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On
a vu que Téglathphalasar Ier abandonna ses chars
pour marcher à pied dans les passages difficiles,
et qu'il ne mentionne aucune cavalerie proprement
dite dans son armée, tandis que Sargon parle de
ses chars et des cavaliers qui ne le quittaient
pas, et que son fils Sennachérib voyageait à
cheval dans les défilés des montagnes où il
faisait porter ses chars démontés. On
constate même déjà l'usage simultané
des chars de guerre et des chevaux
montés sur
les plus anciens bas-reliefs équestres assyriens
dont nous ayions connaissance, c'est à dire sur
ceux de Sardanapale III, trouvés à Nimroud.
.
Il est donc
probable que les Assyriens se servaient d'abord
exclusivement de chevaux attelés pour
les combats, comme les héros d'Homère,
et que
l'habitude
de combattre à cheval naquit en Assyrie
entre le règne de Téglathphalasar Ier
et celui de Sardanapale III |
A partir de l'avènement
de Sardanapale III, l'usage simultatné des chars
et des chevaux montés pour les combats persista
pendant plusieurs siècles en Assyrie, comme le
témoignent les textes cunéiformes précités,
et surtout les bas-reliefs équestres de ce roi,
ainsi que ceux de ses successeurs nationaux,
jusqu'à Assour-bani-pal ou Sardanapale V
inclusivement.
Cet usage existait même
encore en Assyrie lors de la chute de la
dernière dynastie nationale;
car, dans la Cyropédie
(II, 1),
l'un des interlocuteurs de Cyrus lui dit:
"Pour l'Assyrien,
le roi de Babylone, qui est maître du
reste de l'Assyrie, doit amener, je le
présume, au moins vingt mille cavaliers;
ses chars, je le sais, sont au moins de
deux cents; et il a, je le crois, un
grand nombre de fantassins; c'est là son
habitude, quand il fait invasion chez
nous." Xénophon |
Or le roi de Babylone
auquel Xénophon
fait allusion, c'est Nabou-nahib ou Labynète qui
fut vaincu par Cyrus et dont la défaite mit fin
à l'empire assyro-chaldéen, en faisant passer
la vallée du Tigre et de l'Euphrate sous la
domination des Perses Achéménides, en l'an 538
avant notre ère (Hérodote, I,
188-191).
Ces considérations montrent que si Diodore
reste dans la vraisemblance historique en faisant
figurer, sur la foi de Ctésias, des fantassins
et des chars de guerre dans l'armée de Ninus (II,5)
et dans celle de sa femme Sémiramis (II,17), il
s'en écarte en donnant en outre des cavaliers à
ces deux personnages. Il rentre dans la
vraisemblance historique en faisant amener au
siège de Troie vingt mille fantassins et deux
cents chars de guerre, par le Susien Memnon,
tributaire d'un roi d'Assyrie auquel il donne le
nom de Teutamus (II, 22).
Diodore dit aussi, d'après Ctésias, à propos
de la construction de Babylone par la
légendairre Sémiramis, femme de Ninus:
"Sur les
tours et les murailles, on avait
représenté toutes sortes d'animaux,
parfaitement imités par les couleurs et
le relief. On y voyait une chasse
composée de diffférents animaux qui
avaient plus de quatre coudées de haut.
Dans cette chasse, Sémiramis était
figurée à cheval, lançant un javelot
sur une panthère; auprès d'elle était
Ninus, son époux, frappant un lion d'un
coup de lance" (II,8). |
Tout ce que l'on sait de l'ornementation
architectonique assyrienne permet de croire à la
réalité de cette scène de chasse. Elle pouvait
même représenter, non pas la Sémiramis et le
Ninus de la légende classique, mais la
Sémiramis historique, qui était femme de
Bélochus IV, suivant les inscriptions
cunéiformes (Voyez Oppert, 'Hist
de Chaldée et d'Assyrie, p. 128-132),
et qui, d'après Hérodote (I, 184
et188), vivait six
générations avant Cyrus, c'est à dire vers l'an
800 avant J.C.
Du reste, quoique, d'après les textes assyriens,
l'usage de la cavalerie proprement dite ne
paraisse pas avoir existé dans la vallée de l'Euphrate
ni en Syrie à l'époque de Téglathphalasar Ier,
les peuples de ces pays n'ignoraient cependant
pas l'art de monter à cheval. Il y avait même
dans leurs armées quelques cavaliers destinés
à faire le service d'éclaireurs et à porter
les ordres: la preuve en sera donnée dans le
chapitre IX.
