.
|
Les anciennes
migrations de la race chevaline mongolique en
Orient (chapV,§3) Les Proto-Mongols ayant
domestiqué des chevaux dans leur première
patrie, dans le pays actuel des Kalkas, leurs
descendants en ont naturellement emmené dans
leurs anciennes migrations, non seulement en
Chine, comme on vient de le voir, mais aussi dans
les autres contrées de l'Asie où ils ont
pénétré; [...]
En outre, comme d'une part les peuples
mongoliques avaient colonisé une grande partie
de l'Asie avant les migrations aryennes, et que d'autre
part, [...], les Sémites n'ont pas domestiqué
de chevaux, on peut de suite en conclure que les
diverses contrées de l'Asie envahies par les
anciens peuples mongoliques étaient d'abord
dépourvues de chevaux, que leur première
population chevaline y fut amenée par ces
peuples mongoliques;
on peut même en donner des preuves positives
pour quelque-unes de ces contrées.
Si les Chinois des cent familles, d'abord
nomades en Mongolie, sont devenus agriculteurs et
constructeurs de villes en arrivant dans les
riches vallées de la Chine avec leurs animaux
domestiques, la lecture du Véda montre que leurs
frères les Dasyus étaient parvenus au même
degré de civilisation dans l'Inde, à l'époque
de la conquête de cette contrée par les Aryas.
Aussi M. Emile
Burnouf a-t-il
eu raison de dire:
"
L'état de guerre avec les habitants
antérieurs de l'Inde est l'état
permanent des Aryas védiques, depuis
leur arrivée dans le Pandjab jusqu'au
temps de Viçwamitra et de ses fils.
Or il semble bien, d'après beaucoup d'hymnes,
que ces étrangers étaient possesseurs
de grandes richesses; car la demande que
les poètes adressent sans cesse à la
divinité est de faire passer dans leurs
propres mains les biens des Dasyus, leurs
vaches, leurs chevaux, leurs chars, leur
or, leurs parures, et de donner la terre
à l'Arya." (Essai sur
le Véda, p 209-210.) |
Il ajoute
ailleurs :
"
Au temps des hymnes, les Dasyus étaient
riches en troupeaux, industrieux, habiles
à fabriquer des chars et des vêtements,
brillants de parures et de bijoux: c'était
donc une riche proie pour les
conquérants. Les Aryas n'ont point
encore de villes, aucune du moins n'est
nommée dans le Véda; mais il y est
souvent question des forteresses bâties
sur les hauteurs, où les Dasyus se
retirent comme dans des postes
inexpugnables." (Essai sur
le Véda, p 137-138) |
[...]
Il
est du reste certain que ce sont les Dasyus-Mongols
qui ont introduit les animaux domestiques,
notamment le cheval, dans l'Hindoustan; car, d'après
une tradition encore subsistante chez les Hindous
et dont nous devons la connaisssance à un
renseignement oral de M. Louis Rousselet, le
bufle est le seul mammifère domestique naturel
à l'Hindoustan; tous les autres y ont été
introduits du dehors.
Cette tradition n'est d'ailleurs pas plus aryenne
que la tradition samothracienne relative à la
formation du Bosphore et de l'Hellespont.
La tradition de l'absence originaire de cheval
dans l'Inde est en effet un tradition mongolique
que les Aryas ont appris des Dasyus, puisqu'ils
ont trouvé ces derniers déjà établis dans l'Inde
avec leurs chevaux.
Les Hindous, qui voient dans le bufle le seul
mammifère domestique propre à leur pays, n'ignorent
cependant pas que l'éléphant est également
naturel à cette contrée. Mais l'éléphant n'est
pas un animal domestique, c'est seulement un
animal privé, puisque tous les éléphants
auxiliaires de l'homme ont toujours été et sont
encore de sujets nés sauvages et apprivoisés à
un âge plus ou moins avancé: les exceptions à
cette règle ont du moins été tellement rares
qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte.
Piétrement
1882
|
.
|
.
S'il n'existe
aucun document sur la façon dont les
populations mongoliques ont établi leur
domination dans la vallée du Tigre et de
l'Euphrate, il est du moins certain qu'elles
y introduisirent le cheval, jusque-là
inconnu dans le pays. |
En effet, bien
que leur langue ait été appelée casdo-scythique,
touranienne, soumérienne, accadienne, tous ces
noms sont synonymes de mongolique pour les
auteurs qui les ont inventé, et il est certain
que cette langue précéda en Mésopotamie le
dialecte sémitique appelé assyrien.
