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Les chevaux
aryens dans l'Aryane primitive et en Perse, (chap IV§2) (suite) p205
[......]
Enfin, dans le IVe chapitre du Vendidad, Ormuzd
parle ainsi à Zoroastre :
«[....]
Celui qui nourrit et développe (son corps) en
mangeant de la viande obtient le
bon esprit, bien mieux que celui qui ne le fait
pas, etc. » (versets 134 -145).
[....] on sait par les écrivains de l'antiquité
que cette immolation est restée en honneur dans
le mazdéisme tant que cette religion est restée
florissante.
Hérodote montre en effet (I, 132) les Perses mangeant,
bouillie en menus morceaux, la viande des
victimes qu'ils sacrifient à leurs divinités ;
puis il ajoute (I, -133) :
« Les
Perses honorent plus que tout autre le
jour de leur naissance; ils le
célèbrent par un festin plus abondant;
les riches, ce jour-là, étalent un
buf, et un cheval, et un chameau,
et un âne, rôtis tout entiers à la
fournaise; les pauvres se contentent de
servir sur leur table une bête de menu
bétail. » |
II
avait aussi raconté antérieurement (I, 125-126) que, voulant faire
révolter contre les Mèdes les trois tribus
perses suzeraines, les Pasargades, les Maraphiens
et les Maspiens, Cyrus avait convié tous leurs
guerriers à un grand festin pour lequel il avait
immolé
«
tous les troupeaux de son père, chèvres,
brebis et moutons. » |
II
montre plus loin (VII, 113) l'armée de Xerxès arrivant sur les
bords du fleuve Strymon,
«
auprès duquel les mages égorgèrent des
chevaux blancs en sacrifices d'heureux
présage » ; |
et
il dit (VII
118-120)
dans quelle détresse tombèrent tant de cantons
de la Grèce, à cause de l'immense quantité de
bétail, d'oiseaux de terre et de marais qu'ils
furent obligés de fournir pour héberger Xerxès
et son armée, et qu'ils étaient même forcés d'engraisser
avant de les livrer.
Dans la Cyropédie (VIII, 3) Xénophon montre aussi Cyrus
sacrifiant des taureaux à Jupiter et aux autres
divinités désignées par les mages, des chevaux
au Soleil; puis faisant exécuter des courses de
chevaux montés, et une course de chars après
laquelle on distribue aux vainqueurs des
bufs pour en faire un sacrifice et un
régal.
On sait par Strabon
(liv. XV,
ch. III, § 7) qu'à
l'époque de la conquête de la Perse par
Alexandre le tombeau de Cyrus était encore
gardé par des mages
« qui
recevaient un mouton chaque jour pour
leur nourriture, plus un cheval tous les
mois": |
fait
qui est aussi rapporté par Arrien, Expéditions
d'Alexandre, VI, 8.
Enfin, Strabon dit plus loin, dans son
livre XV, chap. III :
« Les
murs de la Perse,
qui sont aussi celles de la Susiane, de
la Médie et des pays circonvoisins, ont
été souvent dépeintes; nous ne
saurions pourtant nous dispenser d'en
retracer à notre tour les caractères
principaux.
Nous dirons donc que les Perses n'élèvent
à leurs dieux ni statues ni autels;
qu'ils sacrifient sur les hauts
lieux, à ciel ouvert...; qu'avant de
célébrer leurs sacrifices ils
choisissent une place nette de toute
impureté, la sanctifient par leurs
prières et y amènent ensuite la victime
couronnée de fleurs;
que le mage qui préside à la
cérémonie dépèce lui-même la victime,
dont les assistants se partagent les
morceaux, sans rien réserver pour la
divinité, après quoi ils se séparent.
Ils prétendent même que les dieux ne
réclament de la victime que son âme et
rien autre chose. Toutefois quelques
auteurs assurent qu'il est d'usage de
mettre sur le feu un peu d'épiploon. »
(§
13.)
« C'est au feu et à l'eau que les
Perses offrent leurs sacrifices les plus
solennels.....
S'agit-il de l'eau, ils se transportent
au bord d'un lac, d'un fleuve ou d'une
fontaine, puis, creusant une grande fosse
à côté, ils égorgent la victime juste
au-dessus de cette fosse, en ayant soin
que pas une goutte de sang ne se mêle à
l'eau qui est là auprès et qui en
serait souillée. Cela fait, les mages
disposent, sur un lit de feuilles de
myrte et de feuilles de laurier, les
viandes du sacrifice, mais sans y toucher
autrement qu'avec de longues baguettes.
»
(§ 14.)