Piétrement
1882
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2
chevaux de front sous Assurbanipal
(Sardanapal V)N.B. il y a 2
ornements de têtière et c'est tout ce que l'on
voit du 2eme cheval
toutefois, il y a 3
paires de rênes,(?)
|
3
chevaux de front,
sous Assournasirpal II
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NDLR la
recherche d'images de ces "chars attelés de
couples de bêtes" nous amène à constater
qu'on en trouve beaucoup plus d'attelés à 3
chevaux......
|
Les bas-reliefs assyriens sont aussi d'acord avec
les textes cunéiformes sur d'autres points que
ceux qui viennent d'être signalés.
Ainsi l'inscription de Téglathphalasar Ier a dit
plus haut que les chars de ses armées étaient
"attelés par des couples de bêtes",
et les bas-reliefs équestres montrent également
que les chars de guerre étaient généralement
traînés par deux chevaux attelés de front.
L'usage des chars à trois
chevaux attelés de front ne paraît cependant
pas avoir été très rare chez les successeurs
de Téglathphalasar Ier; car Assour-bani-pal en a
signalé plus haut de semblables parmi ceux de
ses ennemis les Elamites ou Susiens; et tels sont
tous ceux des chars des bas-reliefs équestres
trouvés à Nimroud et dont Layard a donné la
reproduction dans The monuments
of Niniveh, planches 11, 13, 14, 18, 21, 22, 23,
27, 28 et 31.
Un examen superficiel de
certains bas-reliefs pourrait faire supposer que
les Assyriens se sont quelquefois servis aussi de
chars attelés d'un seul cheval, soit pour la
guerre, soit pour la chasse; mais ce serait une
erreur.
Pour figurer deux chevaux attelés de front, les
artistes assyriens ont le plus souvent
représenté un cheval masquant complètement
toutes les parties de son compagnon d'attelage,
corps et membres, sauf la tête qui déborde
légèrement en avant; et, lorsque la tête est
elle-même complètement cachée, il est toujours
facile de s'assurer que le char est attelé de
deux chevaux, en comptant les rênes que tient l'aurige.
Piétrement 1882
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chevaux amenés en tributs
à Sargon II |
Mais ce qu'il y a de plus
intéressant dans l'étude de ces bas-reliefs, c'est
qu'elle permet de reconnaître à quel type
appartenaient les chevaux qui ont servi de
modèles aux artistes assyriens.
Dans sa description des scènes équestres qui s'offrirent
aux yeux de Botta lors des fouilles du palais de
Sargon à Khorsabad, M. Ménant avait déjà fait
remarquer avec raison que
"les chevaux
ont le caractère du pur sang arabe"
(Ménant, Les
écrit. cunéif. p 15), |
ce qui signifie qu'ils
appartiennent au type du cheval aryen.[...]
Le type aryen des chevaux des bas-reliefs
assyriens, qui sont tous des étalons
représentés de profil, est même rendu avec d'autant
plus de pureté que le monument sur lequel on l'étudie
a plus de qualités artistiques. On peut déjà s'en
assurer dans la galerie assyrienne du Louvre,
malgré le peu de valeur artistique de la plupart
de ses bas-reliefs équestres, d'ailleurs peu
nombreux.
Les quatre chevaux conduits en main, marchant de
front de droite à gauche, sur le grand bas-relief
n°28 provenant du palais de Sargon à Khorsabad,
sont déjà assez bien traités, quoique le
modelé des formes laisse encore beaucoup à
désirer. Mais notre seul bas-relief équestre
assyrien qui soit réellement beau, c'est celui
qui est scellé dans le mur de droite en montant,
dans l'escalier de la galerie assyrienne du
Louvre.
Il représente deux personnages et deux chevaux
conduits en main, marchant l'un derrière l'autre
de gauche à droite; un fragment détaché de ce
grand bas-relief représente deux autres
personnages dont l'un est le conducteur du cheval
de droite.