Or dans les inscriptions cunéiformes de cette
langue antérieure à l'assyrien, le nom de l'âne
est toujours rendu par un idéogramme simple, que
les assyriologues lisent provisoirement pas; et le nom du
cheval est toujours rendu par deux idéogrammes
accolés l'un à l'autre, dont le premier est l'idéogramme
de l'âne et dont le second est provisoirement lu
kurra: ce qui donne
la lecture provisoire pas kurra
pour
le nom du cheval. Nous disons que cette lecture
est provisoire, parce qu'en réalité, M. Ménant
nous l'assurait encore récemment, on ne sait
absolument rien sur la véritabe prononciation du
signe idéographique désignant l'âne et des
deux signes idéographiques désignant le cheval.
Mais l'adoption provisoire des deux expresions
pas et
pas kurra n'en
est pas moins utile pour faciliter le discours,
pour éviter les périphrases.
Du reste, quoique la véritable prononciation de pas
et de pas kurra
soit inconnue, il est incontestable que le
premier mot, ou, si l'on préfère, que le
premier idéogramme désigne l'âne, puisqu'il
est toujours traduit par imeru dans
les textes cunéiformes du dialecte assyrien; et
l'idéogramme composé pas kurra
désigne tout aussi sûrement le cheval, puisque
l'assyrien le traduit toujours par susu.
Dans son Expédition
de Mésopotamie , t.II, p.76,90 et 91. M. Oppert avait émis l'opinion
que pas siginifie
littéralement "bête de somme", parce
que ce mot, qui désigne proprement l'âne, entre
en composition dans le nom du chameau aussi bien
que dans celui du cheval. La conclusion laissait
un peu à désirer, en ce sens que l'âne, le
cheval et le chameau n'étaient pas plus
autrefois qu'aujourd'hui de simples porteurs de
fardeaux, car ils ont toujours porté, comme ils
portent encore, soit des fardeaux, soit des
hommes, suivant les circonstances.
Aujourd'hui, M. Oppert traduit le mot pas
tout simplement par le mot âne,
sans s'occuper de son sens littéral, parce qu'il
a également trouvé le mot pas entrant
en composition dans le nom de l'onagre ou
hémione.
Nous acceptons volontiers la dernière opinion de
M. Oppert, non parce que le mot pas
entre en composition dans le nom de l'hémione,
mais parce qu'il nous paraît difficile de
connaître le sens littéral, étymologique, d'un
mot représenté par un idéogramme dont on ne
connaît pas la vraie prononciation.
Quant au mot kurra, M.
Oppert l'avait autrefois traduit par "de l'est",
parce qu'il entre en composition dans le nom du
vent d'est; mais il le traduit aujourd'hui par
"de la montagne", parce que, chez les
anciens habitants de la Mésopotamie, c'était en
réalité par l'expression "vent de la
montagne" qu'on désignait le vent d'est,
absolument comme nos riverains de l'océan
Atlantique donnent au vent d'ouest le nom de
"brise de mer", expression qui signifie
vent du nord pour les habitants d'Alger.
M. Oppert avait donc traduit pas
kurra d'abord par "bête de
somme de l'est"; il le traduit aujourd'hui
par "âne de la montagne", et ce dernir
sens est indubitable.
Les
plus anciens habitants connus en
Mésopotamie s'étant servis du nom de l'âne
auquel ils ont ajouté une épithète
pour en faire un nom composé désignant
le cheval, on doit déjà en conclure qu'ils
ont connu, possédé l'âne avant de
posséder le cheval, tout aussi sûrement
que notre expression "cochon d'Inde",
appliquée au cobaye, suffirait à elle
seule pour prouver que les Français ont
possédé le cochon avant de posséder le
cochon d'Inde, ainsi nommé parce qu'il
nous est venu de l'Amérique, dite Indes
occidentales dans les siècles derniers. |
En outre, à l'époque
où l'expression pas kurra
était traduite par "bête de somme de l'est",
M. F.
Lenormant en
avait inféré dans Les premières civilisations, t.I, p322, que,
"pour
les plus anciens habitants du bassin de l'Euphrate
et du Tigre, le cheval était un animal d'origine
étrangère, amené de l'est." |
Piétrement
1882
|
~
|
Or cette conclusion ne reçoit aucune atteinte de
la certitude où l'on est aujourd'hui que le nom
du cheval pas
kurra signifie "l'âne de la
montagne".
C'est en effet par les montagnes de l'est, celles
de la Perse actuelle, que le cheval doit être
arrivé en Mésopotamie, puisque, pour les
anciens habitants de cette dernière contrée, l'épithète
"de la montagne" était synomyme du
qualificatif "de l'est", comme l'indique
le nom par lequel ils désignaient le vent d'est.
