qui atteignait par endroits une épaisseur de plusieurs milliers de mètres. Les masses d'eau ainsi libérées modifiaient considérablement l'aspect de la planète et envahissaient les régions côtières basses et certaines vallées en y détruisant tout, hommes, bêtes et végétation. Cependant, tous les essais d'explication restaient du domaine de l'hypothèse. De telles spéculations ne sauraient satisfaire les historiens, qui ont l'habitude d'exiger en toutes circonstances des preuves matérielles.
En l'occurrence, il n'y en avait aucune, car aucun savant, quelle que fût sa discipline, n'avait pu en découvrir. La situation en resta là jusqu'au jour où le hasard — à l'occasion de recherches qui avaient un tout autre but — permit à des archéologues de donner une preuve absolument formelle du déluge. Et cela se passa en un lieu que nous connaissons déjà : au cours des fouilles d'Ur !

Depuis six ans, la mission anglo-américaine était occupée
aux fouilles du Tell al-Muqaiyar qui, entre-temps, avait pris l'aspect d'un énorme chantier. On y remuait des tonnes de sable, et celui-ci était soigneusement examiné et trié ; des déchets vieux de plusieurs milliers d'années étaient manipulés comme le minerai le plus précieux. Le travail assidu de six saisons avait déjà donné de notables résultats. Aux temples sumériens avec 'leurs entrepôts, leurs manufactures et leurs tribunaux, aux demeures de patriciens, avaient succédé, entre 1926 et 1928, des découvertes d'une, richesse telle que tout ce qui avait été fait auparavant se trouva éclipsé.
Il s'agissait des sépultures royales d'Ur : Woolley avait ainsi
baptisé les tombes des notables sumériens, découvertes dans une butte de quinze mètres de haut située au sud des temples et dont la richesse et la magnificence étaient au vrai sens du mot royales. Les caveaux ressemblaient à de véritables trésors, bourrés qu'ils étaient de tout ce qu'Ur possédait de plus précieux : des coupes et des gobelets en or, des vases aux formes merveilleuses, de la vaisselle de bronze, des bas-reliefs en mosaïque de nacre, de lapis-lazuli et d'argent voisinaient avec la poussière des morts. Des harpes et des lyres étaient appuyées aux murs. Un jeune homme, « héros du pays de Dieu » à en croire une inscription, portait un casque d'or. Un peigne, d'or enrichi de lapis-lazuli ornait la chevelure de la belle Sumérienne Shub-ad — " Lady Shud-ad ", comme l'appellent les Anglais. Même les fameuses chambres funéraires de Nefertiti et de Toutankhamon n'étaient pas plus riches : notons à ce propos que les célèbres "sépultures royales d'Ur " leur sont antérieures de plus de mille ans.
Les puits devenaient de plus en plus profonds et, au fur et à mesure de l'avancement des forages, de nouvelles couches de dépôts contenant des débris de vases divers étaient découvertes. Chose curieuse, les archéologues constatèrent que les objets en céramique restaient toujours identiques à ceux qui avaient été trouvés dans les « sépultures royales ». On pouvait en déduire que, durant des siècles, la civilisation sumérienne n'avait pas subi de changements notables : elle semblait avoir connu très tôt un degré fort élevé de développement.
Lorsque, après des jours et des jours d'efforts, des ouvriers
vinrent annoncer à Woolley qu'ils avaient atteint une couche de terrain vierge, il alla se rendre compte de la chose par lui-même et constata que ses hommes avaient raison ; subitement, il n'y avait plus aucune trace du passage de l'homme dans la terre : quelques objets encore, des traces d'incendie, puis plus rien. «Enfin», pensa d'abord Woolley. Puis il examina soigneusement la nouvelle couche de terrain et s'aperçut qu'il s'agissait d'argile, identique, à celle de certaines a!luvions. Ne comprenant pas comment ce phénomène avait pu se produire, l'archéologue chercha une explication et pensa qu'il devait s'agir de dépôts laissés par l'Euphrate, puisque le delta du fleuve empiétait déjà sur le golfe Persique, comme il le fait encore de nos jours en progressant de vingt-cinq mètres par an. Du temps de la première apogée d'Ur, l'Euphrate passait si près de la ville que la tour en gradins se reflétait dans ses eaux. Du haut du sanctuaire, on apercevait, le golfe : c'est donc sur les alluvions argileuses du delta qu'avait du se faire le premier établissement humain.
A la suite de mesures et de calculs très précis, Woolley fut amené à tirer de cette découverte des conclusions tout à fait différentes de celles qui s'étaient d'abord imposées à son esprit. « Je constatai que nous étions à un niveau beaucoup trop élevé par rapport à celui de l'eau du fleuve pour qu'il ait pu s'agir de l'île sur laquelle la première agglomération fut établie », raisonna le savant. Par conséquent, il ne pouvait plus être question d'alluvions laissées par l'Euphrate. Mais alors, de quoi s'agissait-il ? Aucun des collaborateurs de Woolley ne sut trouver une explication plausible. On décida donc de continuer à creuser. Impatient, l'archéologue assista aux travaux. La terre ramenée à la surface était soigneusement visitée : on n'y trouva rien. Le puits s'enfonça de plus en plus, un mètre, deux mètres... toujours rien. Après trois mètres environ, la couche argileuse s'interrompit aussi subitement qu'elle avait commencé. Les savants se demandèrent alors ce que, la suite allait leur réserver.


