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Mais nous puiserons
surtout dans L'Iliade d'Homère
de précieux documents sur
l'histoire des chevaux en Asie Mineure.
Parmi la multitude de ses renseignements, nous
choisirons quelques-uns des plus
caractéristiques, en faisant suivre chaque
citation du numéro du chant, ainsi que de la
page de la traduction Giguet
où elle se trouve. A ce propos, nous ferons
remarquer une fois pour toutes que, dans toutes
nos indications bibliographiques relatives aux
poètes grecs et latins, l'indication numérique
des pages renvoie aux traductions de ces poètes,
tandis que l'indication numérique des vers
renvoie aux textes originaux.
Suivant l'Iliade, les plaines de la Troade
étaient fécondes en coursiers (XVI, p. 236);
lesTroyens étaient d'habiles dompteurs de
chevaux (III, p. 39, 41). On voit à la fin du
chant II que la plupart des peuples venus au
secours de Troie, assiégée par les Grecs,
habitaient l'Asie Mineure. Tous leurs chefs et
une partie de leurs soldats possédaient des
chars de guerre.
« ceux de Percote,
des rives du Practios, de Sestos, d'Abydos,
de la divine Arisba, obéissent au noble
Asios, fils d'Hyrtace, que de grands et
superbes coursiers ont amené d'Arisba,
arrosée par le fleuve Selléis » (II, p. 34). |
Lors de l'attaque des
vaisseaux grecs,
" le seul
Asios, chef des guerriers, a refusé d'abandonner
à son écuyer son attelage; et, du haut
de son char, il s'élance à l'attaque de
la flotte" (XII, p. 167). |
Après avoir tué
Otryonée, Idoménée, roi des Crétois,
" l'entraîne
à travers la violente mêlée. Brûlant
de le défendre, Asios accourt à pied
devant ses chevaux, dont il sent toujours
l'haleine et que son écuyer contient.
" |
Asios est tué par
Idoménée. Antiloque perce de sa pique l'écuyer,
qui
" tombe en
râlant, tandis que le fils du magnanime
Nestor pousse ses coursiers des rangs
troyens parmi les Grecs » (XIII, p. 184).
Idoménée ensuite immole Phaistos, fils
du Méonien Boro (Méoniens, ancien nom
des Lydiens (Hérodote,
I, 7, et VI 74), qui vint de la
fertile Tarné, en lui perçant l'épaule
droite avec sa longue javeline, à l'instant
où il monte sur son char; il tombe, et
les horribles ténèbres de la mort l'enveloppent.
Aussitôt les serviteurs d'Idoménée le
dépouillent de ses armes. » (V.p.61.)
« Enfin, le héros (Diomède, roi d'Argos)
saisit les deux fils de Priam, emportés
par un même char, Echémon et Chromios.
Comme un lion, se ruant sur un grand
troupeau, brise le cou d'une génisse ou
d'un taureau paissant dans la forêt,
ainsi le fils de Tydée les culbute du
haut du siège, les dépouille de leurs
armes, et ordonne à ses compagnons de
conduire vers la flotte les deux
coursiers. » (V, p. 63.) |
L'habile archer Pandaros,
fils de Lycaon, venu de Zélie, au pied du mont
Ida, à l'extrémité de la Troade (II, p. 34),
dit à Enée, chef des Dardaniens :
« II y a dans les
palais de Lycaon onze beaux chars tous
neufs, récemment faits; de vastes voiles
les entourent, et deux chevaux,
accouplés près de chacun de ces chars,
paissent l'épeautre et l'orge mondée. A
mon départ, le vénérable Lycaon..... m'ordonna
de paraître au premier rang, dans les
combats terribles, traîné par un char
et des coursiers.
Cet avis était peut-être de beaucoup le
meilleur; mais le désir d'épargner mes
chevaux, la crainte de les voir manquer
de nourriture dans une ville assiégée,
accoutumés comme ils le sont à se
repaître abondamment, m'empêchèrent de
le suivre.
Je les laissai donc, et je vins à pied
aux champs troyens, confiant dans mon arc.
» (V,
p. 64.)- |
Enée reçoit Pandaros sur
son char traîné par deux coursiers dont
Diomède fait cet éloge à son écuyer
Sthénélos :
« Ils sont de
cette race que jadis Jupiter donna au roi
Tros en échange de son fils Ganymède,
les plus légers de tous ceux qui
respirent sous le soleil et l'aurore.
