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Habitudes
hippiques des peuples mongoliques (chapV,
§5)
Les littérarures grecque
et latine donnent sur les habitudes hippiques des
anciens peuples mongoliques des renseignements
dont quelques-uns méritent d'être rappelés.
Dès l'époque de Cyrus, les Masssagètes
ou Grands-Gètes habitaient la partie du domaine
actuel des Kirghises qui est située au nord-est
de la mer Caspienne et du lac d'Aral
(Hérodote, I, 200-204).
Leur nom est l'équivalent exact du mot chinois
Ta-Youei-ti et ils étaient incontestablement de
race mongolique (Voyez Beauregard,
Kachmir et Thibet, dans
les Bulletins de la Soc. d'anthrop.
de Paris, année 1882, p. 253-258.).
Hérodote les
dépeint ainsi
" Les
Massagètes portent un costume semblable
à celui des Scythes et ont le même
genre de vie;
ils sont cavaliers et piétons, car ils
combattent de deux manières; ils sont
archers et piquiers et font usage de
haches. Ils n'emploient que l'or et l'airain.
Les pointes de leurs javelots et leurs
flèches, leurs haches, sont d'airain;
les parties métalliques de leurs casques,
de leurs tiares, de leurs bretelles et de
leurs ceintures sont en or.
Pareillement, autour du poitrail de leurs
chevaux, ils placent des cuirasses d'airain,
tandis que le métal des brides, des mors,
des harnais, est d'or. Ils ne se servent
ni d'argent ni de fer, car il ne s'en
trouve pas dans leur contrée, mais l'or
et l'airain y abondent.
" Voici leurs usages. Chacun épouse
une femme, mais ils usent de toutes en
commun... Quand l'un d'eux désire une
femme, il suspend son carquois devant son
char et s'unit tranquillement à elle.
Ils n'ensemencent point; ils vivent de
leur bétail et des poissons que l'Araxe
leur fournit en abondance; ils ne boivent
que du lait.
Le Soleil est le seul dieu auquel ils
rendent un culte; ils lui sacrifient des
chevaux; au plus rapide des dieux ils
offrent le plus rapide des êtres mortels"
(Hérodote, I, 215-216.) |
Puisque les anciens désignaient sous le
nom de Scythes l'ensemble des peuples nomades,
tant mongoliques que tudesques aryanisés, qui
habitaient alors la Russie et l'Asie
transcaucasique, on peut appliquer aux uns et aux
autres les renseignements suivants qu'Hérodote
donne sur les Scythes:
"L'affaire la
plus importante de toutes est ainsi
réglée chez eux : nul de ceux qui les
envahissent ne peut effectuer sa retraite,
et, s'ils ne veulent pas qu'on les trouve,
nul n'est capable de les atteindre.
Car ils n'ont ni villes ni remparts fixes,
mais ils emportent avec eux leurs
demeures; ils sont tous archers à cheval;
ils vivent, non de labourage, mais de
bétail; leurs demeures sont sur des
chars: comment ne seraient-ils pas
inattaquables et d'un commerce difficile?"
(Hérodote IV 46) |
Hérodote dit plus loin
que les Scythes étranglaient un certain nombre
de chevaux, avec des cérémonies qu'il décrit,
aux funérailles et au premier anniversaire de la
mort de leurs rois (IV, 71-72);
qu'ils sacrifiaient annuellement du menu bétail
et des chevaux au dieu Mars, représenté par un
cimeterre dressé sur un monceau de fascines (IV,
62), et qu'aux autres dieux ils immolaient toute
espèce de bétail, mais surtout des chevaux (IV,
61).
Il est à peine besoin d'ajouter que, dans ces
sacrifices d'animaux, tout l'honneur était pour
les dieux et tout le profit pour les Scythes; car,
Hérodote le fait remarquer, la victime
étranglée au moyen d'un lacet placé autour du
cou, était immédiatement écorchée, puis on s'occupait
de la faire cuire (IV, 60); et l'on jetait
seulement au loin, comme prémices, une part
accompagnée des entrailles (IV, 61).
C'était évidemment la part laissée aux chiens,
et c'était de toute justice, puisque Hérodote
nous apprend que les Scythes étaient le plus
souvent obligés, faute de bois, de faire brûler
les os de la victime pour en cuire la chair (IV,
61).
Piétrement 1882
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images
d'art scythes
(ph. www://studentorgs.utexas.edu/husa)
peigne
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cavalier
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torque
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détails: profil
des chevaux
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tapis trouvé dans la sépulture
scythe de Pazyryk, (env 8eme s. avt J.C.), Sibérie
méridionale,
où 300 chevaux dont 160 harnachés ont été inhumés
avec le mort
.