Le puits révélant la couche de terre alluviale qui fournit une preuve du déluge.
1. Sépultures royales; 2. Poteries faites au tour; 3. Couche alluviale (3 m.) ; 4. Poteries faites à la main.


Les premiers échantillons de terre remontée fournirent la réponse à leur question. Ils n'en croyaient pas leurs yeux.
Là où ils s'attendaient à trouver de la terre vierge, ils déterrèrent de nouveau des débris parmi lesquels se trouvaient des fragments d'objets en céramique. Donc, au-dessous d'une couche alluviale, de près de trois mètres, on retombait sur de nouveaux vestiges d'établissement humain. Toutefois, la céramique avait totalement changé d'aspect. Les vases découverts au-dessus de la couche argileuse avaient manifestement été produits sur des tours à potier, alors que ceux qui se trouvaient au-dessous avaient été façonnés à la main. D'autre part, malgré les recherches les plus méticuleuses, aucun objet métallique ne put être découvert. Les outils qui se trouvaient dans la nouvelle couche étaient faits de silex taillés. Il s'agissait donc de vestiges datant de l'âge de pierre.
C'est alors que le monde reçut un télégramme sensationnel : « Nous avons découvert des traces du déluge... » Les journaux anglais et américains consacrèrent à l'événement des titres impressionnants.
En effet, le déluge fournissait la seule explication plausible de la présence dans le sous-sol d'Ur d'une couche argileuse séparant nettement les vestiges de deux époques différentes de la civilisation. D'ailleurs, des restes de petits animaux marins confirmèrent l'origine marine des alluvions.

Woolley n'eut plus qu'une idée : trouver aussi vite que possible des preuves supplémentaires pour étayer son hypothèse. Donc, à trois cents mètres du premier puits, il en fit creuser un second ; le profil était le même : débris de vases, argile, nouveaux débris, mais de vases façonnés à la main. Pour éliminer tout sujet de doute, un troisième forage fut entrepris, cette fois en un point où l'agglomération se dressait sur une colline naturelle ; le nouvel endroit était donc situé beaucoup plus haut par rapport à la couche d'alluvions. Comme Woolley l'avait supposé, on ne trouvait plus de débris de vases faits au tour à la même profondeur que dans les autres puits, mais les vases faits à la main y venaient immédiatement après, sans couche argileuse intermédiaire, ce qui est naturel.
« A seize pieds (cinq mètres) environ au-dessous d'un pavé de brique, nota Woolley, dont nous pouvons faire remonter l'origine a 2700 av. J.-C. environ, nous étions parvenus aux ruines de l'Ur d'avant le déluge. »

Restait à établir l'étendue de la couche alluviale et, partant, la superficie du territoire atteint par la catastrophe.

On rechercha alors minutieusement les traces laissées par le déluge dans diverses villes de la Mésopotamis méridionale.


Territoires atteints par le raz de marée monstre en Mésopotamie


Près de Kisch, au nord-est de Babylone, au point où l'Euphrate et le Tigre se rapprochent, d'autres archéologues
découvrirent un indice important : ils rencontrèrent également une couche d'alluvions, mais elle n'avait que cinquante centimètres environ. Des sondages permirent de déterminer peu à peu les limites de l'action du cataclysme. D'après Woolley, le territoire aurait 630 kilomètres de long sur 160 de large, partant du golfe Persique en direction nord-ouest. Un examen de la carte nous fait penser qu'il s'est agi d'un événement purement local — pour employer le jargon actuel — mais, pour les habitants de ce pays, il concernait l'ensemble de leur monde à eux.
A la suite de recherches et d'essais d'interprétation multiples qui n'avaient rien donné de concluant, on avait abandonné l'idée de déchiffrer le mystère du déluge qui semblait remonter à de sombres époques préhistoriques que l'homme n'avait aucune chance d'étudier jamais. Et voilà que le travail acharné de Woolley et de ses hommes donnait des résultats valables aussi bien pour les savants que, pour le grand public : il était établi qu'un formidable cataclysme, rappelant le déluge de la Bible souvent considère comme une légende par les sceptiques, avait effectivement eu lieu et, de plus, au cours d'une période que l'histoire était à même d'étudier.
Au pied de la vieille tour en gradins des Sumériens à Ur, sur le bas cours de l'Euphrate, on pouvait visiter un puits étroit et contempler et même toucher la couche de près de trois mètres d'alluvions laissée par une colossale inondation.
Et, d'après l'ancienneté des couches de débris laissés par l'homme, on peut affirmer que cela se passait vers 4000 av. J.-C. !

Keller, 1956
traduction M.Muller-Strauss

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