Anchise, roi des hommes, pour en dérober
des rejetons, leur fit conduire ses
cavales à l'insu de Laomédon, fils de
Tros, et il eut six poulains nés dans
ses palais; il en retient quatre, qu'il
nourrit à la crèche; et ces deux que tu
vois, arbitres de la fuite, il en fit
présent à Enée. Ah! s'il nous est
donné de les ravir, nous aurons une
grande gloire. » Diomède s'élance à
pied à la rencontre du char, tue
Pandaros et blesse Enée, qui est sauvé
par Vénus, mais dont les chevaux sont
enlevés et conduits vers la flotte (V, p. 65-67) |
Sarpédon, chef des
Lyciens, « peuple lointain que baigne le Xanthe
rapide » (II, p. 35), est, blessé à la cuisse
par Tlépolème :
«Les nobles
compagnons du divin Sarpédon l'emportent
du champ de bataille, et, tandis qu'ils l'entraînent,
le trait lui cause de cruelles douleurs;
nul parmi eux, en le faisant monter à la
hâte sur le char, n'a songé à l'extraire
de la blessure, tant était grande leur
anxiété en lui donnant leurs soins.» (V, p. 74.) |
[....]
Ménélas et Antiloque
«
immolent Pylémène, l'égal de Mars,
chef des superbes Paphlagoniens, armés
de boucliers » |
puis Antiloque perce la
tempe de l'écuyer de Pylémène et s'empare de
son char et de ses chevaux (V, p. 72-73).
[....]
On voit que Pylémène,
tué au Ve chant, reparaît vivant au XIIIe. C'est
l'un des indices de l'indépendance originelle
des divers morceaux de l'Iliade, et de la
fidélité avec laquelle ils ont été assemblés,
à l'époque de Pisistrate, pour en former un
seul poème.
Hector, chef des Troyens, excite ses chevaux en
ces termes:
" Xanthe,
Podarge, Aethon, divin Lampos, voici le
moment de reconnaître mes soins et ceux
d'Andromaque, fille du magnanime Eétion.
Souvent elle vous présente, avant de
songer à moi, qui me glorifie d'être
son jeune époux, le doux froment et le
vin mélangé que vous buvez au gré de
vos désirs. Courage, précipitez-vous,
poursuivez ces héros. » (VIII p
108 ) |
Ulysse et Diomède,
voulant pénétrer pendant la nuit dans le camp
troyen, rencontrent Dolon, qui leur donne ces
renseignements
"Sur les
bords de la mer reposent: les Cariens,
les Péoniens à l'arc recourbé, les
Lélèges, les Caucones et les divins
Pélasges; vers Thymbra se sont arrêtés
les Lyciens, les Mysiens superbes, les
Phrygiens dompteurs de coursiers, les
Méoniens qui combattent sur des chars.
Mais à quoi bon ces détails? Si votre
désir est de pénétrer dans la foule
des Troyens, les Thraces arrivés
récemment sont campés à l'écart, à l'extrémité
de l'armée, commandés par leur roi
Rhésos. J'ai vu ses grands et superbes
coursiers, plus blancs que la neige."
(X.p.
142.) |
Les deux héros grecs
« parviennent
bientôt au quartier des Thraces. Ceux-ci
dorment, vaincus par la fatigue, et leurs
belles armures, rangées sur trois files,
reposent à terre, à leurs côtés.
Près de chaque guerrier sont ses deux
chevaux. Rhésos dort au centre du camp.
A côté de lui, ses rapides coursiers
sont attachés, par des courroies,
derrière le char. » (X, p. 143. |
[....]
Mérion, compagnon d'Idoménée, de son javelot
frappe au bras Déiphobe, fils de Priam.
« Polite prend
dans ses bras son frère Déiphobe et l'entraîne
loin de la guerre déplorable, jusqu'à
ce qu'ils arrivent au lieu où ses
coursiers rapides, que maintient un
écuyer, sont restés en arrière. » (XIII, p. 187.) |
Teucer, frère du grand
Ajax, lance une flèche à Clitos, fils de
Pisénor
" Il
conduisait le char du vaillant Polydamas,
et, pour plaire à Hector et aux Troyens,
il s'exerçait à pousser les chevaux (dans
ce passage, nous avons remplacé le mot cavales
du traducteur par chevaux.
L'article est oî et non ai (Iliade,
chant XV, vers 452). On sait du reste
que "ippos" dépourvu d'article
et de qualificatif, désigne également
le cheval entier, le cheval hongre et la
jument, comme notre mot cheval pris dans
son sens général; et que l'article ou l'adjectif,
quand ils existent peuvent seuls indiquer
en grec le sexe de l'animal en question.)
où il y avait le plus de phalanges en
désordre..... La flèche siffle et
frappe le cou par derrière; il tombe du
siège, ses chevaux reculent et font
résonner le char abandonné. Le roi
Polydamas aussitôt s'en aperçoit, court
devant les coursiers, les confie à
Astynoos, fils de Protiaon." Ne me
perds pas de vue, dit-il; conduis
toujours près de moi mon char, tandis
que je retourne combattre au premier rang". (XV, p 216-217
)
" Cependant les deux armées
remplissent la plaine, et partout
resplendit l'airain des guerriers et des
chars..... Deux héros dont la valeur
excelle marchent au milieu de l'arène et
brûlent de combattre : Enée, fils d'Anchise,
et le divin Achille. » (XX p 287 ) |
Ils s'abordent, s'interpellent;
Enée raconte ainsi sa généalogie.