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Enfin, Ammien Marcellin
dépeint ainsi les Huns, au
moment où ils franchirent la Volga et
arrivèrent jusqu'à la rive gauche du Danube (374-376
de notre ère):
"Les Huns
sont à peine mentionnés dans les
annales, et seulement comme une race
sauvage répandue au delà des Palus-Méotides,
sur les bords de la mer Glaciale, et d'une
férocité qui passe l'imagination.
Dès la naissance des enfants mâles, les
Huns leur sillonnent les joues de
profondes cicatrices, afin d'y détruire
tout germe de duvet. Ces rejetons
croissent et vieillisent imberbes, sous l'aspect
hideux et dégradé des eunuques.
Mais ils ont tous le corps trapu, les
membres robustes, la tête volumineuse;
et un excessif développement de la
carrure donne à leur conformation
quelque chose de surnaturel. On dirait
des animaux bipèdes plutôt que des
être humains, ou de ces bizarres figures
que le caprice de l'art place en saillie
sur les corniches d'un pont. Des
habitudes voisines de la brute répondent
à cet extérieur repoussant.
Les Huns ne cuisent ni n'assaisonnent ce
qu'ils mangent, et se contentent pour
aliments de racines sauvages ou de la
chair du première animal venu, qu'ils
font mortifier quelque temps, sur le
cheval, entre leurs cuisses.
Aucun toit ne les abrite.... Ils se
coiffent de bonnets courbés (en arrière)
et entourent de peaux de chèvres leurs
jambes velues, chaussure qui gêne la
marche et les rend peu propres à
combattre à pied.
Mais on les dirait cloués sur leurs
chevaux, qui sont infatigables, mais
disgracieux.
C'est sur leur dos que les Huns vaquent
à toute espèce de soin, assis
quelquefois à la manière des femmes.
A cheval jour et nuit, c'est de là qu'ils
vendent et qu'ils achètent. Ils ne
mettent pied à terre ni pour boire, ni
pour manger, ni pour dormir, ce qu'ils
font inclinés sur le maigre cou de leur
monture, où ils rêvent tout à leur
aise.
C'est encore à cheval qu'ils
délibèrent des intérêts de la
communauté.
L'autorité d'un roi leur est inconnue;
mais ils suivent tumultuairement le chef
qui les mène au combat.
Attaqués eux-mêmes, ils se partagent
par bandes, et fondent sur l'ennemi en
poussant des cris effroyables.
Groupés ou dispersés, ils chargent ou
fuient avec la promptitude de l'éclair,
et sèment en courant le trépas.
Aussi leur tactique, par sa mobilité
même, est impuissante contre un rempart
ou un camp retranché.
Mais ce qui fait d'eux les plus
redoutables guerriers de la terre, c'est
qu'également sûrs de leurs coups de
loin, et prodigues de leur vie dans le
corps à corps, ils savent de plus, au
moment où leur adversaire, cavalier ou
piéton, suit des yeux les évolutions de
leur épée, l'enlacer dans une courroie
qui paralyse tous ses mouvements.
Leurs traits (il est à peine besoin de
dire que ces "traits" (telis)
étaient des flèches. Au reste, dans son
Hist. des Goths, ch. XXIV,
Jornandès dépeint les Huns :"toujours
prêts à se servir de leurs arcs et de
leurs flèches" (ad arcus
sagittasque parati) sont armés, en guise
de fer, d'un os pointu, qu'ils y adaptent
avec une adresse merveilleuse.
Aucun d'eux ne laboure la terre ni ne
touche une charrue.
Tous errent indéfiniment dans l'espace,
sans toit, sans foyer, sans police,
étrangers à toute habitude fixe, ou
plutôt paraissant toujours fuir, à l'aide
de chariots où ils ont pris domicile,
où la femme s'occupe à façonner le
hideux vêtement de son mari, le reçoit
dans ses bras, enfante et nourrit sa
progéniture jusqu'à l'âge de la
puberté." (Ammien Marcellin,
XXXI, 2.) |
Ces citations suffisent
pour montrer que les anciens nomades de race
mongolique étaient des peuples éminemment
équestres, comme le sont encore aujourd'hui ceux
de leurs descendants qui ont conservé les mêmes
habitudes nomades depuis le Volga jusqu'aux
frontières de la Chine, les Kalmouks, les
Nogaïs, les Kirghises, les Turcomans, les Kalkas
et les Mongols.
Tous sont des cavaliers aussi habiles que
vigoureux et intrépides, pouvant supporter
avantageusement la comparaison avec n'importe
quel autre peuple.