Il est d'ailleurs incontestable que le cheval
était originairement étranger à la
Mésopotamie, puisque ce pays est une vaste
plaine et que le cheval est donné comme animal
de la montagne, c'est à dire qui est venu des
montagnes.
Du reste, cela indique seulement que les chevaux
domestiques ont été amené en Mésopotamie par
les défilés des montagnes qui la bordent à l'est,
mais nullement qu'ils étaient originaires de ces
montagnes, car le cheval sauvage n'est pas un
animal de montagne; c'est un animal des plaines
et des plateaux herbeux, comme tous les autres
grands mammifères herbivores.
Si quelques-unes des grandes espèces sont
actuellement reléguées dans les montagnes, c'est
par suite de ces deux faits connexes: le progrès
de la civilisation, et l'extrême multiplication
de l'homme dans certaines régions du globe.
Ces considérations sur l'absence originaire du
cheval en Mésopotamie sont du reste d'autant
plus inattaquables qu'elles conserveraient la
même valeur, quels que soient la prononciation
et le sens étymologique du mot représenté par
l'idéogramme provisoirement prononcé pas,
et même quelle que soit la langue à
laquelle ce mot puisse appartenir.
Enfin, comme il est certain, [....] que les
Sémites n'ont pas assujetti le cheval, qu'ils l'ont
reçu tout domestiqué, on est conduit à en
conclure que ce ne sont pas les peuples
sémitiques, que ce sont les peuples mongoliques
qui ont introduit cet animal en Mésopotamie.
On doit également considérer comme certaine l'absence
des chevaux en Perse avant l'arrivée des peuples
mongoliques qui y précédèrent les Iraniens;
et l'on peut en dire autant de la Médie et de l'Arménie
qui ont originairement eu le même sort; car,
après avoir montré combien la Carmanie est
fertile et bien arrosée dans la plus grande
partie de son étendue, Strabon ajoute, liv XV, ch II §14:
"Les indigènes de la
Carmanie se servent communément, voire
pour la guerre, d'ânes au lieu de
chevaux, les chevaux chez eux étant
très rares.
Aussi est-ce toujours un âne qu'ils
offrent à Mars comme victime, à Mars,
la seule divinité qui soit chez eux l'objet
d'une grande vénération.
Ils sont en effet naturellement
belliqueux; et pas un homme chez eux ne
se marie avant d'avoir coupé la tête d'un
ennemi et avant de l'avoir rapportée au
roi.
Le roi... arrache la langue, la coupe en
menus morceaux qu'il saupoudre de farine
de froment, goûte lui-même à ce mets
friand et donne le reste à celui qui lui
a apporté le trophée, pour qu'il s'en
régale avec ses parents et amis...
D'autre part, Néarque assure que les
Carmanites ont emprunté aux Perses et
aux Mèdes la plus grande partie de leurs
usages et des mots de leur langue."
|
Ce passage fait
connaître l'état de la Carmanie à l'époque d'Alexandre.
Il prouve qu'alors les chevaux étaient encore
très rares dans le midi de la Perse, bien qu'en
arrivant dans le nord de cette contrée avec
leurs chevaux aryens, les Iraniens aient trouvé
dans cette dernière région des populations
possédant déjà des chevaux mongoliques
On verra dans le chapitre IX que les chevaux
mongoliques ont été les premiers introduits en
Syrie et en Egypte, où des populations
mongoliques ont très anciennement pénétré.
Enfin, on aura l'occasion de constater, [...],
que d'autres peuples mongoliques ont également
possédé des chevaux à des époques plus ou
moins anciennes.
Quant aux populations mongoliques actuellement
cantonnées dans les régions boréales de l'Ancien
Continent, si elles sont dépourvues de chevaux,
cela tient à ce que ces animaux n'ont pas encore
pu s'acclimater dans ces pays excessivement
froids, comme Pallas l'a déjà fait remarquer. Cet
auteur dit en effet dans le Ve volume de ses "voyages", à propos du
gouvernement de Tobolsk, qu'il a visité en 1771:
"Samarof
est la place la plus considérable entre
Tobolsk et Bérézof,..... "On se
plaint déjà à Samarof de ce que les
chevaux n'y réussissent pas et de ce qu'il
en périt beaucoup" (p78).- |
Le climat sous lequel
vivent les populations mongoliques des régions
boréales explique donc pourquoi ils n'ont pas de
chevaux;
Piétrement
1882
|
haut
|