« Dardanos, le
premier, reçut le jour de Jupiter, et
fonda Dardanie. Alors la sainte Ilion,
demeure des hommes, n'était point bâtie
dans la plaine. Les peuples habitaient
encore le pied de l'Ida, fécond en
sources. Dardanos eut un fils, le roi
Erichthonios, le plus opulent des mortels;
trois mille cavales erraient dans ses
humides pâturages, fières de leurs
tendres rejetons.
Borée, comme elles paissaient, fut
enflammé pour elles d'amoureux désirs;
il prit la forme d'un coursier à noire
crinière et les fit concevoir. Elles
enfantèrent douze jeunes cavales si
légères, que, lancées à la course,
sur les champs fertiles, elles
effleuraient, sans les rompre, les têtes
des épis, et, sur le dos de la vaste mer,
elles glissaient au sommet des vagues d'eau
salée. (XX, p. 288-289.) |
~
Alors
Achille marche sur l'irréprochable fils
de Piroos, Rigmos, qui vient des champs
fertiles de la Thrace. Il le frappe de
son javelot, au milieu du corps; l'airain
pénètre dans ses poumons; il tombe de
son char; son écuver Aréithoos retourne
les coursiers pour fuir; le trait d'Achille
le frappe entre les épaules et le
précipite du char; les chevaux s'emportent
éperdus. » (XX, p. 294.) |
Piétrement
1882
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M. Maspéro (Hist. anc.,
p. 238) dit que
« la
plupart des mots qui nous restent des
langues de l'Asie Mineure se rattachent
à la souche aryenne » ; |
et l'on a pu remarquer
combien cette observation est justifiée par les
noms des guerriers troyens et par ceux de leurs
auxiliaires. Les noms qui méritent surtout d'attirer
l'attention sont ceux dans lesquels entre le
radical hippos (cheval),
et qui sont aussi communs chez les peuples aryens
d'Asie Mineure que chez les Grecs. Aux noms des
héros asiatiques Hippoloque et Hippodamas,
cités plus haut, on peut ajouter les suivants:
"
Hippocoon, chef des Thraces, parent
robuste de Rhésos"(Iliade X
p.144); le Troyen Mélanippe, tué par
Teucer (VIII, p.110); Mélanippe, fils d'Hicétaon,
de Percote, tué par Antiloque (XV p219);
Mélanippe, tué par Patrocle (XVI, p.
239); le Troyen Hippoloque, fils d'Antimaque,
tué par Agamemnon (XI, p. 248-249);
Hippomachos, fils d'Antimaque tué par le
Lapithe Léontée, compagnon de
Polyptès, fils de Pirithoüs(XII,
p. 169); |
Hippotion, père
de l'un des auxiliaires venus d'Ascanie (XIII,
p. 193); le Troyen Hippodamas, tué par
Achille (XX, p. 292); Hippothoos, l'un
des fils de Priam resté vivant a la fin
de l'Iliade (XXIV, p. 247);
enfin, le rejeton de Mars, Hippothoos,
fils du Pélasge Léthos et chef des
tribus de Pelasges venues de Larisse au
secours de Troie (II, p 34) héros qui
fut tué par Ajax sur le corps de
Patrocle (XVII p 249). |
Cette Larisse est du reste
celle qui était située près d'Hamaxitos, dans
le voisinage immédiat des Ciliciens de la Troade
(Voy.Strabon:V,II,4;IX,v,.19;et
XII,VIII,4.)
-
L'Iliade
est féconde en enseignements très clairs et
très précieux sur les qualités des anciens
chevaux de l'Asie Mineure et sur leur mode d'utilisation.
Pour éviter des répétitions, nous y
reviendrons plus loin, à propos des chevaux
grecs qui prirent part à la guerre de Troie.
Il suffit pour le moment d'avoir
constaté que tous les peuples aryens d'Asie
Mineure étaient alors en pleine possession de l'usage
du cheval.
Les ancêtres des Troyens,
le seul de ces peuples sur lequel nous ayons des
renseignements positifs suffisamment anciens par
la généalogie d'Enée, sont même représentés
en pleine possession de l'usage du cheval dès l'époque
de leur installation en Asie Mineure.
On peut donc en conclure que les Aryas sont
arrivés avec leurs chevaux dans cette contrée,
tout aussi bien que dans l'Inde et dans la Perse.
Or Charles Texier
a dejà dit :
"
Le règne du premier Midas remonte
aux époques fabuleuses, dans lesquelles
l'histoire pourrait difficilement s'aventurer
sans se perdre; » Texier. Description
de l'Asie mineure, t.1er, p.78; |
et nous pouvons ajouter
que la fondation de Dardanie et de la
premièreTroie remonte plus haut dans le passé
que ne semblerait l'indiquer la généalogie d'Enée
prise a la lettre; que tout porte à croire que
Tros était fils d'Erichthonios, fils de Dardanos,
à peu près comme Jésus-Christ était fils de
David, et comme Louis XVI était fils de saint
Louis.
Piétrement 1882
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haut
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