Leur état présent, trop connu par les récits
de tous les voyageurs pour qu'il soit besoin de s'y
arrêter, indique ce qu'étaient leurs ancêtres
soumis aux mêmes conditions d'existence; il
explique pourquoi ceux-ci ont joué un rôle si
considérable dans l'histoire.
[......]
Piétrement 1882
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archer mongol (fich.Wikimedia.Commons.)
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L'hippophagie
et la multitude des chevaux chez les peuples
mongoliques. (chapV,§6)
Dans ses Lettres sur les
substances alimentaires, Isidore Geoffroy
Saint-Hilaire a cité beaucoup
de faits relatifs à l'hippophagie, c'est à dire
à l'usage alimentaire de la viande, du sang et
du lait des divers Equidés, tant domestiques que
sauvages, chez les différents peuples de la
terre, aussi bien dans l'antiquité et le moyen
âge que de nos jours. Cette
partie historique de son livre comprend les
lettres VIIe et VIIIe, ainsi que les indications
bibliographiques des pages 144 à 151.
Nous y renvoyons faute d'espace, en prévenant
toutefois que l'exposé de cet auteur est
incomplet en ce qui concerne les temps qui lui
sont antérieurs, et que de nouveaux
renseignements, fournis par des voyageurs
contemporains, sont venus confirmer ce qu'il
avait dit du goût prononcé de beaucoup de
peuples pour la viande des Equidés en général
et du cheval en particulier. Ainsi, par exemple:
"La chair de
cheval est le mets le plus estimé des
Mongols," au témoignage de Mme de
Bourboulon (Le
Tour du Monde, t. X, 1864, p.331);
"le Kirghis, qui se détournerait
avec dégoût d'une bonne tranche de
boeuf, se réjouit à l'idée d'une
grillade de cheval", suivant
Atkinson Le
Tour du Monde, t.VII, 1863, p.366: et tel est aussi
le goût des Kalmouks, d'après Moynet Le Tour
du Monde, XV, 1867, p.91-92. |
Mais ce qu'il importe
surtout de faire remarquer pour notre sujet, c'est
que l'hippophagie, encore subsistante chez tous
les peuples nomades de race mongolique
possesseurs de chevaux et même chez les Chinois,
remonte chez eux tous à une époque très
ancienne, puisque, on l'a vu aux pages 334 et 353,
c'est pour se nourrir que les proto-Mongols ont
domestiqué les six animaux dont l'un était le
cheval, pendant la période proto-historique que
les Chinois ont personnifiée sous le nom de Fo-hi.
De temps immémorial, les peuples mongoliques ont
donc estimé les chevaux par-dessus tout, aussi
bien pour s'en nourrir que pour les monter; et ce
doit être l'une des principales raisons pour
lesquelles ils ont toujours été et sont encore
les plus riches en chevaux; c'est à dire que,
proportionnellement au nombre d'habitants, les
chevaux ont toujours été et sont aujourd'hui
plus nombreux chez les nomades de race mongolique
que chez aucun autre peuple.
[....]
Enfin, pour montrer que ce n'est pas d'aujourd'hui
que ces contrées sont si riches en chevaux, nous
rappellerons que, dans une ancienne tradition
hindoue,
" le pays des
chevaux était le nom donné aux pays du
nord occupés par les nations nomades que
nous désignons sous le nom de Mongols et
Tartares;
comme la Chine y était nommée le pays
des hommes; l'Inde, le pays des
éléphants; la Perse, les pays des
trésors (Rémusat
(Abel), Mélanges posthumes, p.
75-76) |
et que Strabon
disait déjà, liv. XI, ch.V, §8,
à propos des Sirakes, des Aorses et autres
tribus nomades qui parcouraient, au nord du
Caucase, l'espace compris entre le Palus Méotide
et la mer Caspienne:
" Abeacos,
qui règnait sur ces tribus sirakes dans
le temps où Pharnace était roi du
Bosphore, pouvait armer 20 000 cavaliers,
et Spadinès, roi de ces Aorses (du nord),
pouvait en équiper jusqu'à 80 000.
Quant aux Aorses supérieurs, ils
disposaient naturellement de forces
encore plus considérables, car leur
territoire était plus étendu et ils
dominaient en outre sur la plus grande
partie du littoral occupé naguère par
le Caspii." |
Piétrement 1882
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Combat des Romains contre les
Sarmates (cataphractaires) à droite)
détail de la colonne trajane (Rome)
"die reliefs der Traianssaüle", Conrad
Cichorius (ph.Wikimedia Commons)
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