Quant aux bas-reliefs
équestres de la galerie assyrienne du British
Museum, ils sont très beaux et très nombreux;
nous en avons vu autrefois d'excellentes
photographies; et notre ami M. André
Sanson a étudié les originaux
en 1879. Voici la note qu'il a écrite lors de sa
visite au British Museum et qu'il a bien voulu
nous laisser copier sur son carnet:
" Galerie
assyrienne du British Museum. Trois fragments
de bas-reliefs représentant, de grandeur
naturelle, quatre magnifiques chevaux de
type asiatique pur, conduits en main. Du
reste, tous les chevaux de la galerie
sont du même type, mais de grandeur
moindre." |
Or, on le sait, la race
chevaline que M. Sanson appelle asiatique est
celle que nous appelons aryenne.
Il faut observer en passant que, dans tous les
bas-reliefs assyriens, les rayons inférieurs des
membres des chevaux, c'est à dire les canons,
ont une longueur exagérée; mais cela tient
évidemment à un procédé artistique
conventionnel, extêmement répandu dans l'antiquité;
et nous rappellerons, à ce propos, que toutes
les statues grecques de la bonne époque pêchent
également par un excès de longueur du tibia, ou
région inférieure du membre humain: remarque
qui a déjà été faite par M.
Ch. Rochet. (Voyez bulletins
de le Soc. d'anthrop. de Paris, année 1879, p
644.)
Les chevaux des bas-reliefs
assyriens sont d'ailleurs assez bien rendus dans
le Monument de Ninive de
Botta et Flandin, dans Ninive
et l'Assyrie par Victor Place,
ainsi que dans les deux ouvrages de Layard,
The monuments of Niniveh et A second
series of the monuments of Niniveh,
pour que nous
recommandions toutes ces publications aux
personnes qui ne pourraient pas visiter les
galeries assyriennes du Louvre et du British
Museum.
Piétrement 1882
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cop. de Le cheval ce
seigneur, A de Monbrison,
(Hachette 1961) où légende curieuse ??....
voir Lo : cour Khorsabad
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Monument
de Ninive, M.P.E.Botta et Flandin,
images.
nypl.org
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La représentation
constante du type équestre aryen sur
les bas-reliefs est d'autant plus digne d'attention
que les nombreux textes cunéiformes précités
montrent que, depuis le règne de
Téglathphalasar Ier jusqu'à la fin de la
dynastie des Sargonides, les rois d'Assyrie ont
constamment introduit dans la vallée du Tigre et
de l'Euphrate des chevaux provenant de tous les
pays où ils ont porté leurs armes victorieuses;
et la même habitude existait évidemment chez
leurs prédécesseurs.
Ces chevaux étaient naturellement, les uns de
race mongolique, les autres de race aryenne, et
tous venaient renforcer la population chevaline
de la Mésopotamie, qui était à l'origine
uniquement composée de chevaux mongoliques,
puisqu'elle avait été amenée dans le pays par
des peuples mongoliques, avant les migrations
aryennes, comme nous l'avons montré dans le
chapitre V, §3.
Il semblerait donc que, pendant la période
comprise entre l'avènement de Téglathphalasar
Ier et la mort de Sardanapale V, le sang
mongolique aurait dû avoir une prédominance
marquée dans la population chevaline de la
Mésopotamie, et que les artistes assyriens
auraient dû souvent, sinon toujours,
représenter des chevaux de type mongolique; et
cependant, on vient de le voir, tous les chevaux
des bas-reliefs assyriens sont de type aryen pur.
Ce fait, extêmement
remarquable, dénote avec certitude que les
anciens Sémites de la Mésopotamie, comme tous
les peuples arabes actuels, considéraient déjà
le cheval aryen comme supérieur au cheval
mongolique, aussi bien au point de vue purement
esthétique qu'à celui du service de la guerre.
Les Assyro-Chaldéens doivent en conséquence s'être
constamment efforcés par la sélection, par le
choix d'étalons aryens, de faire prédominer le
sang de ces derniers dans leur population
chevaline, et ils y étaient nécessairement
parvenus, malgré l'arrivée continuelle des
contingents de chevaux provenant tant des razzias
que des contributions, et parmi lesquels
figuraient des chevaux mongoliques.
Il est vrai que jusqu'ici
les textes assyriens sont restés muets sur la
constitution et l'importance des haras qui ont
amené un tel état de choses dans l'ancienne
Mésopotamie, mais la lacune que laisse leur
silence est comblée par Hérodote.
Piétrement 1882
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