« En Cappadoce, où, pour desservir
cette infinité de temples consacrés aux
dieux de la Perse, la tribu des mages (la
tribu des pyraether, comme on l'appelle
aussi) se trouve être nombreuse, l'usage
du couteau est interdit, et la victime
est abattue avec un énorme bâton qui a
la forme d'un pilon." (§15.)
" De cinq à vingt-quatre ans, les
jeunes Perses apprennent uniquement à
tirer de l'arc, à lancer le javelot, à
monter à cheval et à dire la vérité...
En temps ordinaire, voici quel est leur
régime de vie: tous les jours, après
les exercices du gymnase, chacun reçoit
un pain, une galette de froment, du
cresson, du sel en grain, et un morceau
de viande rôtie ou bouillie."(§18.)
" On aime en Perse les repas
somptueux: dans ces repas, il y a
toujours une grande quantité et une
grande variété de viandes; on y sert
même quelquefois des animaux entiers."
(§19) |
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Piétrement
1882
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Nous avons essayé de montrer ailleurs que les
Iraniens des temps héroïques estimaient autant
les chevaux rouges qu'ils prisaient peu les
chevaux noirs; mais nos considérations ne
reposent sans doute pas sur des documents assez
nombreux ni assez topiques pour convaincre tous
les lecteurs .(Voyez Piétrement, dans deux
articles intitulés, l'un Les chevaux de l'Avesta,
l'autre Signification du mot zend aurusha,
dans la Revue de linguistique et de
philologie comparée, juillet 1880 et
janvier 1882.)
Ce qui est plus certain, c'est que chez les
Iraniens de l'époque achéménide c'étaient
déjà les chevaux blancs qui
étaient affectés au service des dieux et des
grands.
Ainsi Hérodote montre Darius fils d'Hystaspe,
qui monta sur le trône de Perse en l'an 523
avant notre ère, divisant son empire en vingt
satrapies, en réglant les impôts annuels (III, 89), et taxant les
Ciliciens, qui formaient la quatrième satrapie,
à
«
trois cent soixante chevaux blancs, un
par jour » (III, 90). |
Il signale des
chevaux sacrés dans les défilés de l'armée de
Xerxès au sortir de Sardes et au passage de l'Hellespont. (VII, 40, 45); et il dit que ces
chevaux sacrés étaient blancs, en racontant que
l'un de ceux que Cyrus avait emmenés dans son
expédition contre Babylone se noya en traversant
le Gyndès
(I, 89).
Il dit que derrière les dix chevaux sacrés de l'armée
de Xerxès roulait le char de Jupiter, traîné
par huit chevaux blancs (VII, 40); et que Mardonius,
général en chef de l'armée perse après la
rentrée de Xerxès en Asie, combattait sur un
cheval blanc lorsqu'il fût tué à la bataille
de Platée (IX,
63).
Il est à peine besoin d'ajouter que le (?) ou
dieu suprême des Perses, dont parle Hérodote,
était Ormuzd, comme le témoignent les
inscriptions cunéiformes des Achéménides, et
comme le confirment d'une façon irrécusable les
inscriptions bilingues des Sassanides, dans
lesquelles les Perses ont eux-mémes traduit
Ormuzd par Zsuç.
Nous
avons uniquement utilisé les renseignements
fournis par l'Avesta pour faire connaître l'histoire
des plus anciens rapports connus des Iraniens
avec le cheval, parce que ce sont les seuls
documents nationaux qui nous paraissent dignes de
confiance.
Les légendes de l'Avesta, souvent écrites dans
un style métaphorique, se sont transformées en
véritables contes des Mille et une Nuits sous
la plume des écrivains persans, même sous celle
du plus estimé d'entre eux, l'historien poète
Firdousi, Iranien d'origine, mais fidèle
musulman, qui écrivit son Shah nameh ou Livre
des rois dans le x° siècle de notre ère.
Firdousi a certainement recueilli les traditions
iraniennes avec le plus grand soin, comme le
montre son traducteur Jules Molh, aux pages 17-19
de l'introduction au premier volume du Livre
des Rois; mais, cédant à la façon
musulmane d'écrire l'histoire, l'auteur persan s'est
trop souvent laissé entraîner à commettre des
anachronismes impardonnables, dont voici un
exemple frappant :
A la page 175 du tome Ier du Shah nameh, après le
meurtre de son fils Iredj, le roi Féridoun, qui
est le Thraetaona de l'Avesta, dit aux messagers
de ses autres fils Selm et Tour :
"
Maintenant qu'ils se sont délivrés d'Iredj,
ils cherchent le sang de Minoutchehr.
Mais vous ne le verrez qu'avec une armée,
avec un casque d'acier, une massue et l'étendard
de Kaweh; avec des chevaux dont les fers
noirciront la terre. » |
[...]
Non seulement la ferrure des chevaux était
inconnue des rois de la dynastie peshdadienne,
mais cette pratique était même encore ignorée
des Perses sous les Achéménides, et de tous les
autres peuples civilisés de cette époque
relativement si récente.
Les sculptures, les bas-reliefs et les peintures
des anciens monuments de la Perse, de l'Assyrie,
de l'Egypte et de la Grèce, montrent toujours
les pieds des chevaux dépourvus de fers; et les
représentations graphiques du meilleur style
permettent même de constater, par la forme
donnée aux pieds des chevaux, que ce sont des
pieds restés toujours vierges de ferrure.
Les auteurs anciens citent d'ailleurs quelques
exemples de chefs militaires ayant été obligés
de suspendre momentanément leurs opérations, à
cause de l'excessive usure des pieds des chevaux,
à la suite de longues marches. Nous n'avons pas
tous ces exemples présents à la mémoire; mais
nous pouvons du moins signaler deux faits qui ne
laisseront aucun doute sur la vérité de notre
assertion.
Xénophon avait servi pendant sa jeunesse dans l'armée
perse de Cyrus le Jeune, révolté contre son
frère Artaxerxès Mnémon.
Il avait parcouru toute l'Asie Mineure, traversé
la Syrie et l'Euphrate avant d'assister au combat
des deux frères, et visité l'Arménie dans sa
retraite. Si la ferrure avait été connue dans
ces contrées, Xénophon n'aurait pas été
obligé plus tard d'indiquer, dans le chapitre IV
de son traité De l'équitation, le moyen
de durcir la corne des pieds des chevaux.
Diodore
(XVII, 94) montre Alexandre se
disposant à franchir le Gange en l'an 327 avant
notre ère, mais obligé de renoncer à son
entreprise à cause des réclamations de ses
troupes, qui donnent entre autres raisons que
"les
sabots des chevaux étaient usés par les
marches continuelles" |
Cela
prouve bien que la ferrure n'était encore connue
chez aucune des nations visitées par Alexandre,
qui venait, en huit années de campagnes, de
conquérir toute l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte,
la Mésopotamie, l'Hyrcanie, la Bactriane, la
Sogdiane, la Perse et toute l'Inde en deçà du
Gange.
Piétrement
1882
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L'usage des chars de guerre ayant été depuis
longtemps abandonné et la connaissance de la
langue zende depuis longtemps oubliée à l'époque
de Firdousi, cet auteur ne fait paraître que de
la cavalerie proprement dite dans les armées de
Féridoun et de ses fils, bien que l'Avesta ne
laisse aucun doute sur
l'existence simultanée des combattants
en char et des combattants à cheval
dans les armées iraniennes de ces temps reculés.
L'usage simultané de ces deux sortes de
combattants persista du reste dans les armées
iraniennes jusqu'à une époque relativement
récente, comme l'attestent les témoignages des
historiens de l'antiquité classique.
Il est donc à peine besoin de faire observer que
dans sa Cyropédie, roman politique
destiné à la glorification du pouvoir royal,
Xénophon commet un anachronisme en attribuant à
Cyrus l'introduction chez les Perses de l'usage
de la cavalerie, à l'imitation de ce qui
existait chez les Mèdes (Cyrop., IV, 3). Pour admettre ce fait,
rapporté seulement dans le roman de Xénophon,
il faudrait supposer que les Perses ont
momentanément abandonné l'usage de la cavalerie
en devenant tributaires des Mèdes.
Mais, pendant les cent vingt-huit ans que dura la
domination des Mèdes sur la haute Asie (Hérodote,
I, 130), les Perses n'en
étaient pas moins restés un peuple puissant,
composé de trois tribus suzeraines, les
Pasargades, les Maraphiens, les Maspiens, dont
dépendaient les Panthialéens, les Derusiens,
les Germaniens, tribus de laboureurs, ainsi que
les Daens, les Mardiens, les Dropiques, les
Sagartiens, tribus de pasteurs nomades (Hérodote, I,125); et, pour se rendre
compte de la force de ces tribus, il n'y a qu'à
se rappeler que les Sagartiens fournirent à eux
seuls huit mille cavaliers à l'armée de Xerxès
(Hérodote, VII,
85).
Ce qui prouve d'ailleurs sans réplique que les
Perses étaient restés une nation aussi
puissante que brave sous la domination mède, c'est
qu'il suffit à Cyrus de se mettre à la tête
des guerriers appartenant aux trois seules tribus
perses suzeraines pour enlever aux Mèdes la
domination de la haute Asie (Hérodote, I,125-130);
et Cyrus avait par conséquent eu raison de leur
dire :
« Je
ne vous crois inférieurs aux Mèdes en
aucune chose, surtout en vaillance
guerrière » (Hérodote, I,126). |
Piétrement
1882
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